Nous avons déjà beaucoup discuté de ce sujet au mois de juillet, mais j’ai entendu des choses qui étaient exactes et d’autres qui ne l’étaient pas. C’est pourquoi je veux simplement, madame la présidente, résumer les faits.
Je rappelle tout d’abord que les dix critères sont bien maintenus et ne sont pas remis en cause.
Pour les six premiers de ces critères, les modalités d’application se mettent en place et ont toutes les chances de fonctionner ; nous n’avons donc pas changé le mécanisme.
Pour les quatre derniers critères, il faut distinguer, d’un côté, les trois qui sont dits ergonomiques – charges lourdes, postures et bruit – et, de l’autre, le risque chimique.
Pourquoi avoir fait évoluer les choses sur ces quatre critères ? Tout simplement parce que nous avons constaté, comme vous, un nombre extrêmement limité de déclarations. En fait, le système qui supposait de comptabiliser le nombre d’heures pendant lequel le salarié porte des charges lourdes ou doit adopter des postures dangereuses est totalement inapplicable dans les petites entreprises, par exemple pour les artisans ou les agriculteurs.
Le principe, qui reposait sur la justice sociale, était bon, mais le dispositif lui-même était une usine à gaz ! Il est vrai que certains risques professionnels amplifient les inégalités en termes de santé.
Quand on met en place une usine à gaz, même si elle s’appuie sur un bon principe, le droit reste formel et n’est pas réel. Pour le rendre effectif, ce qui me semble tout de même le plus important, nous avons pris deux décisions.
Pour les trois risques ergonomiques, dont les effets sont rapidement observables, c’est un examen médical qui permettra de constater la situation du salarié : 10 000 personnes pourront ainsi partir à la retraite dès maintenant, sans attendre quinze ans pour avoir tous les points nécessaires. Cette décision, qui constitue un vrai plus, puisque ces personnes pourront partir plus tôt à la retraite, relève de la constatation d’un dommage, plus que de la prévention, mais celle-ci est aussi, comme vous le savez, une priorité de notre action.
Pour ce qui est du risque chimique, la nature du problème est différente, car, à l’inverse des risques ergonomiques, ses effets sont, par nature, différés et se constatent même parfois après le départ en retraite.
Comment prendre en compte un risque dont les effets sont si difficilement observables ? On voit bien avec le dossier de l’amiante – la jurisprudence n’est pas encore stabilisée – que cette question est à la fois compliquée et importante et qu’il est nécessaire d’adopter une autre approche.
Je note déjà que la prévention est éminemment importante dans ces situations, mais il est clairement impossible, comme je l’avais indiqué lors des débats sur le projet de loi d’habilitation, de régler une telle question en quelques semaines et de façon superficielle.
C’est pourquoi Agnès Buzyn et moi-même avons confié une mission, dont je vous ai déjà parlé, au professeur Frimat, spécialiste de ces sujets. Il nous rendra ses conclusions dans quelques semaines.
J’insiste sur un point : le risque chimique concerne de nombreux secteurs économiques : le bâtiment, l’agriculture et beaucoup d’autres. On ne doit pas se focaliser sur la seule industrie chimique, dont c’est le cœur de métier et qui est donc déjà très sensible à ces questions. Ce risque concerne aussi beaucoup de petites et moyennes entreprises dans des secteurs économiques variés.
C’est pourquoi, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le sujet de la prévention est une priorité du dialogue avec les partenaires sociaux, ainsi que du comité chargé de la santé et des conditions de travail.
Nous avons conservé une cotisation sociale mutualisée en partie à travers la branche AT-MP qui encourage la prévention et joue bien un rôle dissuasif.
Parmi les actions que nous menons à ce sujet, je vous rappelle aussi qu’Agnès Buzyn et moi-même avons lancé une mission sur la santé au travail, qui concerne notamment la médecine du travail. Nous aurons évidemment l’occasion d’évoquer ensemble les résultats de cette mission, à l’issue de laquelle nous serons certainement amenées à formuler des propositions.
En conclusion, je le répète, nous avons eu pour objectif de transformer un droit en partie formel en un droit réel. Ainsi, nous permettons à des salariés d’accéder, dès aujourd’hui, à ce droit à la retraite anticipée, ce qui n’était pas possible dans la situation antérieure en raison de l’absence de déclaration, en particulier dans les petites et moyennes entreprises.
Nous devons encore progresser sur la question de la santé au travail, nous le ferons ensemble, car c’est l’intérêt de tous, entreprises comme salariés.
Vous l’aurez compris, l’avis du Gouvernement est défavorable sur ces amendements.