Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 24 janvier 2018 à 14h30
Renforcement du dialogue social — Article 6

Muriel Pénicaud :

Je le rappelle à mon tour, le code du travail dispose, cela ne change évidemment pas, que « le recours au travail de nuit est exceptionnel » et qu’il n’est justifié que « par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale. »

À défaut de définition légale, les tribunaux, dans le cadre des contentieux engagés, sont amenés à délimiter les contours de cette justification, ce qui crée une certaine forme d’insécurité juridique.

Depuis la loi du 9 mai 2001 relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le recours à la négociation collective est obligatoire pour la mise en place du travail de nuit. Les justifications que doit comporter un tel accord doivent correspondre à l’un des deux cas prévus par le code du travail : la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale.

Monsieur le sénateur, il n’est pas question d’y revenir. Vous avez raison, le travail de nuit doit rester exceptionnel, puisque, on le sait, il n’est pas sans conséquence.

La loi confie également aux partenaires sociaux la responsabilité de prévoir les contreparties au travail de nuit, ainsi que les mesures destinées à faciliter pour les salariés travaillant la nuit l’articulation de leur activité professionnelle nocturne avec leur vie personnelle.

La prise en compte des sujets de santé dans le cadre de ces contreparties est un élément d’autant plus important que la connaissance sur les effets du travail de nuit est maintenant plus fine.

Il est vrai que l’article 32 de l’ordonnance présume la légitimité des partenaires sociaux à incarner l’intérêt collectif, dans ce domaine comme dans les autres. C’est ce sur quoi repose l’économie des ordonnances.

En droit, la règle générale est que la charge de la preuve incombe à celui qui se plaint, en l’espèce, la partie, signataire ou non de l’accord, qui considère que les deux motifs justifiant le travail de nuit prévus par le code du travail n’ont pas été respectés.

Par ce projet de loi, nous entendons promouvoir une société de confiance, au travers d’un dialogue social exigeant, bien loin du pouvoir unilatéral de l’employeur. Faut-il le rappeler, tous les accords devront être majoritaires. Pour ce qui est du rôle des partenaires sociaux en la matière, nous ne changeons rien pour ce qui concerne les conditions autorisant le recours exceptionnel au travail de nuit, rien quant à la nécessité pour les partenaires sociaux de négocier les contreparties, rien non plus à l’égard des possibilités de recours.

La seule modification, et c’est pour nous un point très important, consiste à considérer qu’un accord, dès lors qu’il est conclu, est présumé justifié. Cela n’ôte rien aux possibilités de recours mais est totalement cohérent par rapport à cette vision du droit social qui transparaît dans les ordonnances : oui, l’accord a une valeur, les partenaires sociaux veillent à l’intérêt général, donc à celui des salariés.

Nous serons bien sûr vigilants sur ce sujet. Je n’ai moi-même aucune inquiétude, car je ne connais pas d’accord sur le travail de nuit qui ne prévoie pas un encadrement très précis par les partenaires sociaux. Si un dérapage devait être constaté, il y aurait un recours sur lequel le juge serait appelé à se prononcer.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

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