Séance en hémicycle du 25 janvier 2018 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • dublin
  • d’asile
  • partiel
  • placement en rétention
  • rétention

La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.

Photo de Catherine Troendle

La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, permettant une bonne application du régime d’asile européen.

Je rappelle que la discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° A

1° Après le même premier alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :

« II. – Toutefois, dans le cas prévu au 1° bis du I de l’article L. 561-2, l’étranger ne peut être placé en rétention que pour prévenir un risque non négligeable de fuite, sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé, et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si les dispositions du même article L. 561-2 ne peuvent être effectivement appliquées. Le risque non négligeable de fuite peut, sauf circonstance particulière, être regardé comme établi dans les cas suivants :

« a) Si l’étranger s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à l’exécution d’une décision de transfert ;

« b) Si l’étranger a été débouté de sa demande d’asile dans l’État membre responsable ;

« c) Si l’étranger est de nouveau présent sur le territoire français après l’exécution effective d’une mesure de transfert ;

« d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

« d bis)

« e) Si l’étranger, aux fins de se maintenir sur le territoire français, a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;

« f) Si l’étranger a dissimulé des éléments de son identité, de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d’asile, la circonstance tirée de ce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité ne pouvant toutefois suffire, à elle seule, à établir une telle dissimulation ;

« f bis) Si l’étranger qui ne bénéficie pas des conditions matérielles d’accueil prévues au chapitre IV du titre IV du livre VII ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ;

« g) Si l’étranger qui a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 744-7 ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente ou si l’étranger qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans qu’il ne justifie d’un motif légitime ;

« h) Si l’étranger ne se présente pas aux convocations de l’autorité administrative, ne répond pas aux demandes d’information et ne se rend pas aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou de l’exécution de la décision de transfert sans qu’il ne justifie d’un motif légitime ;

« i) Si l’étranger s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ;

« j) Si l’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure de détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile ou à la procédure de transfert. » ;

1° bis AA

bis A Le début du troisième alinéa dudit article L. 551-1 est ainsi rédigé : « Les I et II du présent article ne sont pas applicables à l’étranger… (le reste sans changement) » ;

1° bis BA

1° bis BB

bis B L’article L. 553-6 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité et, le cas échéant, des besoins particuliers des demandeurs d’asile ou des étrangers faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou d’une décision de transfert notifiée conformément à l’article L. 742-3. » ;

bis C L’article L. 554-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l’article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile et, le cas échéant, à l’exécution d’une décision de transfert. Lorsqu’un État requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l’étranger, il est immédiatement mis fin à la rétention de ce dernier, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet État dans les plus brefs délais ou si un autre État peut être requis. En cas d’accord d’un État requis, la décision de transfert est notifiée à l’étranger dans les plus brefs délais. » ;

bis La première phrase du premier alinéa de l’article L. 556-1 est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’un étranger placé en rétention en application de l’article L. 551-1 présente une demande d’asile, l’autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l’État membre responsable de l’examen de cette demande conformément à l’article L. 742-1 et, le cas échéant, à l’exécution d’office du transfert dans les conditions prévues à l’article L. 742-5. Si la France est l’État membre responsable de l’examen de cette demande et si l’autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l’exécution de la mesure d’éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l’étranger pendant le temps strictement nécessaire à l’examen de sa demande d’asile par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d’irrecevabilité de celle-ci, dans l’attente de son départ. » ;

2° Le I de l’article L. 561-2 est ainsi modifié :

aa) À la fin du 1°, les mots : « ou fait l’objet d’une décision de transfert en application de l’article L. 742-3 » sont supprimés ;

a) Après le même 1°, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis Fait l’objet d’une décision de transfert en application de l’article L. 742-3 ou d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; »

a bis) L’avant-dernier alinéa est complété par les mots : « pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis » ;

b) Le dernier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’article L. 551-1 est applicable lorsqu’un étranger assigné à résidence en application du présent article :

« 1° Ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l’article L. 511-1 ;

« 2° Présente un risque non négligeable de fuite, tel que défini aux a à j du II de l’article L. 551-1, dans le cas d’un étranger faisant l’objet d’une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge, en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou d’une décision de transfert notifiée conformément à l’article L. 742-3. » ;

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Avant d’entrer plus avant dans l’examen des articles de la proposition de loi, je souhaiterais dire quelques mots sur les centres de rétention administrative, les CRA.

Mes collègues du groupe socialiste et républicain le rediront en défendant leurs amendements, nous sommes fermement opposés à cette proposition de loi, à ses principes mêmes et à ses fondements, parce qu’elle porte atteinte aux libertés individuelles. Au-delà, la mise en œuvre des dispositions prévues pourrait avoir des conséquences extrêmement délicates.

Aujourd’hui, nous le savons, la situation des centres de rétention administrative est particulièrement difficile : ils sont surchargés, il n’y a plus de place. Pour avoir passé plusieurs heures dans le CRA de mon département il y a quelques semaines, j’ai pu mesurer l’afflux très important de personnes depuis l’attaque de Marseille en octobre dernier. Cela met en difficulté les équipes gestionnaires. Le juge des libertés et de la détention libère les personnes au bout de quarante-huit heures, ce qui conduit à des mouvements de va-et-vient. Au-delà de la saturation des places, cet état de fait crée des problèmes de gestion extrêmement délicats.

Aussi, je veux attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues sur la situation actuelle dans les centres de rétention administrative, laquelle pourrait être aggravée par les conséquences liées à la mise en application des dispositions de cette proposition de loi. En effet, se pose aujourd’hui un problème de sous-dotation en effectifs et en moyens, ce qui peut vraiment porter atteinte à la dignité des personnes accueillies.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Kanner, Sueur, Jacquin et Boutant, Mmes Blondin, Cartron et de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Fichet, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 26 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 1 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

L’article 1er constitue la disposition essentielle de ce texte, mais je ne reprendrai pas, à ce stade, les arguments développés lors de la discussion générale. Le groupe du RDSE a fait un travail précis et détaillé sur cet article et formulé des remarques techniques dont nous discuterons plus précisément ultérieurement, faisant ressortir les différentes difficultés que pose ce texte ; le débat les mettra en évidence.

Il ne sert à rien de répondre aujourd’hui au règlement Dublin qui, de toute façon, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, ne fonctionne pas : il est absolument en rupture avec l’État de droit en matière d’enfermement des personnes. Pour la première fois, des personnes seront enfermées parce qu’elles sont demandeurs d’asile, sous prétexte qu’elles sont susceptibles d’être visées par le règlement Dublin. Cela n’est ni correct en termes de droit ni conforme à notre ambition de promouvoir une politique d’asile européenne, ambition qui doit conduire notre pays à être exemplaire en la matière. Il convient de ne pas inverser les choses en faisant peser la responsabilité de l’ensemble de la politique d’asile européenne sur nos autres partenaires et non pas sur nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 26.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

À l’instar de nos collègues du groupe socialiste et républicain, nous souhaitons, par cet amendement de suppression et ceux qui suivront, marquer notre profond désaccord tant avec l’esprit qu’avec la lettre de cette proposition de loi.

Permettez-moi de faire une première remarque sur le timing.

Examinée, et probablement adoptée, à quelques semaines des débats sur le projet de loi sur l’asile et l’immigration, cette proposition de loi ne fera pas l’objet d’un avis du Conseil d’État ni d’une étude d’impact. Elle permettra en revanche de placer rapidement en rétention nombre de demandeurs d’asile.

Priver de liberté des personnes en situation régulière sur le territoire français est, mes chers collègues, contraire à nos principes fondateurs et viole, sans nul doute, l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme.

Comme l’observe Amnesty International, dont nous partageons les préoccupations, le texte cherche à « sauver » le règlement Dublin en le renforçant, alors que ce dernier se révèle depuis des années vain, inéquitable et inefficace.

De surcroît, la proposition de loi porte gravement atteinte au droit d’asile lui-même et au respect des obligations internationales de la France à cet égard. Elle vise en effet à placer en rétention des personnes dont les empreintes apparaîtraient dans le fichier EURODAC avant même qu’elles n’aient pu enregistrer leur demande d’asile, bafouant ainsi un droit fondamental.

Peut-on, sans sourciller, voter un texte d’une telle nature ? Nous ne le pensons pas, bien entendu. Nous ne sommes d’ailleurs pas totalement isolés puisque, en dehors des ONG internationalement reconnues et des très nombreuses associations qui dénoncent les dérives de ce texte, le Défenseur des droits lui-même n’a pas eu de mots assez forts pour dire sa préoccupation à l’égard de cette proposition de loi qui « tend à faire prendre à l’histoire de la rétention administrative des étrangers un tournant sans précédent ».

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’avis de la commission sur les deux amendements identiques n° 1 rectifié bis et 26 est évidemment défavorable.

Permettez-moi de rappeler brièvement les choses. Voter ces deux amendements identiques reviendrait à empêcher ni plus ni moins l’État français de faire respecter les accords de Dublin. Nous avons évoqué, lors de la discussion générale, ce qu’il en était et les enjeux de ce texte. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a émis, je le répète, un avis défavorable.

Ce texte apporte une réponse limitée à un problème urgent, comme nous l’avons déjà dit. Par ailleurs, il respecte les accords de Dublin III. Enfin, il réitère ou renforce un certain nombre de garanties à l’égard de ceux qui bénéficient du statut Dublin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Sur ces deux amendements identiques, comme sur d’autres amendements, je partagerai l’avis de la commission.

En effet, si l’on peut penser qu’il est nécessaire de procéder à une refonte du droit d’asile au niveau européen, on le sait, le paquet Asile ne sera pas adopté immédiatement. Il serait totalement impossible que notre pays n’ait plus le droit d’éloigner de manière unilatérale un certain nombre de personnes déboutées du droit d’asile en Allemagne, par exemple. Je l’ai rappelé, en Europe, quelque 500 000 personnes ont été déboutées du droit d’asile. Si, demain, ces personnes venaient en France et que nous ne puissions plus les éloigner, cela conduirait à une situation catastrophique.

Mme Robert s’est inquiétée du fait que l’on ne puisse plus placer aujourd’hui les étrangers dans les centres de rétention administrative ; je veux la rassurer : nous allons ouvrir 200 places d’ici à la fin du mois et 200 supplémentaires d’ici à la fin de l’année. Son vœu est donc satisfait.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je pourrais presque entendre ce que dit M. le ministre d’État à propos d’une personne déboutée ayant eu la possibilité de voir sa demande d’asile examinée en Allemagne. Aussi est-il important de travailler à la reconnaissance d’une telle décision au niveau européen. Pour ce faire, il importe que les diverses agences chargées du droit d’asile dans les différents pays convergent. D’ailleurs, même dans le cas que je viens d’évoquer, on peut considérer qu’une nouvelle demande est légitime si de nouveaux éléments concernant la situation de la personne ou celle du pays ont évolué.

En revanche, je ne puis accepter que l’on ne fasse pas de différence entre une personne dont la demande d’asile est examinée en Allemagne et une autre qui est arrivée en Italie ou en Grèce. Cette personne est aujourd’hui enregistrée non pas comme ayant déposé une première demande d’asile, mais parce que c’est dans ce pays qu’elle est entrée sur le territoire de l’Union européenne. Pourquoi cela ? Parce que FRONTEX fonctionne et enregistre la plupart des personnes qui entrent sur le territoire de l’Union européenne.

Si nous voulons être du côté de ceux qui veulent une politique de l’asile solidaire et l’affirmer, nous ne pouvons pas aujourd’hui adopter la posture consistant à dire que, comme FRONTEX enregistre tous les demandeurs en Grèce et en Italie – et peut-être demain en Espagne, parce que le flux commence à augmenter aussi dans ce pays –, il revient à ces pays d’étudier toutes les demandes d’asile, et que nous allons leur renvoyer les personnes concernées. C’est profondément anti-européen. C’est la raison pour laquelle nous maintenons cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1 rectifié bis et 26.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 56 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Costes, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après le mot :

intéressé

insérer les mots :

tel qu’établi au deuxième alinéa de l’article L. 744-6 du même code

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

L’article 1er de la proposition de loi prévoit que l’étranger est placé en rétention « sur la base d’une évaluation individuelle prenant en compte l’état de vulnérabilité de l’intéressé ». Or aucune définition de la vulnérabilité ne figure dans l’article, ce qui laisse une grande marge d’appréciation à l’administration.

Dans le cas précis de la procédure que nous examinons aujourd’hui, laquelle vise à placer en rétention administrative des personnes demandant l’asile à partir d’un simple faisceau d’indices, il m’a paru nécessaire que la vulnérabilité soit strictement prise en compte par l’autorité administrative chargée de la décision de placement.

L’article 744-6 du CESEDA, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, décrit l’évaluation de la vulnérabilité des demandeurs d’asile par les agents de l’OFPRA, afin de leur donner des soins spécifiques notamment. Le texte vise précisément « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines ».

Il me semble que ces critères sont sensiblement les mêmes que ceux qui devraient s’imposer aux services administratifs au moment de la décision de placement. C’est pourquoi il m’a semblé raisonnable de faire référence à l’article susmentionné.

Je souhaiterais que l’on m’indique où figure la définition de la vulnérabilité des personnes concernées par le placement en rétention avant qu’une décision de transfert ne soit prise contre elles.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’objet de cet amendement déposé par notre collègue Josiane Costes est de préciser le critère de « vulnérabilité » à prendre en compte avant le placement en rétention d’un « dubliné ». Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Nous partageons l’objectif poursuivi par notre collègue, mais la commission pense qu’une confusion est possible.

En effet, l’amendement vise l’article L. 744-6 du CESEDA, qui concerne l’examen de la vulnérabilité dans les lieux d’hébergement des demandeurs d’asile. Or nous n’analysons pas la vulnérabilité de la même manière dans un centre de rétention administrative et dans un lieu d’hébergement, tout simplement parce que les risques encourus par les personnes ne sont pas les mêmes.

Pour la rétention, l’examen de la vulnérabilité est décrit à l’article L. 553-6 du CESEDA, que nous avons enrichi avec l’alinéa 21 de l’article 1er de la proposition de loi.

De mon point de vue, il me semble préférable de suivre la rédaction de la commission pour éviter toute confusion et garantir la protection des personnes vulnérables en cas de placement en rétention.

Je le redis, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Comme vient de le dire le rapporteur, cette garantie existe déjà. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 19 rectifié est retiré.

L’amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Requier, Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer le mot :

proportionnel

par le mot :

proportionné

La parole est à Mme Josiane Costes.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4, seconde phrase

Après le mot :

établi

insérer les mots :

dès la notification de la décision de transfert et

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

La solution médiane et raisonnable que nous proposons ici permettrait au Gouvernement de continuer à agir comme il l’a fait jusqu’à présent, avant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

L’objet de cet amendement est simplement de faire en sorte que ne soient pas placés en rétention administrative des demandeurs d’asile sans que ceux-ci aient la certitude qu’ils feront l’objet d’une procédure de transfert, ce qui est une nouveauté introduite par la proposition de loi.

En effet, le texte proposé par nos collègues de l’Assemblée nationale comporte le risque de placer en rétention des personnes éligibles à une protection internationale. Sommes-nous prêts à prendre ce risque ? Il me semble que nous devrions d’abord être en mesure de l’évaluer. Or tel n’est pas le cas aujourd’hui.

Notre rapporteur a reconnu, d’une part, qu’il était difficile d’élaborer des statistiques nationales consolidées pour fixer une estimation raisonnable du nombre de « dublinés » susceptibles d’être ainsi mis en rétention, critère par critère, et, d’autre part, que les capacités d’accueil actuelles des centres de rétention administrative ne suffiraient pas.

Par ailleurs, le placement en rétention administrative et les procédures de transfert sous escorte ont un coût foncier et d’encadrement non négligeable, a fortiori si l’administration choisit de placer en rétention des demandeurs d’asile dès leur demande, et ce jusqu’à la réalisation du transfert.

Dans les cas où l’État responsable se montre peu coopératif, ce qui reste trop fréquent selon le rapport, les durées de rétention pourraient être très longues.

Je ne sous-estime pas les difficultés auxquelles font face les forces de l’ordre, mais je crains qu’une possibilité de rétention encore plus précoce ne conduise ces personnes à choisir un peu plus la clandestinité.

Là encore, il ne s’agit pas d’entêtement : j’attends d’être convaincue plutôt que persuadée… Sur un sujet aussi grave, nous ne devrions pas nous contenter de conduire une politique au doigt mouillé.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à cet amendement.

Dans son avis du 19 juillet 2017, le Conseil d’État a rappelé que le droit français n’autorise pas à placer en rétention un migrant sous statut Dublin avant la décision de transfert. Mais l’État souhaite pouvoir le faire – c’est l’un des objets principaux du texte adopté par nos collègues députés, que nous comprenons bien, eu égard à la situation que nous connaissons. Il s’agit là de prévenir tout risque de fuite.

Si cette possibilité est ouverte, il n’en demeure pas moins que la durée totale de la rétention ne pourra pas dépasser quarante-cinq jours.

Je rappelle également à la Haute Assemblée – c’est important – que cette possibilité est autorisée par le règlement Dublin III.

Le règlement prévoit également des délais de procédure raccourcis : trente jours pour transmettre la requête à l’autre « État Dublin » - contre soixante à quatre-vingt-dix jours en l’absence de rétention -, ce dernier disposant alors de quinze jours pour répondre, contre un délai de soixante jours si la personne n’est pas placée.

En conséquence, l’avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

L’avis est également défavorable.

Cet amendement tend à limiter le placement en rétention à l’étranger ou au demandeur d’asile qui s’est vu notifier une décision de transfert et de l’interdire pendant la phase de détermination de l’État responsable.

Sur ce point, la proposition de loi ne fait que mettre en œuvre les dispositions de l’article 28 du règlement Dublin. En effet, pour garantir l’efficacité des transferts, le droit européen permet de placer en rétention l’ensemble des étrangers faisant l’objet d’une procédure Dublin, quelle que soit l’étape de la procédure.

Notre législation nécessitait d’être précisée quant aux modalités de mise en œuvre de ces dispositions de manière à pouvoir les appliquer pleinement, et c’est ce que nous allons pouvoir faire avec l’adoption de ce texte.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

C’est le cœur du sujet : soit on revient à la situation précédente, soit on aggrave totalement la situation. C’est là qu’intervient la rupture : on enfermerait des personnes sans avoir de décision. Du reste, je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir permis cette analyse, même si vous faites un peu dans la dentelle, alors que nous avons dit, pour notre part, que cette situation serait inacceptable.

Je ne comprends pas, monsieur le ministre d’État : nous savons que certains États peuvent être responsables, mais sont totalement défaillants, et que l’on ne peut pas leur renvoyer les personnes. Avec les dispositions que vous proposez, n’importe quel « dubliné », même vers un pays totalement défaillant et vers lequel on ne peut le renvoyer, serait privé de liberté. Croyez-vous vraiment, compte tenu de ce que disait précédemment notre collègue Sylvie Robert à propos de la surcharge des centres de rétention administrative, qu’il soit indispensable de priver de liberté des personnes que l’on ne pourra pas en définitive éloigner ?

La renégociation des accords de Dublin tient bien au fait que ceux-ci ne fonctionnent pas. Ce n’est donc pas la peine de s’acharner à priver des personnes de liberté pour essayer de faire fonctionner un système qui, notoirement, ne marche pas. Si l’on veut « dubliner » une personne vers la Grèce, elle sera, avec le système proposé, enfermée jusqu’au moment où l’on constatera que l’on ne peut l’y renvoyer. C’est totalement inutile et indigne. On ne saurait agir ainsi. Il faut tout de même proposer des dispositions qui tiennent compte de la réalité de la situation en Europe : il y a des défaillances et on ne peut pas faire comme si tout allait bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, nous parlons de sujets extrêmement lourds. Or, depuis ce matin, on parle de « dubliner » : je « dubline », tu « dublines », nous « dublinons »… Faisons attention au vocabulaire que nous employons ! Il s’agit de personnes, de demandeurs d’asile, d’individus, qu’on les mette en rétention ou pas, selon les règles qui seront appliquées. Dans cet hémicycle, alors que les débats sont retransmis, nous devons marquer un peu de respect. Même si le texte alourdit sensiblement les dispositifs, sur ce sujet important, on devrait utiliser un vocabulaire approprié. Conjuguer le verbe « dubliner » n’est pas en soi le parfait exemple !

En ce qui concerne l’amendement, je comprends bien ce qui a été dit, mais je ne partage pas la position de son auteur ; je ne le voterai donc pas. En attendant, arrêtons de « dubliner » dans cet hémicycle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce n’est pas dans l’hémicycle qu’il faut arrêter de « dubliner », c’est en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce n’est pas nous qui avons inventé ce terme !

Le groupe CRCE soutient l’amendement de Mme Costes pour les raisons qui ont déjà été évoquées par notre collègue Jean-Yves Leconte.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Guérini et Gold, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« b) Si l’étranger, débouté de sa demande d’asile, n’a pas épuisé ses voies de recours devant les juridictions de l’État membre responsable ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Cet amendement vise à prendre en considération les voies de recours qui existent devant les juridictions de l’État responsable dans l’évaluation du risque de fuite d’un demandeur d’asile en vue d’une procédure de transfert.

En France, par exemple, près de 17 % des décisions de refus d’octroi d’une protection de l’OFPRA ont été annulées par la Cour nationale du droit d’asile en 2017.

On peut considérer que le risque non négligeable de fuite est établi dès lors que le demandeur d’asile perd l’espoir d’une acceptation de sa demande. Tel n’est pas le cas des personnes ayant introduit un recours contre une décision de refus.

Cet amendement vise également à protéger l’autorité de la chose jugée des décisions juridictionnelles de nos partenaires européens, une notion importante dans un État de droit, à laquelle beaucoup d’entre nous sont attachés. Il tend aussi à ne pas exposer des personnes qui se verront in fine accorder l’asile à des mesures de rétention administrative, et de limiter celles-ci aux cas les plus évidents, conformément à l’esprit de l’article 28 du règlement Dublin III.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission comprend bien l’objectif des auteurs de l’amendement, mais ne partage pas la finalité de celui-ci. L’avis est donc défavorable.

Je signale à la Haute Assemblée que l’adoption de cet amendement interdirait le placement en rétention en France d’un migrant sous statut Dublin débouté du droit d’asile, mais n’ayant pas épuisé les voies de recours devant la juridiction de l’État membre responsable de l’analyse.

L’objectif du règlement Dublin III, je le rappelle, est de faire en sorte qu’un seul État membre soit responsable de la demande d’asile. Dès lors, un demandeur d’asile ayant déposé une demande dans un État, par exemple en Allemagne, doit y rester même si sa demande d’asile est rejetée en première instance. D’ailleurs, s’il se rend dans un autre pays, par exemple en France, après avoir été débouté en Allemagne, il se sait dans l’illégalité et pourrait donc être tenté de fuir le territoire national.

Enfin, la proposition de loi ne prive pas l’étranger de recours sur le dépôt de sa demande d’asile. Dans l’exemple que j’ai pris, le recours doit être examiné non par la France, mais par l’Allemagne.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Il est également défavorable.

En effet, l’épuisement des voies de recours n’a aucun lien avec la définition du risque non négligeable de fuite. Ce critère ne figure pas au nombre de ceux qui sont exigés par les règlements Dublin pour déterminer l’État membre responsable du traitement de la demande d’asile.

En outre, les voies et délais de recours contre la décision de refus d’octroi d’une protection internationale relèvent des dispositions de la directive Procédure et sont sans effet sur l’application du règlement Dublin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

On peut débattre de l’alinéa 6, mais, quelle que soit la formulation adoptée, il est étrange de considérer que, sous prétexte qu’une personne a été déboutée, définitivement ou non, elle présente un « risque non négligeable de fuite ». Dans tous les cas, cet alinéa est étonnant…

Que les voies de recours aient été ou non épuisées, c’est une autre question ; par principe, nous voterons l’amendement, mais, en toute hypothèse, nous ne pouvons pas accepter cette définition du risque de fuite.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

La liste des critères initialement retenus pour établir le risque non négligeable de fuite a été étoffée lors de l’examen de la proposition de loi par l’Assemblée nationale. Parmi les critères prévus figure le fait pour le demandeur d’asile de s’être soustrait à des mesures d’éloignement de droit commun.

Le rapport de M. Buffet montre que l’application de la procédure de transfert permise par le règlement Dublin est progressivement montée en puissance pour concerner 15 %, puis 30 % des demandeurs d’asile sur notre sol.

Par souci d’efficience administrative plus que d’efficacité, nous considérons que, dans l’intérêt des demandeurs d’asile, des forces de l’ordre chargées d’appliquer ces mesures et, une fois encore, des contribuables, l’autorité administrative devrait s’astreindre à ne pas multiplier les fondements d’expulsion d’un demandeur d’asile et s’employer à utiliser les procédures qui lui sont propres : le transfert vers l’État responsable, quand la France ne l’est pas, et les autres mesures de droit commun applicables une fois que la décision définitive de rejet a été prononcée, quand la France l’est.

Nous craignons que la reconnaissance de la non-soumission à une autre mesure d’éloignement comme indice de l’existence d’un risque non négligeable de fuite en vue de la mise en œuvre d’une procédure de transfert ne conduise, dans le premier cas, à disperser inefficacement l’action du Gouvernement. Pour paraphraser Montesquieu, prenons garde que les actes administratifs inutiles n’affaiblissent les actes administratifs nécessaires…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement a pour objet de supprimer toute possibilité de placement en rétention d’un migrant sous statut Dublin qui se serait lui-même soustrait à l’exécution d’une mesure d’éloignement.

Nous y sommes évidemment défavorables, car une même personne peut se voir imposer une obligation de quitter le territoire français, une OQTF, s’y soustraire puis déposer une demande d’asile, alors qu’un autre État est responsable de l’examen de cette demande. La loi doit évidemment prévoir de tels cas de figure. Nous savons tous combien l’imagination peut être grande…

Enfin, la notion de mesure d’éloignement doit être conservée : elle est suffisamment large pour englober à la fois les OQTF et les mesures d’ordre public, comme les interdictions de circulation sur le territoire national et les expulsions pour motif d’ordre public.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

De toute évidence, qu’une personne se soit déjà soustraite à une mesure d’éloignement prouve l’existence d’un risque réel de fuite, ce qui justifie pleinement son placement en rétention. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 8 rectifié est retiré.

L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

maintenir sur le territoire français

par les mots :

soustraire à la détermination de l’État responsable de sa demande d’asile

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Cet amendement, du même ordre que le précédent, vise à mieux distinguer les mesures relatives à l’éloignement des étrangers que l’on appelle parfois les migrants économiques des spécificités relatives aux demandeurs d’asile.

Cette proposition s’inscrit dans une réflexion plus générale sur l’organisation des dispositions du CESEDA. À long terme, il nous semblerait en effet utile de s’appliquer à mieux distinguer dans ce code ces deux catégories d’étrangers, afin que les agents mettent eux-mêmes en pratique cette distinction sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’amendement vise à modifier la définition de l’un des critères du risque non négligeable de fuite : la dissimulation aux fins de se maintenir sur le territoire français serait remplacée par la dissimulation aux fins de se soustraire à la détermination de l’État responsable de la demande d’asile.

Je préfère naturellement la rédaction prévue par la commission des lois, qui permet d’agir surtout contre des personnes ayant recours à plusieurs procédures dilatoires afin d’éviter leur transfert et leur éloignement.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Même avis que le rapporteur, pour les mêmes raisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Madame la présidente, je retire cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 10 rectifié est retiré.

L’amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après le mot :

étranger

insérer les mots :

, dont il est établi qu’il n’est pas victime d’un réseau de traite des êtres humains,

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

De notre point de vue, la lutte contre les réseaux de traite d’êtres humains constitue un objectif d’ordre public au moins équivalent à la lutte contre le vagabondage d’étrangers sur notre sol.

Pourtant, cette réalité des migrations contemporaines est largement sous-estimée dans le traitement actuel des demandes d’asile et de l’immigration illégale, comme nous l’avons récemment souligné dans le débat sur les mineurs non accompagnés.

Le règlement Dublin III est d’ailleurs muet sur ce point, à l’exception de son article 6, consacré aux garanties en faveur des mineurs.

L’article L. 744-6 du CESEDA, consacré à l’évaluation de la vulnérabilité par les agents de l’OFPRA, que j’ai cité précédemment, fait expressément référence à la traite des êtres humains.

Cet amendement a pour objectif de contraindre l’administration, dans ses démarches en présence de demandeurs d’asile, à mieux prendre en compte cette réalité, dès le premier stade de la procédure.

En effet, l’existence de réseaux de passeurs contribue incontestablement à accroître la mobilité des demandeurs d’asile dans l’Union européenne, les premiers distillant des informations erronées susceptibles de causer préjudice aux seconds. Ces réseaux encouragent également les demandeurs d’asile comme les migrants économiques à franchir les frontières illégalement plutôt qu’à recourir aux dispositifs légaux existants, tels que les visas humanitaires.

La lutte contre la traite des êtres humains par des réseaux de passeurs devrait donc devenir une priorité en France et dans l’Union européenne !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je suis quelque peu embarrassé : à vrai dire, je préférerais que Mme Costes retire son amendement. Si l’objectif de notre collègue est juste et louable, ce qu’elle propose, la loi le prévoit déjà ; ses intentions sont donc satisfaites.

En effet, l’article 1er de la proposition de loi impose déjà de prendre en compte la vulnérabilité des migrants sous statut Dublin avant toute décision de placement en rétention et pendant leur maintien en rétention – il s’agit respectivement des alinéas 4 et 21.

De plus, le texte prévoit déjà expressément que l’absence de document d’identité ou de voyage en cours de validité ne pourra constituer, à elle seule, un risque de fuite ni justifier un placement en rétention.

De façon plus générale, je rappelle que l’article L. 316-1 du CESEDA permet d’octroyer aux personnes portant plainte pour des faits de traite un titre de séjour automatiquement renouvelé pendant toute la durée de la procédure pénale ; il s’agit d’une avancée des derniers textes sur l’asile – plus précisément, je crois, de celui de 2015 –, que nous avions soutenue au Sénat.

Enfin, les articles 225-4-1 à 225-4-9 du code pénal prévoient des peines allant jusqu’à vingt ans d’emprisonnement et 3 millions d’euros d’amende en cas de traite des êtres humains.

Je pense donc vraiment, ma chère collègue, que vos intentions sont satisfaites. En retirant votre amendement, vous me dispenseriez d’avoir à émettre un avis défavorable…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je précise à Mme Costes que le Gouvernement lutte avec beaucoup de fermeté contre les réseaux de passeurs : nous avons démantelé l’année dernière trois cents réseaux, dont cinquante avec connexions internationales, et arrêté leurs membres.

Lors de la présentation du projet de loi sur l’asile et l’immigration, je vous montrerai l’ensemble des procédés de fraude utilisés par les passeurs, et vous verrez que leur imagination est infinie – et parfois extrêmement cruelle.

Je sollicite le retrait de l’amendement ; j’y serai défavorable s’il est maintenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 9 rectifié est retiré.

L’amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

De mon point de vue, le critère f) est complètement hypocrite, puisqu’il permet le placement en rétention de demandeurs d’asile sans solution de logement, donc auxquels aucun logement n’a été proposé, contrairement à ce que prévoit le critère suivant, le critère g).

Cet amendement vise à souligner l’absurdité d’une disposition qui aurait pour effet d’encourager la création de nouvelles places en centres de rétention administrative plutôt que des places d’hébergement normales.

Je considère au contraire que l’augmentation des capacités des centres d’hébergement doit rester la priorité, ne serait-ce que pour pouvoir localiser au mieux les personnes ayant formulé une demande d’asile, ce qui n’est d’ailleurs pas contraire à la volonté du Gouvernement de recourir à des assignations à résidence en vue d’un transfert. Ce serait respectueux de l’honneur des Français !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement a pour objet de supprimer un critère de placement en rétention adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du Gouvernement.

M. le ministre d ’ État opine.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Ce critère est important : il vise le cas des étrangers qui n’engagent pas une procédure de demande d’asile et ne sont donc pas éligibles au programme d’hébergement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, mais se maintiennent sur le territoire national alors même qu’ils ont déposé une demande d’asile dans un autre État.

Soyons clairs : les préfectures doivent pouvoir placer ces personnes en rétention si elles ne justifient pas d’un lieu de résidence effective ou permanente.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

M. Gérard Collomb, ministre d ’ État. Madame Costes, je vous signale que, sous l’influence extrêmement positive de mon collègue Jacques Mézard, le nombre de places en hébergement d’urgence est passé en un an de 128 000 à 143 000, soit une augmentation de 15 000 places. Depuis 2012, ce nombre a été multiplié par deux. Vous voyez donc que le Gouvernement, sous la houlette de mon collègue, fait des efforts absolument extraordinaires.

Mme Éliane Assassi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

L’alinéa 12, quant à lui, est tout à fait nécessaire. Je suis donc défavorable à l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je rappelle à notre rapporteur qu’il ne s’agit pas d’énumérer des critères de mise en rétention potentielle, mais de définir le risque de fuite, ce qui est très différent.

Ne pas avoir d’hébergement indique-t-il un risque de fuite ? Évidemment, non : cela n’a rien à voir !

Peut-être est-il en effet plus difficile de savoir où la personne habite si elle n’a pas d’hébergement, mais cela ne constitue pas en soi un risque de fuite. Tout de même, il faut raison garder !

Le règlement Dublin ne vous demande pas de déterminer les conditions auxquelles on peut placer en rétention une personne relevant de ce règlement ; il vous demande, le cas échéant, de définir les risques de fuite. Or, je le répète, le fait de ne pas avoir d’hébergement ne constitue pas un risque de fuite objectif. Cela n’a rien à voir !

Bien entendu, si l’on comprend les choses, on ne peut que voter l’amendement de notre collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

M. Alain Richard. Je crois que le précédent orateur n’a pas une vision complète de la réalité.

Mme Éliane Assassi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Le système dans le cadre duquel une personne est prise en charge à son entrée sur le territoire français commence par un hébergement. En sorte que les personnes dont nous parlons sont des personnes qui, après être entrées dans un hébergement offert sous l’égide de l’État par un organisme conventionné, se sont soustraites à cet hébergement pour passer dans une situation où elles ne sont plus détectables. Telle est la réalité.

Cette situation est donc bien représentative d’un risque de fuite objectif.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Rédiger ainsi cet alinéa :

« g) Si l’étranger, dont il est établi qu’il n’est pas la victime d’un réseau de traite des êtres humains a refusé le lieu d’hébergement proposé en application de l’article L. 744-7 et ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente, ou si l’étranger qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Comme l’amendement n° 9 rectifié, celui-ci vise à mieux prendre en compte la menace qui pèse sur certains demandeurs d’asile du fait de leur exposition à des réseaux de criminalité et à tenir compte de ce facteur en cas de disparition soudaine de certains d’entre eux : il peut s’agir pour eux d’échapper à l’exploitation de tels réseaux plutôt qu’à la décision de transfert vers l’État responsable de leur demande d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 13

Remplacer les mots :

sans qu’il ne justifie d’un motif légitime

par les mots :

sans motif légitime

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié, pour les raisons que j’ai déjà expliquées au sujet de l’amendement n° 9 rectifié.

En revanche, elle est favorable à l’amendement n° 13 rectifié, dont l’adoption permettra de mieux prendre en compte les motifs légitimes justifiant qu’un demandeur d’asile ait quitté son logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Avis défavorable sur l’amendement n° 25 rectifié pour les raisons précédemment exposées, avis favorable sur l’amendement rédactionnel n° 13 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 25 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l’amendement n° 13 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous voterons bien entendu cet amendement, mais je voudrais aussi réagir à l’évocation de ma supposée non-compréhension de la réalité. De mon côté, j’ai eu l’impression, en entendant l’exposé de M. Richard, qu’il avait une vision assez idyllique de la demande d’asile en France…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

C’est ce qui se passe en France aujourd’hui ! Je le vois dans ma propre commune !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Combien de temps avant d’obtenir un rendez-vous en préfecture ? Est-ce conforme au règlement européen ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

L’hébergement se poursuit pendant ce temps-là !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Tous les demandeurs d’asile obtiennent-ils un hébergement dans la réalité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mon cher collègue, il serait appréciable que votre explication de vote porte sur l’amendement en discussion…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Sans doute, madame la présidente, mais je tenais à souligner la réalité d’aujourd’hui. Ma vision n’est probablement pas complète, mais je ne puis pas accepter de me le faire reprocher par Alain Richard, dont la vision idyllique est, malheureusement, très éloignée de la réalité !

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Requier et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 14

Remplacer les mots :

sans qu’il ne justifie d’un motif légitime

par les mots :

sans motif légitime

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Il s’agit, ici aussi, d’un amendement rédactionnel.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Suivant le même raisonnement que pour les amendements n° 8 rectifié et 10 rectifié, nous proposons ici de mieux distinguer les procédures applicables aux étrangers de droit commun de celles qui sont applicables aux demandeurs d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’adoption de cet amendement supprimerait un critère de placement en rétention d’un migrant sous statut Dublin. Il concerne plus particulièrement les migrants qui se seraient soustraits aux contraintes d’une obligation de quitter le territoire national ou d’une assignation à résidence.

L’avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le fait pour un étranger de ne pas respecter les obligations de son assignation à résidence est évidemment caractéristique d’une volonté de fuite. Autrement, il resterait là où il est assigné à résidence…

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je retire cet amendement, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 24 rectifié est retiré.

L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Costes, M. A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 16

Après le mot :

explicitement

insérer les mots :

et spontanément

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous sollicitions le retrait de cet amendement ; s’il est maintenu, nous y serons défavorables.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la possibilité pour la préfecture de placer en rétention un étranger sous statut Dublin ayant explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer au règlement Dublin III. Les auteurs de l’amendement proposent d’ajouter l’adverbe « spontanément ».

M. Roger Karoutchi rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Étonnamment « spontanément » : avis défavorable !

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Mme Josiane Costes. Spontanément, je retire cet amendement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 14 rectifié est retiré.

L’amendement n° 20 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

bis BA La première phrase de l’avant-dernier alinéa dudit article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Dans les cas énumérés au présent III, la durée du placement en rétention est la plus brève possible, eu égard au temps strictement nécessaire à l’organisation du départ, et ne peut être supérieure à vingt-quatre heures, sauf cas prévus au 3°. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Comme nous le savons, la situation des mineurs étrangers sur notre sol est très préoccupante, y compris au sein de familles demandant l’asile.

Dans son rapport d’activité de 2016 – celui de 2017 n’ayant pas encore été publié –, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ou CGLPL, insistait sur l’augmentation de la population mineure en rétention : « Entre 2014 et 2015, le nombre des mineurs placés en rétention administrative avec leurs parents était passé de 45 à 105, ce qui représente une augmentation supérieure à 133 %. »

La situation est encore plus inquiétante dans les locaux de rétention administrative, les LRA. Comme le souligne l’article 3 de ce texte, les centres de rétention administrative sont des lieux où l’on croise des individus aux parcours très variés : demandeurs d’asile, mais également étrangers expulsés à des fins d’ordre public.

La police aux frontières, qui encadre les centres de rétention administrative, n’est pas spécifiquement formée à l’accueil de si jeunes publics et de familles.

Voici ce qu’écrit à ce sujet le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans son récent rapport consacré au personnel des lieux de privation de liberté : « Dans les centres de rétention administrative, l’administration comme les organisations professionnelles soulignent un décalage important entre les missions de police liées aux fonctions judiciaires ou de sécurité publique, principalement mises en avant au cours de la formation initiale, et les missions en centre de rétention administrative. De ce point de vue, le fait d’avoir à priver de liberté des personnes qui ne sont pas délinquantes, parfois même des enfants, est un poids psychologique que plusieurs interlocuteurs du CGLPL ont souligné. À cette difficulté de principe s’ajoute celle qui consiste à placer en environnement clos des fonctionnaires qui ont parfois choisi le métier de policier pour la liberté de mouvement qu’il confère. La fonction de surveillance elle-même peut alors être regardée comme aliénant la liberté de celui qui l’exerce. »

Le règlement Dublin III fait lui-même expressément référence à la convention internationale des droits de l’enfant et au respect de la vie familiale des demandeurs d’asile, aux paragraphes 13 et suivants.

C’est pourquoi nous souhaitons que le placement en rétention des mineurs soit limité à un délai très court, explicitement prévu par la loi. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission sollicite le retrait de cet amendement et y sera défavorable s’il est maintenu.

Le sujet est important, mais l’amendement, je le rappelle, a pour objet de fixer à vingt-quatre heures la durée maximale de placement en rétention des étrangers accompagnés de mineurs et des mineurs qui les accompagnent.

Or la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France a fait de la rétention des personnes accompagnées de mineurs une mesure exceptionnelle, limitée à certains cas, notamment à celui des familles qui se sont soustraites systématiquement aux mesures d’éloignement.

En outre, plusieurs garanties ont été expressément inscrites dans les textes, pour que l’intérêt supérieur de l’enfant soit toujours, et concrètement, pris en considération. En particulier, la durée du placement en rétention doit être la plus brève possible, sous le contrôle du juge.

Fixer dans la loi un délai paraît donc peu opportun à ce stade.

La rétention des mineurs accompagnant leur famille est un sujet humainement complexe et qui dépasse le champ du présent texte. Nous aurons sans doute l’occasion d’en reparler, et de mener des expertises plus approfondies, à l’occasion du texte qui sera soumis au Parlement au printemps prochain.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Il est défavorable.

La proposition de loi prévoit explicitement que « l’étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention au titre du 1° bis du I de l’article L. 561-2 que pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l’État responsable ». Il faut évidemment que l’on puisse identifier qui est responsable.

Par ailleurs, madame la sénatrice, je vous remercie de vous préoccuper de la santé et du bien-être des policiers, qui deviendraient un peu neurasthéniques à force de rester en centre de rétention administrative… Nous allons créer de nombreuses places dans la police aux frontières, de manière à ce que tout le monde puisse assumer ces tâches, nécessaires pour l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vendredi dernier, j’ai visité deux centres de rétention : celui de Vincennes, un centre important, et celui du Mesnil-Amelot. Permettez-moi de vous livrer mon témoignage pour que chacun se rende compte de quoi l’on parle – vous, monsieur le ministre d’État, le savez probablement. On parle ici d’enfants, mais la proposition de loi porte sur les « dublinés ».

Allant voir les retenus, je tombe tout d’abord sur une personne dont le médecin avait constaté depuis quinze jours qu’elle n’avait rien à faire là, compte tenu de son état psychique. J’ai pu constater que tous les autres retenus avaient peur d’elle et qu’elle était un danger pour tout le monde. Pourtant, depuis quinze jours, elle restait là. En effet, la décision appartient maintenant au médecin de l’OFII, qui ne voit pas les retenus, à la différence du médecin du centre.

Je tombe ensuite sur deux personnes en France depuis respectivement quinze et dix-sept ans, arrivées à l’âge de 2 ans et 5 ans. L’une a deux enfants, l’autre trois. Elles avaient mal renouvelé leurs papiers, mais travaillaient ou avaient travaillé. Ce n’est pas la population que vous imaginez : ce sont des personnes qui ont grandi et fait famille en France. Les voilà en centre de rétention.

Une autre avait été attrapée la veille de son opération pour une hernie, une semaine avant ma visite. Cela pouvait dégénérer, puisque, si elle devait être opérée, c’est que son état était grave…

Bref, une promiscuité incroyable, des gens qui se demandent ce qu’ils font là… Probablement certains avaient-ils commis des actes de délinquance – je ne suis pas tombé sur eux, mais, pas d’angélisme de ma part, je sais très bien que cela peut exister.

Mes chers collègues, c’est dans ces centres que l’on peut rester quarante-cinq jours et bientôt, avec la prochaine loi, jusqu’à quatre-vingt-dix jours !

À ce propos, monsieur le ministre d’État, je veux vous interpeller. Avant même l’adoption de cette proposition de loi, j’ai été informé que certains demandeurs d’asile « dublinés » placés dans ce centre de rétention à dix-huit heures se retrouvaient dans un avion à neuf heures le lendemain matin. Profitant de la nuit et du fait que personne ne pouvait s’en rendre compte, on contourne donc la loi.

J’ai interpellé à ce sujet le chef du centre de rétention, homme charmant et très dévoué à la République. Il m’a été confirmé que cette pratique avait cours, dans les deux centres, d’ailleurs. J’ai donc constaté une illégalité et je souhaite vous interroger sur ce point, monsieur le ministre d’État.

En relisant les débats sur cette loi, je comprends mieux les raisons pour lesquelles on veut allonger la durée de rétention à quatre-vingt-dix jours. En effet, si l’on place aussi les « dublinés » dans les centres, ces derniers vont être engorgés et les conditions sanitaires, les conditions de travail des personnels, le budget de ces centres…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je conclus, madame la présidente. De toute façon, je reprendrai la parole tout à l’heure pour aller un peu plus loin.

En tous les cas, il est clair que l’on n’a pas prévu les moyens budgétaires suffisants pour accueillir dignement les personnes placées en centre de rétention.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 22 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini et Mmes Jouve et Laborde, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° La seconde phrase de l’avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est ainsi rédigée : « Le placement en rétention d’un étranger accompagné d’un mineur n’est possible que dans un lieu habilité à recevoir des familles par le contrôleur général des lieux de privation de liberté. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Actuellement, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’a pas la compétence de s’opposer à ce que des familles soient placées dans des centres de rétention inadaptés, quand bien même il constaterait des défauts majeurs dans l’accueil d’enfants. Il a simplement le pouvoir d’informer le Gouvernement de ces défauts.

Dans le cas spécifique des centres de rétention administrative, compte tenu du faible nombre de places, une application stricte de la présente proposition de loi pourrait entraîner une surpopulation qui rendrait difficile la protection des mineurs et des familles au sein de ces centres.

Afin de leur assurer une meilleure protection, il est donc proposé de permettre au Contrôleur général des lieux de privation de liberté d’habiliter a priori les centres de rétention administrative et les locaux de rétention administrative aptes à recevoir des mineurs, dans ce cas bien précis uniquement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à cet amendement qui, je souhaite le rappeler, a pour objet de donner au Contrôleur général des lieux de privation de liberté le pouvoir de déterminer les centres de rétention administrative habilités à recevoir des familles.

La liste de ces centres de rétention administrative est actuellement fixée par le pouvoir réglementaire. Ces centres doivent disposer de lieux d’hébergement séparés, de chambres spécialement équipées et de matériels de puériculture adaptés. Il en existe aujourd’hui onze, dont la liste a été actualisée en 2016.

Comme vous le savez, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dispose déjà des moyens de contrôler les centres habilités à recevoir des familles : il possède de larges pouvoirs de contrôle et de conseil, et publie régulièrement des rapports, des avis et des recommandations.

Dans ces conditions, lui donner un nouveau pouvoir de détermination des centres de rétention susceptibles de recevoir des familles me paraît aller au-delà des missions qui sont les siennes. Ce pouvoir doit rester à l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je voudrais simplement apporter une petite précision.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, les conditions de vie ne sont pas inhumaines dans ces centres de rétention administrative.

M. David Assouline fait la moue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je rappelle que le coût de fonctionnement de ces centres représente 30 millions d’euros et que nous consacrons 8 millions d’euros à la prise en charge des problèmes de santé des personnes placées dans ces centres.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 21 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’avant dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La durée de placement en rétention est mentionnée dans une décision notifiée. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Le placement en rétention repose aujourd’hui sur de nombreuses bases légales, aux délais variables.

Dans sa version actuelle, le premier paragraphe de l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit explicitement que les personnes placées en rétention en vue d’un transfert vers un État membre responsable de leur demande d’asile le sont pour une durée de quarante-huit heures.

Dans son rapport, M. Buffet a montré que les demandeurs d’asile y sont en réalité placés pour des durées bien plus longues, du fait de l’accumulation de décisions de rétention administrative prises contre eux.

De notre point de vue, et conformément à notre attachement aux règles de l’État de droit et aux principes fondamentaux de notre droit pénal sur plusieurs aspects proches du droit de la rétention des étrangers, il nous paraît essentiel que les personnes visées par des mesures de placement en rétention puissent être informées a priori de la durée maximale de cette rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à cet amendement, qui tend à ce que la durée de placement en rétention soit « mentionnée dans une décision notifiée ». Ainsi, après la première décision de placement s’ajouterait désormais une seconde décision fixant la durée de cette rétention.

Cette disposition paraît extrêmement compliquée à mettre en œuvre d’un point de vue pratique.

D’abord, elle est contraire au régime actuel de la rétention, la loi fixant une durée maximale qui peut elle-même être écourtée par la saisine du juge ou par le juge des libertés lui-même.

Ensuite, il est très compliqué, pour ne pas dire impraticable, de déterminer à l’avance la durée de maintien en rétention d’un individu, compte tenu des investigations nécessaires pour établir sa situation.

Enfin, cette mesure ajoute une complexité procédurale et – ne nous le cachons pas ! – des difficultés supplémentaires créant autant de moyens de recours.

Pour mémoire, je voudrais également rappeler ce qui se passe aujourd’hui lorsqu’une personne est placée en rétention. Après quarante-huit heures de rétention, le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention. Il doit ensuite statuer dans un délai de vingt-quatre heures. Le juge est de nouveau saisi au trentième jour de rétention, qu’il peut prolonger pour une nouvelle période de quinze jours au maximum.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le Gouvernement est défavorable à l’amendement pour les raisons développées précédemment : ce texte prévoit déjà que la durée de rétention doit être la moins longue possible.

Il ne me semble pas judicieux de vouloir indiquer à l’avance la durée du placement en rétention : en effet, il s’agit en réalité tout simplement du temps nécessaire pour que les démarches engagées en vue de l’éloignement de l’étranger aboutissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Notre débat doit contribuer à apporter des éclaircissements sur cette question de la durée de rétention, ne serait-ce qu’à la marge, puisque les temps de parole sont contraints. Il doit nous faire réagir à ces situations issues du réel.

À ma connaissance, la durée moyenne de rétention de l’ensemble des personnes placées dans les centres que j’ai visités – il s’agit d’une masse importante d’individus, puisqu’il y avait cent quarante « retenus » dans les centres lors de mes visites, et que ce chiffre peut même être plus élevé – est comprise entre douze et dix-sept jours.

Or la durée maximale de rétention est aujourd’hui de quarante-cinq jours. Et on prévoit de l’allonger à quatre-vingt-dix jours ! Pourquoi, je n’en sais rien. Toutefois, je peux imaginer que, si cette durée se veut effective, c’est-à-dire que l’on a fixé cette durée à ce niveau dans un but précis, c’est que l’on s’attend à devoir maintenir des demandeurs d’asile plus longtemps dans les centres, et ce parce que les démarches nécessiteront plus de quarante-cinq jours. Et pourtant, la durée moyenne de rétention est aujourd’hui de seize jours…

Les spécialistes nous disent que, pour la grande majorité des personnes placées en rétention, on sait au bout de six jours si elles vont pouvoir être redirigées vers un autre pays ou si, de toute façon, cela ne sera pas possible, le reste du placement en rétention étant alors formel. L’individu peut rester dix, douze ou trente jours en centre de rétention ; de toute façon, les démarches n’avanceront pas, parce que le consulat de l’État en question n’aura pas donné l’autorisation demandée. Tout cela paraît assez incohérent.

Monsieur le ministre d’État, pourriez-vous m’apporter davantage d’informations que vous ne l’avez fait tout à l’heure sur la santé des personnes placées en centre de rétention administrative ? Je n’ai jamais dit qu’il n’existait pas de moyens consacrés à la santé, j’ai simplement dit que certaines personnes n’avaient rien à faire dans un centre compte tenu de leur état de santé et que la promiscuité n’était pas de nature à favoriser des conditions d’accueil humaines dans ces centres !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° L’avant-dernier alinéa du même article L. 551-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un mineur non accompagné ne peut faire l’objet d’un placement en rétention. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Dans la continuité de ce que je viens de dire à propos des mineurs accompagnés, le texte devrait explicitement prévoir que des mineurs ne peuvent pas être placés seuls dans des centres de rétention administrative, compte tenu de leur vulnérabilité.

Il s’agit d’une exigence spécifique découlant du paragraphe 13 du règlement Dublin III, qui a fait l’objet d’un accord entre tous les États membres en 2013 : « Conformément à la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant de 1989 et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu’ils appliquent le présent règlement. Lorsqu’ils apprécient l’intérêt supérieur de l’enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du bien-être et du développement social du mineur, de considérations tenant à la sûreté et à la sécurité et de l’avis du mineur en fonction de son âge et de sa maturité, y compris de son passé. Il convient, en outre, de fixer des garanties de procédure spécifiques pour les mineurs non accompagnés, en raison de leur vulnérabilité particulière ».

Où figurent ces garanties spécifiques dans le texte sur lequel nous sommes en train de débattre ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à l’amendement. Je vous demanderai même de bien vouloir le retirer, ma chère collègue, parce qu’il est satisfait par le droit positif.

En effet, nous ne plaçons aucun mineur en rétention aujourd’hui. Les choses sont claires : un étranger mineur ne peut faire l’objet ni d’une obligation de quitter le territoire français ni d’une mesure d’expulsion. Dès lors, un mineur non accompagné ne peut, par principe, être placé seul en rétention. Je le répète, le droit positif – je ne parle pas du texte dont nous discutons –, et plus précisément le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, interdit le placement d’un mineur seul en rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Même avis. Une telle disposition figure déjà dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Je retire mon amendement, madame la présidente !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 23 rectifié est retiré.

L’amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin, Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 23, première phrase

Supprimer les mots :

à la détermination de l’État responsable de l’examen de sa demande d’asile et, le cas échéant,

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Cet amendement vise, dans le même esprit que l’amendement n° 5, à ne permettre le placement en rétention qu’après que la détermination de l’État responsable a abouti.

Le paragraphe 20 du règlement Dublin III et son article 28 précisent expressément que « le placement en rétention des demandeurs devrait respecter le principe sous-jacent selon lequel nul ne devrait être placé en rétention pour le seul motif qu’il demande une protection internationale ».

Or les critères finalement retenus dans la proposition de loi pour établir le « risque non négligeable de fuite » sont si vastes qu’ils pourraient concerner un très grand nombre de personnes.

Comme l’a démontré M. Buffet dans son rapport en citant la Commission européenne, les failles du règlement Dublin sont en premier lieu imputables aux stratégies non coopératives des États membres, lesquels ne procèdent pas au relevé d’empreintes digitales ou distillent des indications et des informations incomplètes à ces personnes.

Le phénomène de fuite des demandeurs d’asile concernés par une procédure de transfert, par ailleurs très peu documenté, ne représente qu’un aspect marginal des difficultés que rencontrent nos services pour faire appliquer le règlement Dublin III.

De ce point de vue, la solution proposée par les auteurs de la proposition de loi n’aura que peu d’impact sur la mise en œuvre globale des procédures de transfert. Il est clair que les États membres peu enclins à honorer leur responsabilité vis-à-vis d’un demandeur d’asile auront la tentation de retarder leur réponse à la France, ce qui aura pour conséquence d’étendre la durée du placement en rétention.

C’est pourquoi il est proposé de maintenir le placement en rétention dans son état actuel, afin de ne pas allonger un peu plus encore les délais d’encadrement des personnes concernées.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à l’amendement, par cohérence avec les explications données lors de l’examen de l’amendement n° 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je suis étonnée de constater dans un hémicycle quasi vide la facilité avec laquelle nombre d’entre nous acquiescent placidement à ce texte indigne.

Je tiens à rappeler que je m’étais rendue à la veille des élections régionales au centre de rétention administrative de Paris-Vincennes, alors rempli de réfugiés syriens. À l’époque, certains de ces réfugiés tentaient encore de rejoindre Calais. Leur placement en centre de rétention n’avait donc d’autre but que de vider Calais.

Il s’agissait en réalité d’une stratégie politique et Mme Hazan, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, avait d’ailleurs rendu un rapport sur le sujet.

Monsieur le ministre d’État, votre prédécesseur, M. Cazeneuve, avait nié cette réalité ici même lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, si ma mémoire est bonne. Cela m’avait valu à l’époque d’être insultée en public !

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis tenace, monsieur le ministre d’État. Je suis parlementaire et j’ai la chance de pouvoir poser directement mes questions aux ministres.

On peut me dire que l’on ne souhaite pas me répondre, mais il est inconcevable que l’on ne me réponde pas du tout ! Ma question n’est pas anodine tout de même ! Je vous ai interrogé sur certains faits que j’ai pu observer : des « dublinés » passent par les centres de rétention, alors même que cette situation est aujourd’hui illégale et que nous sommes en train de discuter d’une loi qui ne l’autorisera que pour l’avenir.

Je constate une pratique illégale en tant que parlementaire. Soit on me répond que je n’ai rien vu, rien constaté et que je mens, soit on justifie l’existence de ces pratiques par des circonstances particulières, mais il faut en tout cas me répondre ! C’est très important !

Quand la loi sera promulguée, elle s’appliquera. Ce sera la loi de la République. En attendant, le problème que je soulève est tout de même très grave. Il est d’ailleurs de notoriété publique et confirmé par d’autres que moi. J’ai simplement tenu à le constater de mes propres yeux.

Je vous repose donc la question que je vous ai posée tout à l’heure, monsieur le ministre d’État, avec toute la déférence que je vous dois mais, en même temps, avec tout le respect que j’exige en retour.

L ’ article 1 er est adopté.

L’article L. 741-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Tout demandeur reçoit, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. » ;

2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au moment de sa présentation auprès de l’autorité administrative en vue de l’enregistrement d’une première demande d’asile en France, l’étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite défini aux a à j du II de l’article L. 551-1 du présent code. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 2 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Kanner, Sueur, Jacquin et Boutant, Mmes Blondin, Cartron et de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Fichet, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 27 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Outre notre désaccord par rapport à l’esprit de ce texte, nous proposons de supprimer l’article 1er bis, parce que nous considérons que la pseudo-garantie qu’offre cet article est complètement inopérante.

Cet article laisse en effet entendre que l’étranger, lorsqu’il vient en préfecture pour enregistrer une première demande d’asile en France, doit être considéré comme présentant un risque de fuite.

La garantie que cet article semble offrir, introduite par l’Assemblée nationale, est complètement factice. En effet, cette garantie n’est offerte à l’étranger qu’au moment où il se présente en préfecture. Quelques heures après, celle-ci n’en est plus une. Le demandeur d’asile aura fait la démarche de se présenter devant l’autorité administrative, parce qu’il souhaite enregistrer sa demande d’asile en France. Et on va le considérer comme étant en fuite et lui faire courir le risque d’être placé en rétention ? Ce n’est pas acceptable ! Certains pensent que cette garantie représente une avancée. De notre côté, nous proposons de la supprimer, dans la mesure où elle est totalement factice !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Par un effet de manche dont la nouvelle majorité semble avoir une grande maîtrise, l’article 1er bis, introduit sur l’initiative des députés du groupe La République En Marche, se voudrait rassurant quant aux conditions de placement en rétention des étrangers faisant l’objet d’une procédure Dublin.

Ainsi, le placement en rétention d’un étranger se rendant à la préfecture pour y déposer une première demande d’asile, au motif que le traitement de la demande relèverait d’un autre État européen en application du règlement Dublin III, serait interdit.

Dans le même sens, il est prévu que tout demandeur reçoive « dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, une information sur ses droits et obligations » en application du règlement Dublin III.

Mes chers collègues, nous ne sommes pas dupes : ces garanties factices qui, pour certaines, figurent déjà dans un règlement d’application directe ne changent pas une seconde le caractère scandaleux de ce texte ! La rétention de demandeurs d’asile placés en procédure Dublin, dès lors qu’ils ne font encore l’objet d’aucune mesure d’éloignement, est et reste inacceptable !

Il y a quelques jours, à Rome, le président Macron jugeait, en réponse aux nombreuses critiques sur la politique migratoire du Gouvernement émanant tant d’intellectuels que d’associations, qu’il fallait « se garder des faux bons sentiments ». Eh bien, il ne s’agit nullement de sentiments ici : il s’agit de droits, de conventions internationales ratifiées par la France, de la convention européenne des droits de l’homme et de la Constitution !

Mais, après tout, on a bien le droit aussi d’avoir des sentiments quand on voit l’état dans lequel sont ces personnes lorsque nous visitons des centres de rétention. Sentiment et raison vont ensemble, lorsqu’il s’agit de ne pas laisser faire.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission est défavorable à ces amendements. Pour être honnête, je dois même admettre une certaine incompréhension à l’égard de la logique suivie par leurs auteurs.

En effet, ces amendements visent à supprimer deux garanties supplémentaires, introduites par l’Assemblée nationale, garanties qui existent déjà par ailleurs dans le règlement Dublin III.

Par ailleurs, je ne veux pas être taquin avec notre collègue Jean-Yves Leconte, avec qui j’entretiens du reste de bonnes relations, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce n’est ni le moment ni l’endroit pour vous montrer « taquin » !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… mais je voudrais lui rappeler que le groupe socialiste de l’Assemblée nationale s’était déclaré très satisfait de ces deux garanties.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s’agit d’un sujet grave, monsieur le rapporteur !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il s’agit effectivement de garanties demandées par des députés.

Afin d’agir à la fois avec efficacité et humanité, nous avons décidé d’accepter ces deux dispositions.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et M. Menonville, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Tout demandeur reçoit au moment de l’enregistrement de sa demande les informations sur ses droits et obligations en application dudit règlement, dans les conditions prévues à son article 4. Elles lui sont communiquées en français et traduites dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Cet amendement vise à préciser et à simplifier les dispositions introduites à l’Assemblée nationale, tout en maintenant le principe d’une communication des documents administratifs en français.

Il s’agit de permettre aux personnes demandant l’asile en France de se familiariser aussi souvent que possible avec la langue de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je vous demanderai, madame Costes, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.

En effet, l’article 4 du règlement Dublin III règle déjà la question du droit à l’information des demandeurs d’asile, puisqu’il prévoit que les informations « sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu’il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet » par la Commission européenne.

Ces dispositions sont d’application directe et s’imposent à l’ensemble des États. Votre inquiétude me semble donc infondée, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Nous en avons peut-être oublié quelques-unes, mais vingt-sept langues, cela permet d’informer les demandeurs d’asile, et donc de trouver le moyen de communiquer avec la personne concernée.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

L’amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Après les mots :

première demande d’asile en France

insérer les mots :

et jusqu’à la notification d’une éventuelle décision de transfert

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Comme les amendements n° 5 et 11 déjà examinés, cet amendement vise à limiter la possibilité de placement en rétention à la période s’ouvrant après la notification d’une décision de transfert.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Défavorable. Je me suis déjà expliqué sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Avis défavorable. Nous avons déjà eu un débat sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Mme Josiane Costes. Non, dans la mesure où ce sujet a déjà été débattu, je le retire, madame la présidente.

Mme Esther Benbassa s ’ exclame.

L ’ article 1 er bis est adopté.

Le chapitre II du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° L’article L. 742-2 est ainsi modifié :

aa) Les premier et deuxième alinéas sont supprimés ;

ab) La première phrase du troisième alinéa est ainsi modifiée :

– au début, les mots : « Le demandeur astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés » sont remplacés par les mots : « L’étranger assigné à résidence en application du 1° bis de l’article L. 561-2 » ;

– sont ajoutés les mots : « ou de l’exécution de la décision de transfert » ;

ac) Au quatrième alinéa, les mots : « le demandeur » sont remplacés par les mots : « l’étranger » et, après le mot : « asile », sont insérés les mots : « ou de l’exécution de la décision de transfert » ;

a) Le cinquième alinéa est ainsi modifié :

– les mots : « le demandeur » sont remplacés par les mots : « l’étranger » ;

– les mots : « du demandeur » sont remplacés par les mots : « de l’étranger » ;

– les mots : « à la poursuite de la procédure de détermination de l’État responsable de la demande d’asile » sont supprimés ;

– les mots : « une décision d’assignation à résidence en application de l’article L. 561-2 ou » sont supprimés ;

a bis) La troisième phrase de l’avant-dernier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « du demandeur » sont remplacés par les mots : « de l’étranger » ;

– les mots : « dans le cadre de la procédure de détermination de l’État responsable de la demande d’asile » sont supprimés ;

a ter) Au dernier alinéa, le mot : « cinquième » est remplacé par le mot : « troisième » ;

b)

Supprimé

2° L’article L. 742-4 est ainsi modifié :

a)

b) Au premier alinéa du II, après la première occurrence du mot : « transfert », sont insérés les mots : « ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l’étranger fait déjà l’objet d’une telle décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence » ;

3° Au second alinéa de l’article L. 742-5, après la seconde occurrence du mot : « transfert », sont insérés les mots : « ou si celle-ci a été notifiée alors que l’étranger fait déjà l’objet d’une telle décision de placement en rétention ou d’assignation à résidence » ;

4° L’article L. 742-7 est ainsi rétabli :

« Art. L. 742 -7. – La procédure de transfert vers l’État responsable de l’examen de la demande d’asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l’État considéré mentionné au 2 de l’article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. »

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 3 rectifié bis est présenté par MM. Leconte, Kanner, Sueur, Jacquin et Boutant, Mmes Blondin, Cartron et de la Gontrie, MM. Devinaz, Durain et Fichet, Mme G. Jourda, M. Kerrouche, Mmes Lubin et S. Robert, M. Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 28 est présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 3 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

C’est un peu comme pour l’article précédent : l’article 2 laisse tout d’abord entrevoir quelques mesures de coordination avant de prévoir l’interdiction du renvoi d’une personne vers un État qui présenterait des défaillances systémiques.

Finalement, comme pour l’article 1er bis, on écrit de grands principes avant de préciser que tout ne peut pas être fait. À l’article 1er bis, on avait introduit des garanties factices. À l’article 2, on constate qu’il n’est pas possible de transférer des demandeurs d’asile vers un État présentant des défaillances systémiques en matière d’asile s’ils sont « dublinables » – veuillez m’excuser, le mot n’est pas très joli, mais c’est le mot juste.

Or, des États de la zone Schengen dans lesquels on entre pour la première fois et qui présentent des défaillances systématiques, il en existe malheureusement au moins un ou deux.

En outre, les demandeurs que l’on ne peut pas renvoyer auront tout de même été enfermés. Ils auront été placés en centre de rétention pour rien ! On les aura privés de liberté pour rien !

En soi, l’article 2 n’est pas le pire article de cette proposition de loi. Simplement, une fois l’article 1er voté, on se rend compte que certaines dispositions sont tellement inacceptables qu’il faut faire figurer des garanties dans les articles suivants.

Il faut être cohérent : nous sommes défavorables aux effets des mesures figurant à l’article 1er. Nous proposons donc la suppression de l’article 2.

Finalement, cet article ne fait que démontrer l’incohérence et le caractère absolu d’une proposition de loi, qui n’a pas de sens et va entraîner le placement en centre de rétention de demandeurs d’asile que l’on ne peut pas renvoyer vers des États membres présentant des défaillances systémiques – le plus souvent des pays de première entrée dans la zone Schengen.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 2 de la présente proposition de loi vise à rappeler qu’une procédure Dublin ne peut conduire à transférer un demandeur d’asile vers un pays présentant des défaillances systémiques en matière de procédures, bien sûr, et de conditions d’accueil des demandeurs.

Là encore, on voudrait nous faire croire que l’on apporte une garantie. En réalité, il n’en est rien, puisque cette disposition est déjà applicable en France. Elle a notamment été utilisée par la Commission européenne pour interdire les réadmissions vers la Grèce entre 2011 et 2017.

Dans le même sens, les juridictions administratives françaises ont annulé à de nombreuses reprises des procédures de réadmission vers la Hongrie.

Passons sur la désagréable impression d’être pris pour des ignorants du droit français et du droit européen des étrangers et revenons sur l’ambition première de ce texte, qui est de renforcer le règlement Dublin III : quel est l’intérêt de renforcer une législation qui s’avère aussi inéquitable qu’inefficace ?

Là encore, je citerai les propos du Défenseur des droits : « Ce dispositif est intrinsèquement inéquitable, puisqu’il tend mécaniquement à faire peser une charge d’accueil plus lourde sur les États situés aux frontières extérieures de l’Europe. Il est également inefficace, car il ignore la volonté des personnes qui, pour des raisons pouvant tenir à des proximités linguistiques, culturelles ou sociales, ne souhaitent pas déposer leur demande d’asile dans le premier État franchi. »

Que l’on ne partage pas nos convictions en matière d’accueil des exilés est une chose, mais il faut alors faire au moins preuve de pragmatisme !

Un demandeur d’asile, par exemple un Afghan, entre par la Grèce : il pourra être placé en rétention quarante-cinq jours en France avant d’être éventuellement transféré vers Athènes, où il sera de nouveau enfermé dans des conditions parfois terribles, avant d’être libéré et de repartir s’il le peut vers la France. Tout cela n’est-il pas vain, je vous le demande ?

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous sommes évidemment défavorables à ces deux amendements identiques de suppression de l’article.

Je rappelle que l’article 2 du présent texte a deux objectifs : procéder à des coordinations légistiques et interdire la réadmission d’un demandeur d’asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans les procédures et les conditions d’accueil des demandeurs. Il paraît donc tout à fait légitime et normal d’apporter ces garanties. Autant je comprends qu’on ne soit pas d’accord avec l’article 1er, autant il paraît étonnant de vouloir supprimer l’article 2, qui tend à assurer une sécurité juridique supplémentaire aux migrants sous statut Dublin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

L’article 2 étant essentiellement un article de coordination avec l’article 1er, l’avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le rapporteur, vous avez exposé plus d’arguments que M. le ministre d’État, mais aucune réponse n’est apportée à la question que pose M. Leconte : si l’on ne peut pas renvoyer un demandeur d’asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » – je trouve cette formulation un peu bizarre –, alors pourquoi le placer en centre de rétention ? Ce n’est pas un délinquant ! Pourtant, c’est l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi. Cela démontre toute l’absurdité de ce dispositif.

D’ailleurs, un éclairage d’ensemble plus complet aurait pu nous être apporté si cette « petite » proposition de loi avait été insérée dans le prochain texte que nous examinerons.

Vous partagez avec le Président de la République une approche identique du traitement de l’accueil des migrants : vous dites que, pour mieux intégrer les uns, il faut être plus ferme avec les autres. Et, pour ce faire, vous vous livrez à des découpages, en distinguant – c’est de plus en plus difficile – les réfugiés, les migrants économiques, etc., qui se comptent déjà par millions.

Les mouvements de réfugiés climatiques provoqueront de l’instabilité politique, des persécutions et mettront en difficulté certains régimes politiques. De fait, les réfugiés pris dans ce mouvement fuiront à la fois la misère et ces persécutions, non pas pour chercher du boulot, mais tout simplement pour survivre au réchauffement climatique. D’ailleurs, 85 % de ces mouvements se font en direction des pays du Sud, eux-mêmes très pauvres ! Ce n’est pas nous qui sommes les pays de destination de ces migrations ! Nous ne recevons que des bribes.

En plaçant en centre de rétention les « dublinés », vous anticipez sur le projet de loi que vous allez présenter, car seuls pouvaient y être placés jusqu’à présent ceux qui n’avaient pas déposé une demande d’asile. Vous mélangez ainsi les différents types de migrations. Nous aurions aimé pouvoir discuter du phénomène dans son ensemble.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Alinéas 20 et 21

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 17 rectifié est retiré.

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Requier, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« … – L’existence d’une entrave liée aux conditions de rétention susceptible de constituer une atteinte à l’exercice des recours prévus par les I et II en suspend les délais. » ;

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui procède enfin également à une autre réforme importante : la réduction du délai de recours des demandeurs d’asile en centre de rétention de quinze à sept jours.

En droit administratif français, je le rappelle, le délai de droit commun est de deux mois, ce qui est déjà court au regard des délais devant les juridictions civiles – cinq ans – ou pénales. Les délais de prescription pour les crimes viennent d’être étendus à vingt ans.

En contrepartie de la réduction de ce délai, justifié par un souci d’efficacité administrative, nous avons donc souhaité inscrire dans la loi la possibilité de constater la suspension de ce délai dans les cas où les conditions matérielles nécessaires pour mettre en œuvre ce recours ne seraient pas réunies. Il s’agit, par exemple, de s’assurer que les demandeurs d’asile placés en rétention puissent entrer en contact avec leurs avocats dans des conditions satisfaisantes.

Il convient de garantir l’application du principe général du respect des droits de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

La commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Nous avons voulu réduire de quinze à sept jours le délai de recours contre une décision de transfert. Je précise que ce délai de sept jours ne s’applique pas en cas de rétention, le délai de recours contre la décision de transfert étant fixé à quarante-huit heures en rétention.

Le présent amendement vise ainsi à suspendre ce délai de quarante-huit heures en cas « d’entrave à l’exercice du recours ». Or cette notion n’existe pas en droit ; elle sera difficile à apprécier en pratique et pourrait même constituer une source supplémentaire de contentieux.

En tout état de cause, tout étranger en rétention peut déposer un recours, les services de la police aux frontières n’entravant pas ce droit. Je rappelle aussi que les associations interviennent en rétention pour aider les étrangers dans leur démarche.

Enfin, il me semble impossible de prévoir une telle suspension pour les seuls migrants relevant du statut Dublin, à l’exclusion de l’ensemble des étrangers placés en rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Demande de retrait ou, sinon, avis défavorable. D’une part, il existe une possibilité d’accompagnement juridique ; d’autre part, l’intervention du juge des libertés et de la détention est une garantie.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avant les explications de vote sur l’ensemble du texte, j’ai peut-être là une dernière chance d’obtenir une réponse du ministre à la question que j’ai posée. Je repose donc cette question, en considérant que l’absence de toute réponse vaudrait visiblement confirmation du constat que j’ai dressé, celui d’une pratique illégale. Dans le cas contraire, le ministre doit apporter un démenti ou m’expliquer en quoi elle est légale.

Il n’est pas acceptable que cette interpellation tout à fait légitime que je fais en tant que parlementaire ne reçoive aucune réponse. En tant que représentant de la République, j’ai constaté une situation absolument anormale dont l’État est à l’origine, et je pose donc la question : place-t-on en centre de rétention des « dublinés », même pour une courte durée, alors que la loi ne le permet pas, à tout le moins tant que le présent texte n’aura pas été adopté ?

J’aimerais être soutenu par l’ensemble de nos collègues, chargés comme moi de faire la loi, car cette question est légitime.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je pose donc une nouvelle fois ma question, puisque c’est ma dernière chance pour aujourd’hui. Je la poserai peut-être également par écrit ou au cours des prochains débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur Assouline, vous avez été entendu puisque M. le ministre d’État demande la parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je veux dire à M. Assouline que M. Warsmann, l’auteur de cette proposition de loi, proposait avant tout de combler un vide juridique faisant suite à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne visant à l’origine non pas la France, mais la République tchèque. Par la suite, la Cour de cassation a estimé qu’il fallait mieux définir le risque de fuite. C’est donc bien ce à quoi s’emploie ce texte.

S’agissant des conditions de rétention, monsieur Assouline, je ne suis ministre de l’intérieur que depuis huit mois. Et je ne pense pas que, dans cet espace de temps, les conditions dans les centres de rétention se soient brusquement dégradées. Et si de mauvaises conditions régnaient auparavant, peut-être le gouvernement précédent que vous souteniez avec ardeur avait-il quelques responsabilités en la matière ?

Exclamations amusées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

En tout cas, en tant que ministre de l’intérieur, j’essayerai de faire en sorte que vous n’ayez plus à me poser cette question à l’avenir.

L ’ article 2 est adopté.

I. – Le huitième alinéa de l’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La décision d’assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée.

« Par exception :

« – dans le cas prévu au 4° du présent article, la décision d’assignation à résidence peut être renouvelée tant que l’interdiction de retour ou l’interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire ;

« – dans le cas d’un étranger faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion en application des articles L. 523-3 à L. 523-5, la durée maximale de six mois ne s’applique pas ;

« – dans le cas prévu au 5° du présent article, la durée maximale de six mois ne s’applique pas. Au-delà d’une durée de cinq ans, le maintien sous assignation à résidence fait l’objet d’une décision spécialement motivée faisant état des circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l’absence de garanties suffisantes de représentation de l’étranger ou si sa présence constitue une menace grave pour l’ordre public. »

II. – Au dernier alinéa de l’article L. 111-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, au troisième alinéa de l’article 39 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, au troisième alinéa de l’article 41 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et au troisième alinéa de l’article 41 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « treizième ».

III. – À l’avant-dernier alinéa du I de l’article L. 561-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « sept ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 29, présenté par Mme Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

En cohérence avec nos précédents amendements, nous demandons également la suppression de l’article 3 de la présente proposition de loi.

Ce dernier, introduit sur l’initiative de la commission des lois, prévoit, pour les étrangers faisant l’objet d’une interdiction judiciaire du territoire, que le maintien sous assignation à résidence au-delà d’une durée de cinq ans fasse désormais l’objet d’une décision expresse spécialement motivée qui énonce les circonstances particulières justifiant cette prolongation, au regard notamment de l’absence de garanties suffisantes de représentation de l’étranger ou si cette présence constitue une menace grave pour l’ordre public.

Inutile, franchement, de revenir en détail sur cette disposition, qui suit la philosophie de la proposition de loi : gardons les étrangers sous la main et reconduisons le plus grand nombre à la frontière. Peu importe les violations du droit et les atteintes au droit d’asile, peu importe le prix de tout cela : quarante-cinq jours de rétention, la reconduite à la frontière, tout cela coûte beaucoup d’argent public et peu importe que tout cela soit inutile, puisque nombre de ceux qui seront reconduits, comme je l’ai déjà dit, reviendront.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Avis défavorable.

Cet article a été introduit sur l’initiative de votre serviteur pour tenir compte d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel en décembre dernier dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.

Il vise, je le redis devant notre Haute Assemblée, les étrangers condamnés pénalement par les tribunaux français et interdits de rester sur le territoire après l’exécution de leur peine. Certains d’entre eux sont assignés à résidence, le temps de pouvoir faire exécuter cette interdiction du territoire. Le Conseil constitutionnel demande que cette assignation à résidence ne soit pas sans terme pour ne pas contrevenir à la liberté d’aller et venir. Il demande donc à l’État de fixer un délai.

En la circonstance, nous avons proposé un délai de cinq ans au terme duquel les motifs, ainsi que les conditions d’exécution des décisions prises pendant cet intervalle, sont impérativement repris dans une nouvelle décision.

Il faut absolument garantir la possibilité d’exercer un contrôle sur certaines de ces personnes, qui peuvent parfois présenter un réel danger. C’est la raison pour laquelle j’ai proposé à la commission des lois, qui l’a accepté, que l’on règle ce problème juridique maintenant, le Conseil constitutionnel ayant donné à notre pays jusqu’à la fin du mois de juin 2018 pour ce faire.

Or nous ignorons – et je le dis très librement devant la Haute Assemblée – si l’examen du futur texte sur l’asile et l’immigration – si tant est que cette mesure y soit transcrite – sera définitivement achevé à cette date. C’est donc par précaution et par esprit de responsabilité que j’ai proposé d’insérer cet article dans cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le Gouvernement soutient cette disposition, qui comble un vide juridique auquel nous pourrions être confrontés après le 30 juin 2018. Évidemment, nous ne savons pas si le projet de loi sur l’asile et l’immigration sera adopté avant cette date.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je pensais enfin pouvoir obtenir une réponse à la question précise – je ne parle pas des autres – que je vous ai posée au sujet des centres de rétention. Vous m’avez indiqué que les conditions de rétention ne se sont pas brutalement dégradées depuis que vous êtes en poste. Probablement, monsieur le ministre d’État.

Sur ces questions, je ne suis pas du tout dans l’exagération. Depuis que je me suis engagé en politique, je n’ai jamais varié et ai toujours porté une attention particulière aux conditions d’accueil des migrants et aux conditions de vie dans les centres de rétention, et ce quel que soit le gouvernement : ce gouvernement, celui d’avant, que j’ai globalement soutenu sur le plan politique, et ceux qui l’ont précédé. Vous ne me prendrez pas en défaut.

Je ne fais donc pas de faux procès. En revanche, je vous ai posé une question précise, à laquelle vous n’avez pas répondu, monsieur le ministre d’État : avant même son entrée en vigueur, ce texte est-il appliqué de façon anticipée, et donc illégalement ? Vous ne m’avez pas répondu. Vous parlez de la République tchèque, mais est-ce ce pays qui a été condamné ? C’est la Cour de cassation, en France, qui a rendu un arrêt déclarant illégal le placement en centre de rétention des « dublinés ». Or, cette situation est très fréquente : lors d’une visite que j’ai effectuée dans l’un de ces CRA, son chef m’a confirmé que certains « dublinés » arrivaient le soir pour y passer la nuit, ce qui est illégal dans notre pays tant que ce texte n’est pas adopté.

Pouvez-vous faire cesser ces pratiques si elles existent ? Et pouvez-vous me dire, précisément, si elles existent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je voudrais expliquer pourquoi il me semble important de rejeter cet amendement n° 29.

Le Conseil constitutionnel a observé que la motivation du maintien d’une mesure de contrainte telle que celle que nous examinons en ce moment, applicable dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, devait être renouvelée dans le temps.

Je pense que l’auteur de l’amendement reconnaît que cette mesure de contrainte est justifiée. Sont visés des individus engagés de longue date dans un mouvement terroriste, condamnés, et qui, une fois leur peine accomplie, devraient être renvoyés hors de France aux termes de la loi, dans la mesure où ils ont une autre nationalité. Pour des raisons tenant à la sauvegarde de leurs droits, ces personnes ne sont pas renvoyées, bien qu’elles représentent un danger majeur pour notre sécurité nationale. Il est donc parfaitement justifié de leur opposer une mesure de contrainte.

Le texte adopté par la commission sur la proposition, bienvenue, du rapporteur consiste à donner une base régulière à cette décision, fondée sur des éléments objectifs et pouvant être contestée devant le juge au regard de la situation de chaque personne. Il me paraît donc vraiment injustifié de s’opposer à cette mesure et je n’ai entendu aucun motif convaincant en faveur de cette position.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Sans refaire la discussion générale, je formulerai deux remarques.

Monsieur le ministre d’État, la situation dans les centres de rétention administrative a quand même profondément évolué depuis quelques mois. En effet, à la suite du drame de Marseille, du limogeage du préfet du Rhône et de nouvelles instructions données à la PAF, les CRA sont particulièrement engorgés ces derniers mois, pour atteindre un taux d’occupation globalement proche de 100 %, rendant très difficiles les conditions de travail des agents de la PAF, comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Sylvie Robert, tout comme les conditions de vie des personnes retenues.

C’est un changement fondamental par rapport à la situation qui prévalait antérieurement.

Moi-même, je me suis déplacé dans un CRA il y a peu de temps, et j’ai rencontré des personnes qui avaient rendez-vous en préfecture un mois ou un mois et demi plus tard pour déposer une demande d’asile. Elles étaient pourtant en centre de rétention !

La situation a donc profondément changé ces derniers mois, il faut le dire. Le fait que nous ayons soutenu ensemble un gouvernement précédent n’a pas empêché des évolutions…

M. Philippe Dallier rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Enfin, comme cela a été dit au sujet de la procédure Dublin, dont nous savons qu’elle ne fonctionne pas, il n’est pas raisonnable de voter un texte autorisant le placement en centre de rétention de personnes en situation régulière sur le territoire.

Nous l’avons d’ailleurs constaté, certains pays présentent des « défaillances systémiques ». Une personne qui « matchera » avec EURODAC pourra être placée en centre de rétention, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’on ne pourra pas la renvoyer vers l’État par lequel elle est entrée au sein de l’Union, par exemple la Hongrie ou la Grèce. Entre-temps, elle aura été privée de liberté et, monsieur le ministre d’État, sa demande d’asile n’aura pas été étudiée en France.

Vous pouvez dire, comme le Président de la République, qu’il faut réduire les délais, mais alors à quoi bon placer pendant plusieurs semaines une personne en centre de rétention plutôt que de lui permettre de faire valoir son droit à l’asile le plus vite possible ?

C’est bien là le problème de la procédure Dublin : les demandeurs d’asile qui n’ont pas déposé de demande dans un autre pays d’Europe, qui « matchent » sur EURODAC parce qu’ils sont passés par l’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Hongrie ou un autre pays, ne pourront pas voir leur demande examinée rapidement, alors qu’elle pourrait être considérée comme légitime en France !

Je crois qu’il faut fondamentalement changer les choses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Comme je l’ai dit au cours de la discussion générale, il faut différencier les personnes déboutées dont la demande d’asile a été examinée correctement dans le pays de leur choix de celles qui n’ont pas déposé une telle demande. Or cette proposition de loi n’établit aucune différence, ce qui constitue une attaque à l’encontre d’un principe constitutionnel depuis le début de la IVe République. Nous ne pouvons pas accepter cette rupture !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

On a bien compris, à travers ces débats, que cette proposition de loi est un texte de circonstance, qu’il s’agit de poser une rustine rendue nécessaire à la suite de la décision du Conseil constitutionnel.

Je voudrais demander au ministre de ne pas engager la procédure accélérée sur le projet de loi qu’il nous soumettra. Nous avons besoin de débattre d’un vrai texte, de mettre les choses à plat et de prendre du temps pour ce faire.

Monsieur le ministre d’État, les règles de droit en matière d’asile sont devenues plus kafkaïennes encore que notre droit fiscal. C’est peu dire ! Il est donc grand temps de poser un certain nombre de problèmes auxquels nous sommes confrontés de façon à pouvoir les régler démocratiquement. Il n’y a pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Ces sujets sont difficiles à traiter et ce serait l’honneur du Parlement de prendre enfin son temps pour mettre à plat l’ensemble des dispositifs en vigueur.

Par ailleurs, aucun dispositif national ne sera viable sans un dispositif européen efficace. Et là, monsieur le ministre d’État, c’est aussi l’honneur de la France que de porter, au niveau européen, une législation en matière de droit d’asile et de flux migratoires, de manière à introduire plus de cohérence et de fluidité, l’une et l’autre faisant terriblement défaut aujourd’hui, et à prévoir plus de moyens.

Je le répète, monsieur le ministre d’État, j’espère que le prochain texte que vous nous soumettrez ne sera pas examiné en procédure accélérée, car le sujet mérite que l’on s’y attarde. C’est dans ce cadre qu’il nous faudra juger les dispositifs à venir.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

C’est ma dernière intervention, je vous rassure, je serai donc très brève.

Sans faire preuve d’aucun esprit taquin, monsieur Buffet, en ce qui me concerne, je dirais que les femmes, les hommes passent, les politiciens aussi. Mais l’Histoire reste, et elle vous jugera sur l’accueil que vous aurez réservé aux réfugiés.

Vos prédécesseurs socialistes n’ont pas été davantage à la hauteur, monsieur Collomb. Or vous venez de cette grande famille qui se dit de gauche !

J’ajouterai, pour finir, que la convention de Genève de 1951 a été élaborée sur fond de culpabilité, cette culpabilité européenne directement liée à la gestion des réfugiés et des apatrides pendant la Seconde Guerre mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette proposition de loi arrive à la rescousse, pour combler un vide juridique à la suite d’un arrêt de la Cour de cassation interdisant le placement des « dublinés » en centre de rétention. Il appartenait donc au législateur, moyennant un certain nombre de garanties, de prévoir cette possibilité.

Pour autant, j’affirme que cette pratique avait déjà cours, illégalement, et je n’ai pas été démenti par le ministre.

Ce débat en amorce un autre, que j’espère plus global et plus profond. La façon dont on aborde le sujet paraît simple : nous nous donnons les moyens d’accueillir et d’intégrer ceux qui entrent légalement sur notre territoire, les autres ayant vocation à être reconduits à la frontière – grande sévérité, donc. Or l’hypocrisie persiste : non seulement il va devenir de plus en plus compliqué de trier les migrants, les motifs d’émigration ne pouvant être catalogués, comme je l’ai dit tout à l’heure, mais encore ces migrants – et c’est la différence avec la situation qui prévalait sous le quinquennat précédent, indépendamment de ceux qui nous gouvernaient –, comme j’ai pu le constater vendredi dernier, sont majoritairement constitués des jeunes âgés de 20 ans à 30 ans, présents en France depuis plus de dix ans, avec des enfants nés en France et qui, probablement, seront non pas reconduits dans leur pays, mais relâchés du centre de rétention.

Auparavant, ils étaient convoqués, et non pas placés en centre de rétention. Depuis l’attentat de Marseille, la prudence l’emporte sans doute, les préfets cherchant à se couvrir en prenant ce genre de mesure afin d’éviter de porter, le cas échéant, le chapeau. Et vous n’avez aucune proposition à faire en faveur de cette population qui n’a pas de papiers, qui vit et travaille en France, qui a une famille en France.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est le débat que nous aurons prochainement sur les centres de rétention.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’ai écouté avec attention l’ensemble des interventions. Je voudrais tout de même que l’on se rappelle que la France est un pays qui respecte le droit d’asile.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est un pays dans lequel la Constitution elle-même affirme l’exigence de l’asile pour les persécutés politiques. Et nos engagements européens y ajoutent la protection subsidiaire.

Si je dis cela, ce n’est pas pour enfoncer une porte ouverte. C’est parce que, dans notre débat, j’ai le sentiment que l’on compte pour rien le fait que 70 % des demandeurs d’asile dans notre pays se voient déboutés du droit d’asile. C’est bien un signe évident – il nous faut le prendre en compte dans notre législation, sans faire preuve d’aveuglement – qu’il y a, d’un côté, le droit d’asile et, de l’autre, l’abus du droit d’asile.

Que nous cherchions, à travers ce premier texte ou celui que prépare le Gouvernement, à faire en sorte que l’abus du droit d’asile ne vienne pas disqualifier la demande d’asile en général est légitime. Il faut savoir prendre nos responsabilités.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Par ailleurs, je voudrais dire aussi avec une certaine fermeté que le droit d’asile n’est pas reconnu au bénéfice des personnes qui entreprennent de grandes migrations à cause du réchauffement climatique. Cette tentation de revenir en permanence vers un assouplissement ou une extension des règles me paraît infiniment suspecte, car c’est une véritable dénaturation des règles du droit d’asile qui est à l’œuvre derrière ce discours politique.

De la même façon, vouloir aujourd’hui considérer que, parce que les pays d’arrivée en Europe ne parviennent pas eux-mêmes à traiter les demandes d’asile, il faudrait offrir à tous les demandeurs d’asile présents en Europe le meilleur traitement, c’est-à-dire celui qu’on offre en France, serait une grave erreur politique que les Français ne nous pardonneraient pas !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

On les rejette à la mer ? C’est incroyable d’entendre cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je crois que l’esprit de responsabilité doit nous animer au moment d’adopter ces dispositions. Nous n’avons pas à ouvrir les portes de la France à tous les demandeurs d’asile qui sont arrivés par la Grèce et l’Italie…

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’Allemagne l’a bien fait ! La Suède aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … sous prétexte que le traitement administratif qu’on leur réserve est meilleur que dans les autres pays européens.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Vous voulez tous les laisser à la Grèce et à l’Italie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Au fond, vous critiquez le traitement offert aux demandeurs d’asile en France, mais vous demandez par ailleurs qu’on l’applique à tous les demandeurs d’asile qui arrivent en Europe.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il y a là une contradiction fondamentale que vous n’avez pas réglée !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi permettant une bonne application du régime d’asile européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la commission des affaires européennes a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé (projet n° 183, texte de la commission n° 217, rapport n° 216).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je reviens aujourd’hui devant votre Haute Assemblée présenter en nouvelle lecture le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Comme vous le savez, cette ordonnance transpose en droit interne trois dispositifs nouveaux mis en place par une directive européenne de 2013 ; il s’agit de la carte professionnelle européenne, ou CPE, du mécanisme d’alerte et de l’accès partiel. Elle introduit par ailleurs au niveau législatif une procédure pour sécuriser et harmoniser la reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens pour les cinq métiers de l’appareillage et pour l’usage du titre de psychothérapeute.

Enfin, l’ordonnance supprime, pour répondre à la demande de la Commission européenne, la condition d’exercice de trois années imposée aux ressortissants de l’Union européenne pour l’accès en France à une formation de troisième cycle des études médicales ou pharmaceutiques.

J’ai eu l’occasion de vous dire, lors de nos précédents débats en septembre dernier, que je mesurais les inquiétudes que la présentation de ce texte a pu susciter auprès des professionnels de santé, comme parmi un certain nombre des membres de votre assemblée, au travers de l’introduction des dispositions relatives à l’accès partiel.

Je m’étais alors attachée à vous expliquer les raisons pour lesquelles le Gouvernement était dans l’obligation de procéder à la transposition de la directive dans les conditions dans lesquelles il l’a fait. Je m’étais également efforcée de présenter les conditions dans lesquelles j’entendais que le sujet soit pris en charge, soucieuse de préserver la qualité et la sécurité des soins prodigués aux usagers de notre système de santé.

La sensibilité de ce sujet est, je le sais, toujours importante, comme en attestent l’échec de la commission mixte paritaire sur ce point et l’adoption par votre commission des affaires sociales de l’amendement de suppression.

Je voudrais donc revenir brièvement sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à présenter ce texte sous cette forme, en vous donnant notamment des informations sur la position de la Commission européenne à l’égard de la France et en vous précisant dans quelles conditions la mise en œuvre de ce dispositif s’opérera.

La directive communautaire relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles du 20 novembre 2013 aurait dû être transposée dans le droit français depuis le 18 janvier 2016, au plus tard.

Depuis cette date, la France était exposée à deux avis motivés de la Commission européenne pour défaut de transposition. Ce manquement à ses obligations constituait la dernière étape avant la saisine par la Commission de la Cour de justice de l’Union européenne.

Comme vous l’avez probablement appris, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l’annonce des risques dont je vous faisais part au mois de septembre dernier, le collège de la Commission européenne a décidé le 7 décembre d’une saisine de la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France, mais également contre la Belgique et l’Allemagne. Le motif de cette saisine est malheureusement sans surprise : le manquement à l’obligation de transposition.

Le risque n’était donc pas hypothétique, voire nul, comme certains pensaient pouvoir l’affirmer, mais bien réel et désormais effectif.

Il est possible que la publication du décret, le 2 novembre dernier, puis des sept arrêtés attendus, au mois de décembre, témoigne auprès de la Commission du respect à présent réalisé par notre pays de ses obligations de transposition complète. C’est à espérer, car cela permettrait de ne pas obliger au paiement de l’astreinte associée à la saisine de la Cour de justice. Aujourd’hui, elle s’élèverait à 50 000 euros par jour.

Comme je l’avais fait devant vous au mois de septembre dernier, je souhaite affirmer avec la même détermination que je serai particulièrement vigilante quant aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé. Cette vigilance pourra justifier d’en appeler à la raison impérieuse d’intérêt général dès lors que l’autorisation d’un professionnel à accès partiel fera courir un risque à la qualité et à la sécurité des prises en charge.

Ce risque ne peut en effet pas être évacué dans un système où les compétences respectives des professionnels de santé sont complémentaires et articulées entre elles, et parfaitement connues des professionnels eux-mêmes, comme des usagers du système de santé.

Les conditions de l’examen de chaque dossier déposé en vue d’obtenir une autorisation d’exercice partiel seront pour cela arrêtées et suivies de manière particulièrement rigoureuse.

En premier lieu, la directive prévoit trois conditions génériques qui doivent nécessairement être remplies ; elles seront scrupuleusement contrôlées.

D’abord, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel.

Ensuite, les différences entre l’activité professionnelle exercée et la profession qui pourrait correspondre en France sont en outre si importantes que l’application de mesures de compensation de formation reviendrait à faire suivre au demandeur un cycle complet d’enseignement.

Enfin, l’activité sollicitée en accès partiel peut être objectivement séparée d’autres activités relevant de la profession « correspondante » en France. Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, l’autorisation d’exercice partiel ne pourra pas être délivrée.

En deuxième lieu, le processus d’examen des dossiers des demandeurs fait par ailleurs appel, je le rappelle, à l’expression d’un avis par chaque commission compétente, ainsi que par l’ordre compétent pour les professions à ordre. Nous avons pris une sécurité supplémentaire. Ce second avis, non prévu par la directive, a été ajouté par le Gouvernement, afin de renforcer le processus d’analyse des dossiers.

En troisième lieu, un décret en Conseil d’État a précisé les conditions et modalités de mise en œuvre de la procédure d’instruction. Je vous avais indiqué que j’entendais être extrêmement attentive à ce que sa rédaction puisse éclairer et guider les parties prenantes dans la manière dont les dossiers devront être examinés au cas par cas.

C’est ce qui a été traduit dans le décret du 2 novembre 2017 relatif à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Tout en respectant le droit à la libre circulation des ressortissants européens, le décret dispose en effet, dans le but de garantir la qualité et la sécurité des soins, que les avis que les commissions d’autorisation d’exercice et les ordres seront appelés à émettre porteront notamment sur les points suivants : premièrement, l’identification précise et strictement délimitée du champ d’exercice ou des actes que les professionnels seront autorisés à réaliser sous le régime de l’accès partiel ; deuxièmement, la description de l’intégration effective de ces actes dans le processus de soins et leur incidence éventuelle sur la continuité de la prise en charge ; troisièmement, la lisibilité des actes réalisés sous le régime de l’accès partiel, pour les professionnels de santé comme pour les usagers du système de santé ; quatrièmement, toute recommandation de nature à faciliter la bonne insertion du professionnel auquel l’autorisation d’exercice partiel serait accordée.

La rédaction de ce décret a été, vous l’aurez compris, animée par la motivation de garantir la qualité et la sécurité des soins, ainsi que l’information des professionnels de santé comme des usagers du système de santé.

Comme je m’y étais engagée devant les deux assemblées, je vous confirme par ailleurs que j’ai sollicité la Commission européenne afin d’obtenir une cartographie des professions de santé existantes dans l’Union européenne.

La nouveauté induite par le déploiement du mécanisme d’exercice partiel au sein des pays de l’Union justifie en effet de disposer d’un tel état des lieux permettant d’identifier, pour chaque système national de santé, les périmètres d’exercice des professionnels susceptibles de solliciter une reconnaissance d’accès partiel.

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, tels étaient les éléments les plus importants que je souhaitais porter à votre connaissance sur la dimension qui demeure la plus sensible de l’ordonnance objet du présent projet de loi de ratification qui vous est soumis.

Vous comprendrez, dans ces conditions, que je ne puisse pas être favorable à la version du projet de loi issue des travaux de votre commission des affaires sociales, supprimant les références à l’accès partiel.

Mais vous aurez aussi compris, je l’espère, que, en lien étroit avec les professionnels du système de santé, je serai particulièrement attentive au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de ces dispositifs, afin de garantir, dans cette matière comme dans d’autres, la qualité et la sécurité des soins dispensés par notre système de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné dans cet hémicycle, le 11 octobre dernier, trois projets de loi procédant à la transposition de quatre ordonnances dans le domaine de la santé, qui ont été prises sur le fondement de la loi du 26 janvier 2016.

Après la réunion d’une commission mixte paritaire, le 5 décembre dernier, un seul de ces projets de loi reste en discussion, faute d’accord entre les deux chambres du Parlement : c’est celui qui concerne la profession de physicien médical et la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Notre désaccord avec l’Assemblée nationale porte en réalité sur une seule des nombreuses dispositions de ce texte ; il est cependant majeur !

Vous le savez, notre commission, suivant en cela l’avis quasi unanime des professionnels de santé, a supprimé en première lecture les dispositions relatives à la procédure d’accès partiel. L’Assemblée nationale les a rétablies en nouvelle lecture.

S’il semble donc que notre désaccord soit consommé sur le sujet, permettez-moi cependant de vous rappeler brièvement les raisons qui ont poussé notre assemblée à se prononcer en ce sens. Je pense en effet que la question est d’importance, compte tenu des conséquences majeures qu’elle pourrait entraîner pour l’organisation et la cohérence de notre système de santé.

En premier lieu, nous avons été frappés par le degré d’impréparation entourant la mise en place d’une évolution aussi fondamentale. À l’heure où il nous est demandé de ratifier cette ordonnance, on ne dispose toujours d’aucun d’élément d’évaluation sur le nombre de professionnels susceptibles de formuler une demande en France ou sur la nature même des professions qui pourraient être concernées. Madame la ministre, permettez-moi de m’interroger : comment, sans même connaître les professions en jeu, avez-vous pu préparer un texte d’application garantissant la sécurité de l’ensemble des situations ? Il me semble que l’on avance ici à l’aveugle, en autorisant et en réglementant un dispositif dont nous ne connaissons pas la réelle portée concrète.

En second lieu, cette mesure nous a semblé de nature à perturber en profondeur l’organisation de notre système de santé. Il ne s’agit pas ici de faire un procès d’intention aux professionnels formés dans d’autres pays, dont nous ne remettons pas en cause la compétence. C’est sur la compatibilité de l’accès partiel avec l’organisation et l’efficacité de notre système de santé que nous nous interrogeons. Il nous a, de ce point de vue, semblé que la reconnaissance d’un accès partiel ne pourra qu’aboutir à une fragmentation des professions, dont on peine encore à mesurer toutes les conséquences.

Nous redoutons que les éventuels problèmes de qualité et de sécurité des soins ne frappent d’abord les patients les moins informés, et donc les populations les plus fragiles. On pourrait même craindre, sans céder à une trop forte méfiance, que ces professionnels ne puissent être opportunément recrutés par des établissements de santé en pénurie de personnels ou par nos collectivités frappées par la désertification médicale : cela serait évidemment de nature à renforcer les inégalités territoriales de santé.

Plusieurs difficultés pratiques ont été pointées : d’abord, le surcoût potentiel pour la sécurité sociale, si des patients se trouvent contraints de consulter deux professionnels au lieu d’un seul compte tenu de la limitation des compétences du premier ; ensuite, l’effet d’aubaine pour les formateurs étrangers notamment, alors que la formation des personnels médicaux et paramédicaux fait déjà l’objet d’un marché très disputé dans certains pays de l’Union européenne ; enfin, la question de la sécurité réellement garantie au patient, alors que des difficultés importantes sont d’ores et déjà constatées dans le cadre de la procédure de reconnaissance automatique, s’agissant notamment de la compétence linguistique des professionnels ou de leur niveau réel de formation.

Le décret publié le 2 novembre dernier ne nous a guère rassurés sur l’ensemble de ces points, s’agissant notamment des compétences d’encadrement et de contrôle dévolues aux ordres.

Je dois d’ailleurs vous dire, madame la ministre, que nous avons été quelque peu surpris de constater que ce décret intervenait sans même attendre la fin de nos travaux parlementaires, ce qui témoigne assez de l’absence de débat de fond sur ce texte, il est vrai élaboré par le gouvernement précédent.

Je tiens enfin à souligner que le Sénat a bien pris la mesure des obligations communautaires pesant sur la France ; il ne saurait être taxé d’irresponsabilité sur ce point.

Il nous a cependant semblé que notre responsabilité consistait au contraire à ne pas faire passer la satisfaction d’une obligation d’ordre juridique avant l’intérêt des patients. J’ai d’ailleurs été frappée de constater que l’argumentation développée par l’Assemblée nationale à l’appui de la ratification de cette mesure, lors de la réunion de notre commission mixte paritaire, ne portait que sur le respect des obligations communautaires de la France, et non sur l’intérêt intrinsèque de la procédure d’accès partiel pour l’avenir de notre système de santé. Cette position me paraît tout à fait révélatrice des conditions de transposition de ce dispositif. On a fait l’économie d’une véritable concertation de fond avec les professionnels de santé, sans même explorer la possibilité d’une autre transposition, plus respectueuse du fonctionnement de notre système de santé.

Il nous a dès lors paru invraisemblable de sacrifier, contre l’avis de tous les acteurs de la santé, la cohérence de notre système de santé et la qualité des soins à des considérations essentiellement juridiques.

C’est pourquoi la commission des affaires sociales s’est à deux reprises prononcée pour la ratification de l’ordonnance qui nous est présentée, moyennant la suppression du dispositif d’accès partiel.

Madame la ministre, tout comme vous, nous ne pouvons pas accepter que l’accès partiel fragilise les deux piliers fondamentaux de notre système de santé : la qualité des soins et la sécurité des patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, le 5 décembre dernier, nous nous réunissons à nouveau pour l’examen de ce projet de loi ratifiant des ordonnances prises sur le fondement de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

L’article 1er, qui ratifie l’ordonnance permettant la reconnaissance de la profession de physicien médical, a été adopté conforme par les deux assemblées. Cette ordonnance a fait l’objet d’un consensus dans le milieu médical, ainsi qu’au Parlement. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Cependant, l’article 2, dans lequel se trouvent les dispositions sur l’accès partiel à certaines activités médicales et paramédicales, concentre aujourd’hui tous les débats et nous amène à nous réunir pour un examen en nouvelle lecture.

Plusieurs arguments, parfaitement relayés par notre rapporteur Corinne Imbert, ont été avancés par les professionnels de santé.

Notamment, les infirmiers et les kinésithérapeutes s’inquiètent. Le Syndicat national des professionnels infirmiers a également souligné la confusion qui pourrait exister dans l’esprit du public, qui ne sera pas toujours en mesure de reconnaître clairement le champ de compétences des infirmiers ; c’est une réalité. Sans compter le risque de désorganisation des soins dans les établissements sanitaires et médico-sociaux. Les conséquences et l’effet de cette mesure n’ont pas été clairement évalués, tant quantitativement que qualitativement. La Fédération française des praticiens de santé a également souligné ce point.

Comme lors de l’examen de l’ordonnance relative au fonctionnement des ordres des professions de santé, une impréparation et un manque de concertation avec les organisations professionnelles sont à déplorer. Pour le groupe du RDSE, c’est un vrai problème ; nous souhaitons rappeler ici notre attachement au dialogue et au débat.

Par ailleurs, dans les territoires connaissant une désertification médicale, sujet d’inquiétude pour les élus et les citoyens – l’attractivité pour les professionnels y est faible –, une telle mesure pourrait contraindre les établissements ou les collectivités à recruter des professionnels concernés par l’exercice partiel.

Élue d’un territoire particulièrement sous-doté, je salue toute mesure qui permettrait de pallier les inégalités territoriales. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des patients et de la qualité des soins. La France ne peut se satisfaire d’un système de soins au rabais. Je pense que cette mesure risque de renforcer encore les inégalités territoriales.

Des risques sur l’organisation et la sécurité des soins ont été évoqués sur ce texte. Madame la ministre, vous avez rappelé que la directive prévoyait trois conditions nécessaires à la délivrance de l’autorisation d’exercice partiel. Les députés ont jugé que les garanties apportées étaient suffisantes. Ce n’est pas le cas de la commission des affaires sociales du Sénat, dont les arguments, que je partage pour la très grande majorité, n’ont pas pu trouver un écho favorable auprès du Gouvernement et de nos collègues de l’Assemblée nationale.

À ce sujet, je souhaiterais évoquer ici la publication, le 2 novembre dernier, du décret encadrant la mise en œuvre de l’exercice partiel, alors même que la commission mixte paritaire ne s’était pas encore réunie. Si ce décret apporte certaines garanties, nous aurions apprécié un peu plus de respect pour le débat parlementaire. Ce n’est pas la compétence du petit morceau d’exercice partiel qui est remise en cause ; c’est plutôt le champ de compétences qui pose problème.

Le Sénat, dans sa majorité, ne partage pas l’avis du Gouvernement sur ce projet de loi. Les arguments avancés sont sérieux et méritent qu’on s’y attarde. Il s’agit de l’avenir de notre système de santé, autant que des relations que nous entretenons avec les organisations professionnelles. Si nous ne remettons pas en question la compétence des professionnels dans leur activité, nous craignons l’arrivée de praticiens formés à l’exécution d’une seule partie des actes.

Certes, il s’agit d’une directive dont la transposition aurait dû être faite voilà plus de deux ans ; je vous ai bien entendue, madame la ministre. Mais, précisément, elle a fait l’objet de fortes dissensions et ne peut pas être acceptée en l’état. Nous ne sommes pas prêts à nous asseoir sur nos exigences et celles de nos concitoyens, notamment en matière de santé.

Le RDSE réaffirme par ma voix son attachement à l’Europe. Oui, nous avons besoin de l’Europe ! Oui, nous en respectons les règles ! Mais nous souhaitons une Europe qui tire vers le haut, une Europe qui harmonise, une Europe « qui protège », pour reprendre les termes du Président de la République – il était question de la protection de nos frontières et de notre économie. Nous aurions aimé qu’il en soit de même pour notre système de santé et que l’ambition soit d’en préserver la qualité.

Madame la ministre, je vous remercie de votre écoute à l’égard des inquiétudes exprimées. Je salue également votre volonté d’encadrer cette mesure d’un maximum de garanties. Toutefois, nos inquiétudes restent entières s’agissant de l’organisation de notre système de soins, de l’équité sociale et de l’équité territoriale.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera pour le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales, qui rétablit la suppression de l’exercice partiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, sur les trois projets de loi de ratification que nous avons examinés le 11 octobre dernier, un seul point de désaccord demeure à l’issue de la commission mixte paritaire du 5 décembre. Comme cela a déjà été souligné, le désaccord concerne le troisième projet de loi.

Les dispositions portant sur la reconnaissance de la profession de physicien médical, la mise en place d’une carte professionnelle européenne et le mécanisme d’alerte à l’échelle européenne ont été adoptées conformes par les deux chambres. Seule la question de l’accès partiel aux professions de santé continue de diviser.

À l’Assemblée nationale, des raisons juridiques ont été avancées pour procéder sans plus attendre à la transposition de cette directive, afin d’éviter d’exposer la France à une procédure pour défaut de transposition devant la Cour de justice de l’Union européenne.

J’en profite pour rappeler que des garanties existent pour contenir les risques et inquiétudes, à travers les trois conditions cumulatives posées par ladite directive européenne.

D’abord, le professionnel doit être pleinement qualifié pour exercer dans son État d’origine l’activité pour laquelle il sollicite un accès partiel.

Ensuite, si les distorsions entre l’activité professionnelle exercée dans le pays d’origine et la profession qui pourrait lui correspondre en France sont importantes, il sera imposé des formations complémentaires au demandeur, afin qu’il se mette au niveau requis. Il y va évidemment de la sécurité et la protection des patients.

Enfin, l’activité sollicitée en accès partiel doit pouvoir être objectivement séparée des autres activités relevant de la profession correspondante en France.

Si l’une de ces trois conditions n’est pas remplie, alors l’autorisation d’exercice partiel ne pourra évidemment pas être délivrée.

Néanmoins, comme nous le rappelions déjà en première lecture, la transposition de cette directive européenne suscite – cela a été dit et redit – l’inquiétude des professionnels de santé, en particulier au regard du risque de fragmentation des professions de santé, voire de mise en cause de la qualité et de la sécurité des soins.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales du Sénat est revenue à sa rédaction de première lecture, en écartant les dispositions sur l’accès partiel.

Comme en première lecture, notre groupe s’abstiendra sur la rédaction proposée par la commission des affaires sociales du Sénat, car, selon nous, elle expose fortement la France à une procédure pour défaut de transposition devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela a été dit, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire, le Sénat examine en nouvelle lecture le projet de loi ratifiant deux ordonnances, l’une relative à la profession de physicien médical et l’autre à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Ces ordonnances ont été prises sur le fondement de l’article 216 de la loi de modernisation de notre système de santé que notre groupe a combattu dans cet hémicycle, faut-il le redire ici ?

La première ordonnance, qui vise à reconnaître la profession de physicien médical comme profession de santé, est reconnue unanimement comme une avancée pour les professionnels concernés ; nous partageons tout à fait cette reconnaissance. C’est une avancée, en effet, qui ne doit cependant pas occulter la nécessité d’augmenter les recrutements dans les services de radiothérapie : malgré le doublement des effectifs, leur nombre reste insuffisant au regard des besoins.

La seconde ordonnance transpose en droit français une directive européenne, comme vous l’avez souligné, madame la ministre, sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, qui introduit en droit national notamment la reconnaissance de l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales.

L’accès partiel aux professions de santé permettrait à des professionnels de santé venant de pays européens d’exercer en France sans avoir toutes les qualifications exigées par l’État français. Autrement dit, certains soins infirmiers ou de rééducation pourront être réalisés par des praticiens qui ne disposent pas du titre, par exemple, d’infirmier, de kinésithérapeute ou d’orthophoniste. Ils exerceront alors sous le titre qu’ils ont obtenu dans leur pays d’origine.

Vous le savez, les syndicats et les ordres de santé s’étaient opposés à la quasi-unanimité à l’avis du Haut Conseil des professions paramédicales qui, de fait, ouvre la voie à une segmentation des professions de santé.

Depuis le vote en première lecture par l’Assemblée nationale, en juillet dernier, le décret qui détaille les conditions de l’accès partiel a été publié, mais les mesures qui encadrent la reconnaissance de l’accès partiel paraissent bien faibles, ce qui continue d’inquiéter les professionnels de santé.

La transposition laisse craindre l’instauration d’une médecine à deux vitesses, qui aurait des conséquences majeures sur l’organisation et la cohérence de notre système de santé.

En effet, dans la mesure où la formation initiale et les compétences des métiers de santé sont différentes d’un pays à l’autre, l’ordonnance pourrait avoir des conséquences importantes sur la qualité et la sécurité des soins dispensés aux patients.

L’accès partiel laisse donc craindre un système de santé au rabais, avec une dégradation de la qualité des soins, puisque le niveau d’exigence en termes de formation et de qualification sera abaissé pour certaines professions de santé.

Aussi sommes-nous satisfaits de la suppression par la commission des affaires sociales de cet accès partiel aux activités médicales ou paramédicales, comme l’a rappelé notre rapporteur Corinne Imbert. Depuis le début, force est de constater que nous partageons tous les mêmes inquiétudes et que chacun ici s’accorde à reconnaître le bien-fondé du travail de la commission.

Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera ce projet de loi de ratification tel que modifié par le Sénat. Il est véritablement important, madame la ministre – j’ai bien écouté vos propos –, que le Gouvernement prenne en compte le travail du Sénat et de la commission des affaires sociales. Nous avons travaillé ensemble, dans un souci constructif, pour faire en sorte que notre système de santé soit le meilleur possible.

Je ne remets pas en cause votre bonne foi quand vous parlez d’engagements, de garde-fous et d’évaluation des nouveaux dispositifs. Quoi qu’il en soit, je n’approuve absolument pas cette sorte de fuite en avant qui vous pousse à prendre des décisions malgré les dangers sur lesquels nous attirons votre attention dans cet hémicycle. Il ne s’agit aucunement de vous faire un procès d’intention, nous relayons seulement les craintes et les attentes des professionnels de santé. De ce point de vue, il serait regrettable que le travail réalisé par la commission des affaires sociales soit passé par pertes et profits, et que soit impossible tout retour en arrière sur cet accès partiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, beaucoup d’arguments ont déjà été développés. Il s’agit, en effet, de la troisième séance publique consacrée aux ordonnances prises sur le fondement de la loi de modernisation de notre système de santé.

À l’issue de la navette parlementaire, il ne reste qu’un projet de loi en discussion. C’est celui-ci que nous examinons aujourd’hui ; il vise à ratifier les ordonnances relatives à la profession de physicien médical et à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Force est de constater, ou plutôt de regretter, que l’Assemblée nationale et le Sénat ne trouveront pas d’accord sur ce texte. Qu’il me soit d’ailleurs permis de m’interroger sur la pertinence d’une nouvelle lecture en pareille situation. Mais je ne vais pas trop anticiper sur les discussions de procédure que nous aurons sans aucun doute dans quelques mois !

La disposition en cause est l’accès partiel aux professions de santé, sur laquelle je concentrerai mon propos.

Le groupe Union Centriste, auquel j’appartiens, soutiendra, sur ce sujet, la position adoptée en première lecture, qui est également celle défendue par notre collègue rapporteur Corinne Imbert, dont je salue le travail.

Nous sommes en effet défavorables à l’application de l’accès partiel, ouvert par cette ordonnance et la directive qu’elle transpose, aux professionnels ne pouvant bénéficier de la procédure de reconnaissance automatique.

Les États membres de l’Union européenne ont œuvré à l’uniformisation des diplômes et des conditions requises pour l’accès aux professions de médecin, de chirurgien-dentiste, de sage-femme, de pharmacien, d’infirmier de soins généraux. Cela permet à ces professionnels de s’installer dans toute l’Union européenne et garantit aux patients d’être pris en charge dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

La question de la sécurité est justement l’une des raisons de notre opposition à l’accès partiel. En dépit de ses difficultés, notre système de santé est organisé et solide. Nos professionnels font des efforts pour en améliorer la cohérence et offrir aux patients une prise en charge coordonnée autour d’un parcours de soins.

L’arrivée de professionnels qui ne seraient pas pleinement compétents dans la spécialité pratiquée en France risquerait de créer un déséquilibre, dont les premières victimes seraient les patients eux-mêmes. Les craintes exprimées à ce sujet par les représentants de ces professions, même si elles ne doivent pas justifier à elles seules la position de notre assemblée, méritent en revanche d’être écoutées. C’est ce qu’a fait notre rapporteur.

De même, il ne me semble pas satisfaisant de souhaiter l’accès partiel aux professions de santé au regard des difficultés d’accès aux soins que nous rencontrons dans certains territoires. Il me semble plutôt nécessaire de poursuivre dans la voie de l’uniformisation pour élever le niveau général de compétence des professionnels de santé au sein de l’Union européenne.

Quant à l’accès aux soins, attendons les conclusions des travaux engagés par le Gouvernement, auxquels participe ma collègue Élisabeth Doineau.

Face à la position du Sénat, la rapporteur à l’Assemblée nationale n’oppose que le risque de condamnation encouru par la France si elle ne transpose pas ces dispositions. Il est vrai qu’un risque existe et que nous devons le prendre en compte. Mais cela ne doit pas nous conduire à faire l’économie d’une réflexion approfondie sur la transposition la plus adaptée à mettre en œuvre. C’est ce qu’a fait l’Allemagne, en n’appliquant pas l’accès partiel aux professions de santé.

L’Européenne convaincue que je suis comprend la nécessité d’appliquer au mieux les directives européennes. Mais je sais également qu’avec l’Allemagne, la France est en position de rouvrir le débat si la cohérence du système de santé est en jeu. C’est pourquoi nous soutiendrons la position défendue par la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer une nouvelle fois sur le projet de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, votée sur l’initiative de la précédente ministre de la santé que nous avions, à l’époque, soutenue dans sa démarche. L’attitude de mon groupe s’inscrit aujourd’hui dans le prolongement de ce positionnement.

La première ordonnance, qui porte sur la reconnaissance de la profession de physicien médical, a fait l’objet d’une approbation unanime. La discussion concerne aujourd’hui la deuxième ordonnance, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Elle transpose, en droit interne, trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d’alerte et l’accès partiel.

Les deux premiers dispositifs ne sont guère contestés. Ils constituent des avancées importantes en matière de coopération entre États membres.

La carte professionnelle facilite la reconnaissance des qualifications professionnelles dans un autre pays de l’Union européenne par voie électronique. Cette nouvelle procédure est plus commode et transparente que les procédures classiques de reconnaissance des qualifications.

Le mécanisme d’alerte favorise la diffusion, à l’échelle européenne, de signalements de professionnels de santé qui n’auraient pas le droit d’exercer dans leur État d’origine. C’est un indéniable progrès pour la sécurité des patients dans l’Union européenne.

Supprimé par le Sénat, puis rétabli par l’Assemblée nationale, l’accès partiel aux professions de santé suscite davantage d’interrogations et d’inquiétudes, comme nous le constatons depuis de début de cette discussion.

Accorder l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales revient à conférer à un professionnel de santé étranger le droit de s’installer en France pour y pratiquer, de manière partielle, une activité.

Trois remarques préalables me paraissent devoir être formulées.

D’abord, madame la ministre, la saisine de la Commission européenne, que vous avez évoquée, en vue d’obtenir une cartographie des professions de santé dans l’Union européenne permettra d’identifier les professionnels susceptibles de demander une reconnaissance d’accès partiel. Il s’agit d’une bonne disposition.

Ensuite, je veux rappeler que l’accès partiel ne sera pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles : les médecins, les infirmiers, les dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens. Il paraît peu fondé à mon sens de penser que la mise en place de ce dispositif déstabiliserait l’ensemble de notre système de santé.

Enfin, si la question du défaut de transposition ne doit pas être déterminante, elle n’en reste pas moins importante. La directive européenne, modifiant une directive de 2005, a été signée en 2013 pour une entrée en vigueur en 2014. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoyait sa transcription par une ordonnance. Elle aurait dû figurer dans notre droit interne depuis le 18 janvier 2016. Nous tardons. À cet égard, le 7 décembre dernier, la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France en raison du manquement à l’obligation de notifier la transposition complète de la directive, avec une demande d’astreinte journalière de plus de 53 000 euros d’après les chiffres dont je dispose – j’espère qu’ils correspondent à ceux que vous avez cités.

Mes chers collègues, la finalité même de la construction européenne est de permettre la libre circulation des hommes. Elle a pour corollaire la liberté d’installation.

Rien ne devrait, en principe, nourrir notre opposition à la présente ordonnance puisqu’il s’agit d’autoriser l’exercice de professions médicales et paramédicales par des ressortissants de l’Union européenne, sous réserve, bien entendu, du contrôle des compétences. C’est à ce titre que nombre de professions médicales bénéficient d’ores et déjà d’un régime de reconnaissance automatique des diplômes.

Le manque de formation des professionnels concernés a été mis en avant. Cette objection paraît peu justifiée lorsque, dans le même temps, il est affirmé que, parmi les conditions sine qua non de l’autorisation, figure l’exigence de vérification des qualifications.

On a également laissé entendre que la délimitation entre les pratiques serait difficile à caractériser. Pourtant, il est explicitement précisé, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, madame la ministre, que l’autorisation ne peut intéresser que des activités objectivement séparables.

Enfin, une garantie forte est apportée : l’examen au cas par cas permettra toujours de distinguer ce qui peut, le cas échéant, porter atteinte à l’intérêt général en matière de santé publique. Vous nous avez assurés, madame la ministre, de votre vigilance quant aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé. Une raison impérieuse d’intérêt général tirée du risque encouru en matière de qualité et de sécurité des prises en charge devra être invoquée chaque fois que les circonstances l’exigeront. Le succès du dispositif et la confiance des Français en leur système de santé en dépendent.

Dans ce cadre, ces ordonnances, peu contraignantes, ne doivent pas susciter d’inquiétudes. La directive laisse à chaque pays un large pouvoir d’appréciation. Pourquoi, dès lors, courir le risque d’une sanction de l’Union européenne par un inopportun refus de ratification ?

L’idée que nous nous faisons d’une Europe ouverte à la libre circulation des hommes, conjuguée à notre attachement à la qualité de notre système de santé, invite à suivre la proposition du Gouvernement, en application de la directive et de la loi de modernisation du système de santé mise en œuvre par le gouvernement précédent. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas d’accord avec la version du projet de loi issue des travaux de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Madame la présidente, madame la ministre, nous sommes aujourd’hui de nouveau saisis de l’examen de deux ordonnances à la suite du « non-choix » de notre assemblée à l’automne dernier.

En décembre 2017, l’échec de la commission mixte paritaire a conduit la France à un défaut de transposition d’une directive européenne en droit français. C’est une situation des plus graves sur laquelle nous sommes appelés à statuer rapidement.

La Commission européenne a en effet saisi, le 7 décembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours en manquement contre la France. La Commission a même demandé qu’une astreinte journalière de 53 287 euros nous soit infligée pour retard dans la transposition du droit européen en matière de reconnaissance des qualifications.

En première lecture, soulevant une inquiétude des professionnels de santé, nos collègues de la commission des affaires sociales ont proposé la suppression « sèche » de cette mesure d’accès partiel aux professions de santé. Je me dois de vous dire que le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’interroge également sur la pertinence et les conditions de mise en œuvre de ce dispositif, et surtout sur ses conséquences.

Si le dispositif d’accès partiel manque d’évaluation préalable et nourrit de fortes appréhensions, il reste que cette question relève d’une dérogation à un mécanisme déjà fort complexe. À ce jour, les professionnels de santé étrangers bénéficient déjà d’une reconnaissance automatique de leurs titres de formation, et cet outil d’accès partiel s’adresse aux praticiens ne trouvant pas d’équivalent dans leur pays d’accueil. Ce dispositif s’inscrira, enfin, dans le cadre d’une étude au cas par cas, avec de strictes conditions cumulatives sur la qualification dans le pays d’origine ou la séparation objective des activités.

Mes chers collègues, notre groupe juge qu’une solution intermédiaire est aujourd’hui envisageable. Nous ne pouvons pas nous résoudre à transposer une directive par seule obligation légale : il convient tout de même d’y réfléchir ! Il faut que la transposition se fasse dans le cadre d’un dialogue apaisé avec les professionnels de santé et leurs représentants. N’oublions pas que la qualité du secteur médical et, bien évidemment, la santé des Français doivent seules guider nos décisions.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’amendement déposé par Mme la rapporteur, notre collègue Corinne Imbert, visant à ratifier les dispositions relatives à la reconnaissance des qualifications professionnelles, à l’exception de celles mettant en place l’accès partiel à l’exercice d’une profession médicale ou paramédicale en France.

L’Allemagne offre en effet un exemple à suivre sur cette question de l’accès partiel. Elle exclut a priori des professions de santé de ce dispositif : médecins, infirmiers responsables de soins généraux, praticiens de l’art dentaire, sages-femmes et pharmaciens. Cette position n’est pas sans danger, puisque Berlin s’expose à des risques de recours pour mesures discriminatoires, mais elle offre une solution intermédiaire et temporaire à la problématique d’une transposition d’une mesure insuffisamment discutée avec les professionnels de la santé.

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, refuser « de manière sèche » l’adoption des mesures de transposition de la directive européenne, c’était faire un pas de plus vers le recours en manquement. Agissons avec raison et sachons trouver un compromis entre respect des obligations européennes et écoute des professionnels français de la santé.

M. Michel Canevet applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, après l’échec de la commission mixte paritaire, nous examinons, en nouvelle lecture, le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Ce texte aborde des sujets totalement distincts à travers deux articles.

Le premier est relatif à la reconnaissance de la profession de physicien médical comme profession de santé. Il s’agit de mieux définir la responsabilité de ces professionnels dans la prise en charge du patient au sein de l’équipe de soins, et de reconnaître leur rôle dans la qualité et la sécurité de cette prise en charge. Nous soutenons cette avancée qui répond à une attente forte des professionnels concernés, et à une double exigence de sécurité et de qualité des prises en charge des patients.

Cette double exigence, nous regrettons de ne pas la retrouver à l’article 2, relatif à l’accès partiel des ressortissants européens aux professions médicales et paramédicales.

Comme je l’avais précisé en première lecture, nous ne remettons pas en cause la totalité de cette ordonnance de transposition. Nous approuvons la mise en place d’une carte professionnelle européenne ou encore l’instauration d’un mécanisme d’alerte à l’échelle communautaire dont l’objectif est de garantir la sécurité des patients.

En revanche, la mise en place d’un accès partiel qui permettrait aux professionnels de santé européens d’exercer en France, sous certaines conditions, et seulement pour une partie du champ d’exercice, ne nous satisfait pas.

De nombreuses questions restent sans réponse. Quelles professions seront concernées ? Quel est le nombre de professionnels susceptibles de venir dans notre pays ? Quelles seront les conséquences sur l’organisation de notre système de soins ?

Comment ne pas voir que ce dispositif fera le jeu de certaines plateformes ? Comment ne pas comprendre que cela signera une nouvelle étape dans le démembrement de plusieurs professions et ouvrira largement la voie à la banalisation de soins low cost ?

Nous pensons donc qu’il existe un risque majeur pour l’organisation de notre système de santé et pour la qualité des soins aux patients.

Il faut bien mesurer les effets de ce texte. Les infirmiers français sont, aujourd’hui, obligés de détenir toutes les compétences inscrites au référentiel du diplôme d’État. À défaut, ils peuvent faire l’objet d’une procédure de contrôle de l’insuffisance professionnelle entraînant une suspension, voire une interdiction d’exercer comme infirmier. Pourquoi les titulaires de diplômes étrangers échapperaient-ils à ce contrôle ? Dans ce contexte, quel sens aura la volonté d’intégrer la profession d’infirmier dans le processus licence-master-doctorat, ou LMD ?

Nous sommes convaincus que cet accès partiel aux professions de santé va à l’encontre tant de l’élévation de la qualification des professionnels médicaux et paramédicaux que du développement des coopérations interprofessionnelles.

Enfin, nous ne pouvons pas nous contenter d’un argument juridique sur cette question. La sécurité des patients doit être notre seule priorité.

Aujourd’hui, quatorze pays européens n’ont pas transposé cette directive. Madame la ministre, nous vous avions demandé de retourner vers l’Union européenne et de négocier. Vous faites le choix d’imposer la transposition de cette directive sans tenir compte de l’avis unanime des professions de santé.

Une fois de plus, nos concitoyens auront le sentiment de « subir l’Europe ». Faire vivre le projet européen comme une somme de contraintes ne fera qu’encourager les eurosceptiques, ce que je déplore.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains suivra l’avis de notre collègue Corinne Imbert, dont je tiens à saluer le travail approfondi sur ce texte, et votera le texte de la commission des affaires sociales.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. –

Non modifié

II. – La section 3 du chapitre II du titre préliminaire du livre préliminaire de la quatrième partie du code de la santé publique est abrogée.

III. – À l’article L. 1132-6-1 du code de la santé publique, les références : « de l’article L. 4002-1 et des articles L. 4002-3 à L. 4002-7 » sont remplacées par les références : « des articles L. 4002-1 et L. 4002-7 ».

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-48 du 19 janvier 2017 relative à la profession de physicien médical et l’ordonnance n° 2017-50 du 19 janvier 2017 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 30 janvier 2018, à quatorze heures trente et le soir :

Proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux (717, 2016-2017) ;

Rapport de M. Didier Mandelli, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (243, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 244, 2017-2018).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.

La Réunion administrative des sénateurs non-inscrits a présenté une candidature pour la commission des affaires européennes.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : Mme Claudine Kauffmann est membre de la commission des affaires européennes, en remplacement de Mme Christine Herzog.