Intervention de André Reichardt

Réunion du 31 janvier 2018 à 21h30
Responsabilité des propriétaires ou des gestionnaires de sites naturels ouverts au public — Article additionnel avant l'article 1er, amendement 3

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Je veux tout d’abord rendre hommage à Jérôme Bignon, pour sa volonté de trouver une solution à une situation qui, il le rappelait tout à l’heure dans la discussion générale, est complexe.

Toutefois, je veux aussi le rassurer tout de suite en lui indiquant que, très clairement, l’objectif que ses cosignataires et lui-même visent, au travers de ces amendements, est satisfait par le texte de la commission des lois. Je vais tâcher de lui expliquer en quoi.

Le premier alinéa de l’amendement n° 3 – mes chers collègues, je vous prie de m’excuser par avance si je suis un peu long – tend à rétablir la proposition de loi dans sa version initiale. La commission n’est pas favorable au rétablissement de l’article unique de la proposition de loi, pour les raisons qui l’ont conduite à en proposer une nouvelle rédaction.

Le troisième alinéa de cet amendement vise à dupliquer cette rédaction, en remplaçant les termes « sites naturels » par les termes « espaces naturels ouverts au public ». La commission a considéré que ce troisième alinéa, dupliquant le premier, encourait les mêmes critiques, et elle n’y est donc pas favorable.

Quant au deuxième alinéa, il tend à rétablir le texte de l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement, mais seulement pour la responsabilité administrative.

Cette disposition invite ainsi le juge administratif à prendre en compte les particularités des espaces naturels énumérés pour apprécier la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de ceux-ci. Elle est donc dénuée de portée normative réelle, puisqu’il ne s’agit, cher Jérôme Bignon, que d’une invitation adressée au juge. Or c’est bien le rôle du juge que d’apprécier, pour chaque contentieux, les circonstances de l’espèce ; le législateur n’a pas besoin de l’inviter à le faire…

Par ailleurs, ce troisième alinéa n’est pas adapté à la responsabilité administrative, qui obéit à des règles particulières. Initialement, cette disposition du code de l’environnement avait été créée pour atténuer la rigueur du régime de responsabilité civile du fait des choses ; puisque ce régime de responsabilité sera écarté, cette disposition n’aura plus lieu d’être.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Il en va de même pour l’amendement n° 2, qui tend à introduire dans le code de l’environnement des dispositions un peu différentes de celles qui étaient prévues par la proposition de loi dans sa version initiale. Cette fois, le dispositif de responsabilité pour faute, introduit au début de l’article L. 365-1, concernerait, de manière générale, non seulement les espaces naturels ouverts au public, mais encore une liste de sites particuliers, énumérés pour la plupart dans l’actuel article L. 365-1 du code de l’environnement.

Cette rédaction pose plusieurs difficultés. En premier lieu, les deux alinéas du dispositif proposé s’articulent mal entre eux ; ils répètent la même chose, avec des termes un peu différents, ce qui rend le dispositif peu compréhensible. Ils me semblent donc contraires aux objectifs de clarté et d’intelligibilité de la loi.

En second lieu, cette rédaction, par l’imprécision des termes utilisés, encourt les mêmes critiques que celles qui ont été formulées à l’encontre de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.

Par ailleurs, cette rédaction va bien plus loin que l’objectif des auteurs de la proposition de loi – favoriser le développement des sports de nature et des activités de loisirs de plein air qui se déroulent dans le domaine privé des personnes publiques ou privées –, puisqu’elle pose un principe général d’exonération de responsabilité civile et administrative des propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels, hors les cas d’une faute.

J’insiste sur les mots « et administrative », car cette disposition engloberait les accidents survenus dans le domaine public des personnes publiques, qui sont actuellement soumis au droit administratif. Cela entraînerait donc un transfert, à mon sens excessif, de la charge de la responsabilité de la personne publique vers la victime, laquelle bénéficie aujourd’hui, dans ces hypothèses, de certaines présomptions, comme celle du défaut d’entretien normal de l’espace public par la personne publique.

Pour ces raisons, cher Jérôme Bignon, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; sinon, je serais amené à formuler un avis défavorable.

Enfin, l’amendement n° 1 vise simplement à rétablir le texte de la proposition de loi dans sa version initiale. Pour les raisons très juridiques que j’ai déjà évoquées, la commission a proposé une nouvelle rédaction du texte. Celle-ci porte sur le régime de responsabilité civile, sur les espaces naturels, dont la liste n’est pas donnée, ou encore sur la notion de propriétaire et de gestionnaire, qui écartait les locataires – nous avons donc préféré le terme de gardien.

Là encore, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion