L’ordonnance en cause supprime le compte personnel de prévention de la pénibilité pour lui préférer un compte qui renvoie aux prémices des réflexions et négociations sur cette question fondamentale.
Depuis l’entrée en vigueur du dispositif en 2015, 975 000 comptes pénibilité ont été ouverts : un tiers d’entre eux est crédité de quatre points, un autre tiers de huit. Peu de personnes sont parties à la retraite de manière anticipée, mais cela est dû aux faits que l’utilisation des points n’a été possible qu’à partir de 2016 et que les entreprises ont largement pratiqué la sous-déclaration.
Le nouveau système ne permettrait que 10 000 départs anticipés à la retraite en 2018.
Pourtant, les expositions à la pénibilité sont particulièrement importantes en France ; c’est notamment le cas de l’exposition aux mouvements répétitifs et aux produits chimiques, au port de charges lourdes, à des températures extrêmes et à des postures douloureuses, autant d’expositions qui sortent du dispositif, en renvoyant à une visite médicale à la fin de carrière. Cette évolution change la philosophie du dispositif, en privilégiant la réparation plutôt que la prévention.
Les entreprises ont obtenu la suppression de deux cotisations, alors que le choix de financement par la création d’un fonds alimenté par ces cotisations patronales traduisait la volonté d’une solidarité interprofessionnelle. Ce financement permettait aussi de responsabiliser les employeurs, en les incitant financièrement à se mobiliser : s’ils voulaient payer des cotisations moins élevées, ils devaient réduire l’exposition de leurs salariés aux facteurs de pénibilité.
De plus, avec le renvoi de la mesure de l’exposition des trois critères dits ergonomiques à une visite médicale a posteriori, pour bénéficier d’un départ anticipé, les travailleurs exposés devront s’être vu reconnaître une incapacité permanente du fait de leurs conditions de travail égale ou supérieure à 10 %, et ce sans condition spécifique quant à une durée d’exposition.
Je n’ose penser que les représentants des employeurs, depuis la création du compte, aient voulu que les salariés concernés basculent en invalidité, dont le coût pèse sur la collectivité.