Intervention de Éric Gold

Réunion du 31 janvier 2018 à 21h30
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric GoldÉric Gold :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce soir nous place devant la question de la prise en charge des risques individuels par la société, sous l’angle spécifique de la pratique des sports de nature.

De nos jours, ces activités progressent en nombre et rassemblent beaucoup d’adeptes, y compris sur ces travées. À titre d’exemple, la Fédération française de randonnée pédestre compte 242 000 adhérents et la Fédération française de la montagne et de l’escalade quelque 96 000. Plus de trois Français sur quatre de plus de quinze ans déclarent pratiquer régulièrement une activité de pleine nature.

Les auteurs de la proposition de loi l’ont souligné, il s’agit également d’un facteur majeur d’attractivité, encouragé par la loi, pour bon nombre de nos territoires. Sur les territoires de montagne en particulier, la loi du 9 janvier 1985 permet de limiter le droit de propriété au nom de l’activité sportive, l’objectif étant de favoriser le développement du tourisme.

Cependant, le développement de ces activités n’est pas sans causer certaines difficultés.

En premier lieu, et c’est l’objet de cette proposition de loi, il existe une difficulté juridique liée à la mise en cause de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites naturels en cas d’accidents.

La pluralité des situations juridiques s’appliquant à la pratique des sports de nature ne facilite pas l’analyse, selon qu’il s’agisse de pratiques encadrées par une association ou une entreprise ou d’une pratique « sauvage » et selon l’état des relations entre le propriétaire du site naturel, public ou privé, et son gestionnaire.

Lorsque ces activités sont dangereuses, elles devraient faire l’objet d’un encadrement minimal, ce qui n’est d’ailleurs pas contraire à l’objectif de dynamiser le tissu économique rural. En conséquence, les activités sportives « sauvages » pratiquées hors des périmètres balisés par le propriétaire ou le gestionnaire des sites régulièrement désigné par le propriétaire devraient plutôt engager la responsabilité des sportifs concernés.

Si je prends l’exemple du département que je connais le mieux, celui du Puy-de-Dôme, où les volcans de la chaîne des Puys sont dans leur quasi-totalité des espaces privés, comment des propriétaires pourraient-ils courir un risque juridique démesuré alors qu’ils offrent leurs parcelles aux activités de nature, sans que la fréquentation soit réellement maîtrisable ? L’engouement pour les sports de nature accroît considérablement la pression sur eux qui, dans nombre de cas, n’ont parfois pas consenti à y accueillir du public.

Le régime actuel de responsabilité sans faute pourrait, en outre, se révéler très coûteux pour les gardiens de sites naturels, comme dans le cas de l’exemple retenu par Bruno Retailleau et ses collègues, si leur responsabilité devait être systématiquement recherchée devant les tribunaux après chaque accident.

C’est pourquoi il est utile aujourd’hui de s’interroger sur une évolution du régime de responsabilité. Comme l’ont déjà souligné certains membres de la commission des lois, il s’agit d’ailleurs plus d’une conséquence de l’aversion au risque de notre société et de logiques assurantielles sous-jacentes que de la volonté des pratiquants de ces sports extrêmes, familiers de la prise de risque.

Il est donc nécessaire de parvenir à une rédaction équilibrée, qui ne limite pas la pratique des sports de nature, pas plus qu’elle ne déresponsabilise les propriétaires ou gestionnaires de sites naturels, ni les pratiquants de telles activités sportives. Utiliser un espace à des fins de loisirs est un droit qui doit s’accompagner de devoirs, le premier étant de respecter la propriété d’autrui, en étant responsable de ses actes et en faisant preuve de prudence. De ce point de vue, la rédaction proposée par le Gouvernement offre un bon compromis, que nous soutiendrons.

En second lieu, cette discussion ne doit pas occulter une autre responsabilité collective liée à la pratique des sports de nature et des activités de plein air. L’adaptation du droit de la responsabilité des propriétaires et des gestionnaires de sites ouverts au public ne doit pas s’appréhender aux dépens de la nécessaire préservation de ces espaces, déjà fragiles par nature et parfois mis à rude épreuve par les pratiques sportives. Sur ce sujet, la responsabilité des gestionnaires de sites ne doit pas être totalement exonérée. Il y va de la pérennité de ces espaces et de notre capacité à les transmettre aux générations futures. Un meilleur partage des responsabilités doit être trouvé.

Enfin, un partenariat avec les propriétaires est nécessaire pour permettre une meilleure signalétique et une meilleure information des usagers. Le soutien à l’attractivité des territoires et au développement de cette économie touristique passe par l’accompagnement des gardiens de sites naturels.

Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, le groupe du RDSE votera en faveur de cette proposition de loi.

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