Intervention de Nicolas Dufourcq

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 janvier 2018 à 9h05
Article 13 de la constitution — Audition de M. Nicolas duFourcq candidat proposé par le président de la république aux fonctions de directeur général de la société anonyme bpifrance

Nicolas Dufourcq, candidat aux fonctions de directeur général de la société anonyme Bpifrance :

Le fonds innovation, doté de 10 milliards d'euros, va engendrer chaque année environ 260 millions de rendement. Ce fonds sera géré par l'EPIC Bpifrance, qui porte 50 % de la participation de l'État dans Bpifrance. Il est donc au-dessus de la compagnie financière que je dirige. La commission pour l'innovation, dirigée par Jacques Lewiner, Stéphane Distinguin et Ronan Stephan, directeur scientifique de Plastic Omnium, est en train de rédiger son rapport. Nous verrons quelles seront ses propositions pour réformer le financement de l'innovation française et quelle affectation pour les fameux 260 millions d'euros.

Nous estimons que l'innovation de rupture vient des start-up : elle est bottom-up. Il existe par ailleurs des programmes verticaux lancés par de grands opérateurs. Il faut trouver l'équilibre entre l'innovation de rupture venue de l'écosystème - c'est le modèle israélien et scandinave - et les grands programmes d'innovation attribués au Centre national d'études spatiales (Cnes), au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et aux opérateurs techniques du CAC40. Nous plaidons pour que des crédits significatifs soient réservés au financement des start-up.

L'innovation de rupture ou Deep Tech vient du monde de la physique, de la mécanique, de la micro-fluidique et nécessite des transferts de technologies, contrairement au digital. La Deep Tech a besoin de brevets, de licences, de propriété intellectuelle, d'universités, de laboratoires, de centres hospitaliers universitaires (CHU)... Bpifrance va être particulièrement attentif aux transferts technologiques car la France est en retard.

La France a une chance incroyable d'avoir le PIA. L'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, le Danemark ou l'Allemagne n'en ont pas. Le PIA nous a permis de déployer des capitaux en faveur de l'innovation depuis six ans. Bpifrance verse 700 millions d'euros de subventions d'avances remboursables par an au titre du PIA. Le PIA3 va nous permettre de poursuivre en ce sens. Ces capitaux doivent être gérés au plus près des clients et non par des commissions à Paris. Nous sommes hostiles à la centralisation qui rallonge les délais et complexifie les dossiers. Nos 150 ingénieurs dans nos 50 agences régionales gèrent la relation avec les clients car les programmes de recherche changent en permanence : la flexibilité est la règle. Nous finançons aussi des prêts sans garanties sur des thèses d'innovation. Notre prêt pour l'industrie du futur est entièrement garanti par le PIA.

Nous sommes bien sûr favorables aux fonds propres. Nous considérons qu'une entreprise évolue lorsqu'elle ouvre son capital : elle ouvre les fenêtres de sa gouvernance, elle se compare et se soumet à la contradiction. Nous essayons donc de convaincre les familles d'ouvrir leur capital et d'investir plutôt dans l'outil de travail que dans l'immobilier : en trois ans, cela a été le cas pour 260 d'entre elles. Nous sommes les seuls à mener cette politique de primo-ouverture en France.

Certes, dès qu'une petite entreprise commence à obtenir des résultats, elle est rachetée par l'étranger et c'est un crève-coeur. Nous peinons à trouver de grands consolidateurs français. Ainsi, il n'en existe pas dans la filière médicale, pour la Med Tech, alors que nous sommes leader mondial en matière d'innovation en ce domaine. Toutes les Med Tech françaises sont rachetées par des entreprises américaines. D'ailleurs, il n'en existe plus en Europe. Nous demandons aux groupes américains de cofinancer l'innovation en France car il est impensable que la France continue à investir dans la recherche sans en tirer profit. Nous avons ainsi créé un fonds d'investissement dans les bio tech cofinancé par Advent à Lyon. Dans le digital, nous n'avons toujours pas réussi à créer une plateforme qui puisse racheter les start-up française. Les Gafa sont incontestablement des prédateurs : ils rachètent les entreprises françaises avant qu'elles n'aient atteint leur seuil de maturité. Nous ne disposons pas de consolidateur du digital français aujourd'hui.

La croissance économique française est plafonnée par l'inadéquation tragique entre les besoins et l'offre d'emploi. Tous les entrepreneurs nous disent qu'ils n'arrivent pas à recruter, d'où le programme du Président de la République doté de 15 milliards d'euros. Il n'existe pas de solution miracle mais arrêtons de croire que la robotique tue les emplois. Les pays qui ont le plus robotisé sont ceux où le chômage est le plus faible, car ils sont très innovants, très exportateurs, ce qui crée de la richesse et donc de l'emploi. Il va nous falloir des années pour rattraper ce retard. Le chômage structurel français sera donc par nature supérieur à celui des États-Unis, qui se situe à 3,5 %.

Je vais me pencher sur le cas d'Euler Hermes Group : s'il s'agit d'assurance-crédit privé, la situation que vous décrivez s'apparente à du protectionnisme pur et simple. Les Allemands ont une exceptionnelle capacité à se défendre, alors que les Français sont souvent d'une grande naïveté. La solidarité est une vertu.

Comment faire pour améliorer le commerce extérieur ? Il va nous falloir 20 à 30 ans pour redresser l'industrie et donc la balance commerciale. De très grandes cathédrales industrielles exportent 95 % de leur production. Nous tentons de mondialiser les PME, mais le volume reste faible. Je suis le président non exécutif de STMicroelectronics : une de ses usines, qui exporte 99 % de sa production, équivaut au volume de 1 000 PME exportatrices. À l'image d'Airbus, il nous faut créer de nouvelles cathédrales industrielles, et nous en avons la capacité. Si toutes les grandes entreprises produisant les biens du futur deviennent étrangères, nous ne redresserons pas notre commerce extérieur. Avec la Caisse des dépôts et consignations, nous savons comment financer sur 30 ans de tels empires industriels. Mais il faut beaucoup de volonté.

La ligne prévue pour l'Iran se monte à 100 millions d'euros. Très vite, il faudra plus et l'État est d'accord.

Bpifrance finance le monde agricole : nous sommes au capital de nombreuses filiales des grandes coopératives françaises. Nous les accompagnerons à l'international et donc en Iran.

Il n'est pas question de fermer l'agence de Guyane. Le passage par l'AFD n'est pas des plus simples, je vous l'accorde. Les produits de Bpifrance sont distribués outre-mer, même si la Nouvelle-Calédonie ne bénéficie pas des prêts sans garantie.

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