Intervention de Véronique Guillotin

Réunion du 25 janvier 2018 à 14h30
Physicien médical et qualifications professionnelles — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Véronique GuillotinVéronique Guillotin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, le 5 décembre dernier, nous nous réunissons à nouveau pour l’examen de ce projet de loi ratifiant des ordonnances prises sur le fondement de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

L’article 1er, qui ratifie l’ordonnance permettant la reconnaissance de la profession de physicien médical, a été adopté conforme par les deux assemblées. Cette ordonnance a fait l’objet d’un consensus dans le milieu médical, ainsi qu’au Parlement. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cependant, l’article 2, dans lequel se trouvent les dispositions sur l’accès partiel à certaines activités médicales et paramédicales, concentre aujourd’hui tous les débats et nous amène à nous réunir pour un examen en nouvelle lecture.

Plusieurs arguments, parfaitement relayés par notre rapporteur Corinne Imbert, ont été avancés par les professionnels de santé.

Notamment, les infirmiers et les kinésithérapeutes s’inquiètent. Le Syndicat national des professionnels infirmiers a également souligné la confusion qui pourrait exister dans l’esprit du public, qui ne sera pas toujours en mesure de reconnaître clairement le champ de compétences des infirmiers ; c’est une réalité. Sans compter le risque de désorganisation des soins dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. Les conséquences et l’effet de cette mesure n’ont pas été clairement évalués, tant quantitativement que qualitativement. La Fédération française des praticiens de santé a également souligné ce point.

Comme lors de l’examen de l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, une impréparation et un manque de concertation avec les organisations professionnelles sont à déplorer. Pour le groupe du RDSE, c’est un vrai problème ; nous souhaitons rappeler ici notre attachement au dialogue et au débat.

Par ailleurs, dans les territoires connaissant une désertification médicale, sujet d’inquiétude pour les élus et les citoyens – l’attractivité pour les professionnels y est faible –, une telle mesure pourrait contraindre les établissements ou les collectivités à recruter des professionnels concernés par l’exercice partiel.

Élue d’un territoire particulièrement sous-doté, je salue toute mesure qui permettrait de pallier les inégalités territoriales. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des patients et de la qualité des soins. La France ne peut se satisfaire d’un système de soins au rabais. Je pense que cette mesure risque de renforcer encore les inégalités territoriales.

Des risques sur l’organisation et la sécurité des soins ont été évoqués sur ce texte. Madame la ministre, vous avez rappelé que la directive prévoyait trois conditions nécessaires à la délivrance de l’autorisation d’exercice partiel. Les députés ont jugé que les garanties apportées étaient suffisantes. Ce n’est pas le cas de la commission des affaires sociales du Sénat, dont les arguments, que je partage pour la très grande majorité, n’ont pas pu trouver un écho favorable auprès du Gouvernement et de nos collègues de l’Assemblée nationale.

À ce sujet, je souhaiterais évoquer ici la publication, le 2 novembre dernier, du décret encadrant la mise en œuvre de l’exercice partiel, alors même que la commission mixte paritaire ne s’était pas encore réunie. Si ce décret apporte certaines garanties, nous aurions apprécié un peu plus de respect pour le débat parlementaire. Ce n’est pas la compétence du petit morceau d’exercice partiel qui est remise en cause ; c’est plutôt le champ de compétences qui pose problème.

Le Sénat, dans sa majorité, ne partage pas l’avis du Gouvernement sur ce projet de loi. Les arguments avancés sont sérieux et méritent qu’on s’y attarde. Il s’agit de l’avenir de notre système de santé, autant que des relations que nous entretenons avec les organisations professionnelles. Si nous ne remettons pas en question la compétence des professionnels dans leur activité, nous craignons l’arrivée de praticiens formés à l’exécution d’une seule partie des actes.

Certes, il s’agit d’une directive dont la transposition aurait dû être faite voilà plus de deux ans ; je vous ai bien entendue, madame la ministre. Mais, précisément, elle a fait l’objet de fortes dissensions et ne peut pas être acceptée en l’état. Nous ne sommes pas prêts à nous asseoir sur nos exigences et celles de nos concitoyens, notamment en matière de santé.

Le RDSE réaffirme par ma voix son attachement à l’Europe. Oui, nous avons besoin de l’Europe ! Oui, nous en respectons les règles ! Mais nous souhaitons une Europe qui tire vers le haut, une Europe qui harmonise, une Europe « qui protège », pour reprendre les termes du Président de la République – il était question de la protection de nos frontières et de notre économie. Nous aurions aimé qu’il en soit de même pour notre système de santé et que l’ambition soit d’en préserver la qualité.

Madame la ministre, je vous remercie de votre écoute à l’égard des inquiétudes exprimées. Je salue également votre volonté d’encadrer cette mesure d’un maximum de garanties. Toutefois, nos inquiétudes restent entières s’agissant de l’organisation de notre système de soins, de l’équité sociale et de l’équité territoriale.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera pour le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, qui rétablit la suppression de l’exercice partiel.

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