Je vais vous brosser le parcours des quelques années passées, et puis je vais vous présenter la feuille de route que pourrait suivre Bpifrance, feuille de route préparée avec les membres de mon conseil d'administration.
Il y cinq ans, lorsque je me suis présenté devant vous, ma première tâche allait consister à fusionner des entités qui ne se parlaient et ne s'appréciaient guère. En dehors d'Oséo, elles se préoccupaient peu de leurs clients. Il y avait à l'époque CDC Entreprises et le fonds stratégique d'investissement (FSI), créé quelques années plus tôt. Chacune avait son histoire, son identité. De ce râteau, nous avons fait un oeuf. Aujourd'hui, chacun partage la même culture autour de valeurs qui sont le fondement même de nos produits et de nos actions.
Première valeur, l'optimisme : aujourd'hui, tout le monde est optimiste, mais durant l'hiver 2012-2013, ce n'était pas le cas et nous étions bien seuls. Deuxième valeur, la volonté. Nous avons lancé une campagne de publicité ce mois-ci avec, comme slogan, « Liberté, égalité, volonté ». Les deux dernières valeurs sont la simplicité et la proximité. Ces quatre valeurs nous ont accompagnés durant cinq années.
Le produit net bancaire de Bpifrance a été multiplié par 2,5 en cinq ans et les effectifs ont cru de 30 %, en tenant compte de l'apport des effectifs de la Coface qui nous a rejoints début 2017.
Le volume annuel de crédits à l'investissement et de crédits court terme aux entrepreneurs est passé de 8 milliards à 16 milliards d'euros. Le financement de l'innovation est passé de 600 millions à 1,3 milliard d'euros par an, grâce au déploiement des deuxième et troisième programmes d'investissements d'avenir (PIA 2 et PIA 3), dont nous sommes le premier opérateur. Certaines activités n'existaient pas comme le financement de l'export que nous avons lancé au début de 2013, avec l'impulsion de Nicole Bricq qui était à l'époque ministre du commerce extérieur. Aujourd'hui, Bpifrance est la banque publique de l'export, des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises. Au travers des activités d'assurance-crédit, nous sommes une grande institution financière pour les entreprises du CAC 40 exportatrices. Nous proposons des prêts sans garantie, des crédits acheteur, des crédits fournisseur, des cautions, des assurances contre le risque de change, ce qu'Oséo ne faisait quasiment pas. Cette activité de financement de l'export a été multipliée par dix depuis 2013 et ce n'est qu'un début car les montants restent relativement modestes - 1 milliard d'euros - à comparer avec l'ampleur du déficit du commerce extérieur. Nous allons donc pousser les feux en la matière.
En 2013, il n'était pas question pour une banque comme la nôtre de faire autre chose que de proposer des produits financiers à des entrepreneurs. Mais très tôt, nous avons dit que Bpifrance serait un réseau social d'entrepreneurs avec une banque accompagnatrice. Nous voulions développer le coaching, notre présence humaine, la mise en relation entre les entreprises et à l'étranger... L'accompagnement est devenu un nouveau métier du groupe. En 2017, nous avons mené 7 500 missions d'accompagnement en entreprises, avec beaucoup de missions de conseil et de formation : Bpifrance Université a pris son élan. Il y a eu aussi de nombreux évènements, de missions à l'étranger et, à l'avenir, nous entendons développer des écoles pour entrepreneurs dans la force de l'âge dans les secteurs matures. Nous les appelons les accélérateurs de Bpifrance. En 2017, nous avions environ 400 entreprises en accélérateur et d'ici trois ans, nous entendons faire passer 4 000 entreprises dans ces centres cogérés par les régions. Je les compare à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) qui est dédié à la préparation des sportifs aux Jeux olympiques. Nous mettons sur pied des Insep pour les entrepreneurs en leur disant qu'ils peuvent gagner des médailles olympiques mais qu'ils doivent se préparer sérieusement avec nous.
Nous sommes tous convaincus de l'importance de la French Tech : Bpifrance doit donner aux jeunes entrepreneurs les moyens de changer la France, grâce à ses aides à l'innovation, à ses prêts d'amorçage, au capital-amorçage et au capital-risque. Toute une génération de jeunes Français a pris son élan : nous financions environ 3 000 entreprises innovantes en 2013 ; aujourd'hui, nous en finançons 6 000.
Nous proposons aussi une autre manière de faire notre métier de banquier. Dans les années 1960, la banque de quartier avait une grande proximité avec l'entrepreneur. Mais elle est devenue progressivement plus verticale, plus centralisée et l'intimité avec le client a fondu comme neige au soleil. Bpifrance a montré qu'il était tout à fait possible d'être à la fois une grande banque régulée par la Banque centrale européenne (BCE) - nous sommes une des douze première banques françaises et nous avons d'excellents ratios - et une banque de médecins de campagne, une banque nomade qui ne souhaite qu'une chose, permettre à l'entrepreneur de rêver grand. Nous aimons que les entrepreneurs prennent des risques et nous trouvons, d'ailleurs, qu'ils n'en prennent pas assez. Nous pouvons à la fois respecter les canons de l'union bancaire européenne tout en étant très proches de nos clients. Une des grandes forces des ETI allemandes, c'est d'avoir à leur côté des banques affiliées (hausbank). Or, celles-ci sont fort peu régulées par la BCE, ce qui leur donne un avantage certain par rapport au réseau bancaire français.
Les mots clés des cinq dernières années sont : croissance, culture d'entreprise, innovation, accompagnement, relance de l'investissement, pensée positive pour les entrepreneurs.
Dans les années à venir, nous allons poursuivre en ce sens en tenant compte de la reprise économique. De nombreuses banques se sont intéressées à notre mode de fonctionnement et certaines s'en inspirent en finançant l'innovation et en décentralisant les décisions. Bpifrance n'a plus besoin de pousser les feux en volumétrie de crédits. J'annoncerai demain que nos crédits à l'investissement ont augmenté de 6 % en 2017 et, pour 2018, ce taux sera de 2 % à 3 %. Cette croissance suffit à maintenir notre influence sur le marché bancaire français. En revanche, nos priorités sont l'export et l'international. Nous comptons une dizaine de salariés pour ce secteur et nous n'envisageons pas d'en accroître le nombre car il existe déjà de grands réseaux à l'international comme l'Agence française de développement (AFD), Business France et Proparco. En revanche, nous continuerons à accompagner au quotidien les entrepreneurs français pour qu'ils puissent se déployer à l'international.
Dans les mois qui viennent, nous allons sans doute ouvrir des crédits acheteurs sur l'Iran. Les banques françaises n'ont pas voulu financer des entreprises françaises ou des acheteurs étrangers de biens d'équipement français en Iran car elles sont toutes personnalités américaines, au sens juridique du terme, et donc elles courent le risque de l'extraterritorialité américaine. Bpifrance est en discussion avec les autorités bancaires et financières iraniennes et américaines pour avancer sur ce dossier. Un marché de 1,5 milliard d'euros pour un pipeline a déjà été conclu. Lorsque Bpifrance déploiera son activité en Iran, sans doute à la fin du printemps, il deviendra évident qu'elle est la banque publique de l'export.
Bpifrance est également devenue la grande banque du financement de la transition énergétique. En 2017, les crédits dédiés à cette transition se sont accrus de 34 % et le mouvement va se poursuivre. Nous finançons aussi l'innovation et les fonds propres puisque nous sommes au capital de la plupart des grands développeurs français.
Dans les prochaines années, nous serons également attentifs aux territoires : nous avons déployé de nouvelles agences depuis cinq ans à La Roche-sur-Yon, à Avignon, à Bourg-en-Bresse, à Compiègne et Troyes. À chaque fois, nous découvrons des écosystèmes entrepreneuriaux extrêmement riches et dynamiques. Nous continuerons à nous déployer sur le terrain. Nous voyons environ 100 000 clients par an : nos chargés d'affaires sont en permanence sur la route pour rencontrer les chefs d'entreprise et ils doivent en voir entre 120 à 130 chaque année. Nous sommes en discussion avec l'État pour voir comment développer notre présence dans les quartiers. Le Président de la République a prononcé un discours dans lequel il a parlé de « Bpi des quartiers ». Nous développerons donc certainement nos actions.
L'accompagnement est également essentiel. Dans trois ans, nous devrions avoir des écoles dans toutes les métropoles de France. Nous avons contracté avec une petite douzaine de conseils régionaux pour créer des accélérateurs de PME et d'ETI et nous signerons avec toutes les régions, ainsi qu'avec les grandes filières industrielles comme le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas). Nous voulons permettre à nos clients d'accumuler suffisamment de force pour traverser le cycle qui s'annonce. Le capital financier ne suffira pas. Lors du retournement du cycle qui pourrait se produire dans trois ans, nos clients devront pouvoir l'affronter.
Autre domaine important ; la French Fab, équivalent pour l'industrie de la French Tech qui fut un étendard français. L'industrie française reste importante, même si elle est entrée dans l'ombre et dans une spirale d'auto-dévalorisation. Pour relancer l'industrie, les chefs d'entreprise doivent d'abord appartenir à une tribu positive : c'est la French Fab.
Avec ces quelques mots clés, vous détenez la feuille de route de Bpifrance pour les années à venir.