L’avis du Gouvernement est favorable, et je veux prendre quelques minutes pour en expliquer les raisons à la Haute Assemblée.
J’avais demandé à Jean Arthuis, président de la commission des budgets du Parlement européen et défenseur d’Erasmus Pro depuis longtemps, de me faire des propositions sur ce dispositif qui s’adresse aux apprentis. Pourquoi ?
Depuis la création d’Erasmus, dont tout le monde s’accorde à dire que c’est un immense succès, tant pour le sentiment d’appartenance à la citoyenneté européenne que pour le développement de nos jeunes, plus de 600 000 étudiants français en ont bénéficié, contre seulement 25 000 apprentis qui ont utilisé le dispositif Erasmus Pro. Chaque année, le flux est de 6 800 apprentis par an, quand plusieurs dizaines de milliers d’étudiants partent étudier à l’étranger.
Aujourd’hui, dans le monde où nous vivons, il me semble que tous les jeunes aspirent à avoir une expérience européenne, à l’international.
L’apprentissage est souvent une voie de réussite, d’excellence, mais il permet aussi d’emprunter l’ascenseur social.
Je juge très important que les apprentis, eux aussi, puissent être exposés à une autre culture, à une autre manière de vivre et de travailler. J’ai rencontré beaucoup de ceux qui sont allés ainsi à l’étranger : l’expérience prouve qu’ils en ressortent grandis, structurés, pleins d’optimisme, d’enthousiasme et de confiance en eux. Ils ont vu autre chose et ont développé des compétences linguistiques. Les pionniers de ce programme, tels que les maisons familiales rurales ou les Compagnons du devoir, attestent de réussites assez éclatantes de jeunes qui, tout d’un coup, prennent une nouvelle confiance en eux.
Il se pose une question d’équité : pourquoi les apprentis ne pourraient-ils pas aller à l’étranger, alors que les étudiants le peuvent ? Notre initiative s’inscrit aussi, plus largement, dans une démarche de valorisation de l’apprentissage sur laquelle nous reviendrons ensemble.
Le rapport de Jean Arthuis a montré qu’il existe de nombreux freins de tous ordres, dans la reconnaissance des diplômes ou encore dans les tutorats croisés : je ne vous en fais pas la liste complète, car nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la discussion du projet de loi relatif à la formation professionnelle.
En revanche, l’un de ces freins relevait du code du travail et de la sécurisation des parcours. Dès lors, même si le rapport n’a été publié que le 19 janvier dernier, j’ai estimé qu’il serait bon de régler le problème tout de suite. Aujourd’hui, si l’employeur d’un jeune en contrat d’apprentissage l’envoie à l’étranger, l’apprenti reste entièrement lié par ce contrat et demeure sous la responsabilité de l’employeur français, et vice-versa pour les jeunes qui viennent en France. C’est pourquoi les apprentis qui participent au programme Erasmus Pro non seulement ne sont pas nombreux, mais partent pour deux ou trois semaines seulement, comme en voyage d’études. Nous souhaitons plutôt qu’ils puissent aller passer un semestre dans un autre pays européen, comme les étudiants, et que nous puissions accueillir des apprentis étrangers dans les mêmes conditions.
Pour ce faire, il faut non pas suspendre complètement le contrat d’apprentissage pendant le séjour à l’étranger, mais en mettre en veille certains aspects. Ainsi, les accidents du travail doivent être pris en charge dans le pays d’accueil par l’entreprise d’accueil, dont ce sera la responsabilité, évidemment de manière contrôlée.
La rémunération doit, elle aussi, être prise en charge dans le pays d’accueil. Deux cas de figure existent. Dans certains pays, comme l’Allemagne ou la France, le contrat d’apprentissage est un contrat de travail ; dans ce cas, le jeune devient pour ainsi dire apprenti dans l’autre pays pendant quelques mois, et y perçoit donc une rémunération. En revanche, dans d’autres pays, il s’agit d’un statut de stagiaire qui est plus ou moins rémunéré, voire pas du tout. Pour ces pays, nous avons prévu que, à travers un mécanisme de financement, le CFA puisse se substituer à l’entreprise d’accueil et verser sa rémunération au stagiaire.
Cette suspension de certains aspects du contrat permettra par ailleurs de résoudre des problèmes de sécurité sociale. De fait, elle lèvera un frein très important à ces échanges.
Aujourd’hui, de nombreux jeunes veulent partir dans ce cadre. La Commission européenne vient d’accepter d’augmenter le budget du programme Erasmus Pro. Il faut saisir cette opportunité pour accueillir plus de jeunes étrangers et pour qu’un plus grand nombre de nos jeunes apprentis puissent partir en apprentissage à l’étranger.
J’ai beaucoup d’enthousiasme sur ce sujet parce que je pense que nous envoyons ainsi un signal. D’ailleurs, au vu de l’écho qu’a eu le rapport de Jean Arthuis, nos jeunes ont sur ce point une forte aspiration. C’est pourquoi je vous invite à voter cet amendement pour nos jeunes apprentis.