Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 25 janvier 2018 à 14h30
Physicien médical et qualifications professionnelles — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer une nouvelle fois sur le projet de loi de ratification d’ordonnances rédigées en application de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, votée sur l’initiative de la précédente ministre de la santé que nous avions, à l’époque, soutenue dans sa démarche. L’attitude de mon groupe s’inscrit aujourd’hui dans le prolongement de ce positionnement.

La première ordonnance, qui porte sur la reconnaissance de la profession de physicien médical, a fait l’objet d’une approbation unanime. La discussion concerne aujourd’hui la deuxième ordonnance, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé. Elle transpose, en droit interne, trois dispositifs mis en place par une directive européenne de 2013 : la carte professionnelle européenne, le mécanisme d’alerte et l’accès partiel.

Les deux premiers dispositifs ne sont guère contestés. Ils constituent des avancées importantes en matière de coopération entre États membres.

La carte professionnelle facilite la reconnaissance des qualifications professionnelles dans un autre pays de l’Union européenne par voie électronique. Cette nouvelle procédure est plus commode et transparente que les procédures classiques de reconnaissance des qualifications.

Le mécanisme d’alerte favorise la diffusion, à l’échelle européenne, de signalements de professionnels de santé qui n’auraient pas le droit d’exercer dans leur État d’origine. C’est un indéniable progrès pour la sécurité des patients dans l’Union européenne.

Supprimé par le Sénat, puis rétabli par l’Assemblée nationale, l’accès partiel aux professions de santé suscite davantage d’interrogations et d’inquiétudes, comme nous le constatons depuis de début de cette discussion.

Accorder l’accès partiel aux professions médicales et paramédicales revient à conférer à un professionnel de santé étranger le droit de s’installer en France pour y pratiquer, de manière partielle, une activité.

Trois remarques préalables me paraissent devoir être formulées.

D’abord, madame la ministre, la saisine de la Commission européenne, que vous avez évoquée, en vue d’obtenir une cartographie des professions de santé dans l’Union européenne permettra d’identifier les professionnels susceptibles de demander une reconnaissance d’accès partiel. Il s’agit d’une bonne disposition.

Ensuite, je veux rappeler que l’accès partiel ne sera pas applicable aux professionnels qui remplissent les conditions requises pour bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications professionnelles : les médecins, les infirmiers, les dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens. Il paraît peu fondé à mon sens de penser que la mise en place de ce dispositif déstabiliserait l’ensemble de notre système de santé.

Enfin, si la question du défaut de transposition ne doit pas être déterminante, elle n’en reste pas moins importante. La directive européenne, modifiant une directive de 2005, a été signée en 2013 pour une entrée en vigueur en 2014. La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé prévoyait sa transcription par une ordonnance. Elle aurait dû figurer dans notre droit interne depuis le 18 janvier 2016. Nous tardons. À cet égard, le 7 décembre dernier, la Commission européenne a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France en raison du manquement à l’obligation de notifier la transposition complète de la directive, avec une demande d’astreinte journalière de plus de 53 000 euros d’après les chiffres dont je dispose – j’espère qu’ils correspondent à ceux que vous avez cités.

Mes chers collègues, la finalité même de la construction européenne est de permettre la libre circulation des hommes. Elle a pour corollaire la liberté d’installation.

Rien ne devrait, en principe, nourrir notre opposition à la présente ordonnance puisqu’il s’agit d’autoriser l’exercice de professions médicales et paramédicales par des ressortissants de l’Union européenne, sous réserve, bien entendu, du contrôle des compétences. C’est à ce titre que nombre de professions médicales bénéficient d’ores et déjà d’un régime de reconnaissance automatique des diplômes.

Le manque de formation des professionnels concernés a été mis en avant. Cette objection paraît peu justifiée lorsque, dans le même temps, il est affirmé que, parmi les conditions sine qua non de l’autorisation, figure l’exigence de vérification des qualifications.

On a également laissé entendre que la délimitation entre les pratiques serait difficile à caractériser. Pourtant, il est explicitement précisé, comme vous l’avez souligné tout à l’heure, madame la ministre, que l’autorisation ne peut intéresser que des activités objectivement séparables.

Enfin, une garantie forte est apportée : l’examen au cas par cas permettra toujours de distinguer ce qui peut, le cas échéant, porter atteinte à l’intérêt général en matière de santé publique. Vous nous avez assurés, madame la ministre, de votre vigilance quant aux conditions de déploiement de l’accès partiel au sein de notre système de santé. Une raison impérieuse d’intérêt général tirée du risque encouru en matière de qualité et de sécurité des prises en charge devra être invoquée chaque fois que les circonstances l’exigeront. Le succès du dispositif et la confiance des Français en leur système de santé en dépendent.

Dans ce cadre, ces ordonnances, peu contraignantes, ne doivent pas susciter d’inquiétudes. La directive laisse à chaque pays un large pouvoir d’appréciation. Pourquoi, dès lors, courir le risque d’une sanction de l’Union européenne par un inopportun refus de ratification ?

L’idée que nous nous faisons d’une Europe ouverte à la libre circulation des hommes, conjuguée à notre attachement à la qualité de notre système de santé, invite à suivre la proposition du Gouvernement, en application de la directive et de la loi de modernisation du système de santé mise en œuvre par le gouvernement précédent. Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas d’accord avec la version du projet de loi issue des travaux de la commission des affaires sociales.

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