Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 1er février 2018 à 10h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Adoption en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je crois que la brièveté de l’intervention de notre rapporteur pourra s’appliquer à l’ensemble de notre discussion générale, car ce projet de loi revient devant nous en deuxième lecture et nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre.

Ce texte est fondamental ; toutefois, il ne réforme pas le droit des contrats de manière massive, puisque, en fait, il intègre dans le code civil toute une série de modifications apportées, au fil des années, par la jurisprudence. On le sait, celle-ci est source de droit, en particulier dans ce domaine spécifique.

Certaines dispositions de la réforme sont assez importantes pour les praticiens, notamment la disparition de la notion de cause, mais leur appropriation se fera d’autant mieux que plusieurs aspects du droit des contrats étaient souvent compliqués à expliquer, notamment pour les professeurs de droit et leurs assistants…

Avant de revenir sur le point qui reste aujourd’hui en débat, je crois que nous ne devons pas oublier l’importance de cette réforme dans la vie quotidienne de nos concitoyens ; ainsi, les évolutions des pratiques contractuelles, dont l’usage de l’électronique, qui a été un véritable bouleversement pour les praticiens, sont désormais intégrées dans le code civil.

Certes, on peut regretter, comme je l’avais déjà indiqué en première lecture, que nous n’ayons pas pu tenir davantage de débats, y compris au sein de la commission des lois, sur ces questions essentielles, mais il me semble que, en intégrant des éléments de jurisprudence, le code civil est dorénavant plus clair.

Par ailleurs, comme l’a rappelé notre rapporteur, cette ordonnance est déjà entrée en vigueur et il ne faudrait pas qu’elle soit modifiée de manière trop substantielle, au risque d’entraîner des difficultés importantes pour les praticiens, en particulier au regard de la date du contrat selon que celle-ci est antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, comprise entre cette entrée en vigueur et la ratification par le Parlement ou postérieure à cette ratification. Essayons de respecter le principe de stabilité du droit !

Reste pendant, dans nos discussions, un point symboliquement intéressant, à savoir l’article 1195 du code civil. Je rappelle que, selon l’article 1193, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. Cette notion de la force obligatoire de la volonté des parties ayant donné leur consentement est à la base du droit des contrats depuis l’adoption du code napoléonien en 1804.

Pour autant, la jurisprudence, en recherchant l’équité, a progressivement fait évoluer les choses, par exemple avec la notion de contrat d’adhésion. Je note aussi que, à la suite d’une recommandation du Conseil de l’Europe adoptée en 1976, une législation sur les clauses abusives a été introduite en France.

Ainsi, l’évolution qui est aujourd’hui proposée pourrait apparaître comme une révolution, monsieur le rapporteur, mais n’en est pas réellement une. Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’aurait pas accepté d’assumer ce risque, il peut y avoir renégociation du contrat.

Monsieur le rapporteur, vous entendez limiter les options, en ne prévoyant que sa résiliation ; or, il n’est pas forcément de l’intérêt des parties d’en arriver là. Il peut être tout à fait utile que le juge puisse, avec les parties, tenir compte de leur volonté initiale pour retrouver un équilibre, tout en s’adaptant à cette imprévision. Cela étant, les parties pourront exclure cette possibilité dans le contrat et n’y seront donc pas contraintes.

En ce qui concerne l’attractivité – sujet également évoqué par le rapporteur –, les contrats internationaux font souvent appel à l’arbitrage, en raison d’une certaine peur devant le fonctionnement de la justice. Or, à mon sens, cette procédure est encore plus dangereuse que le recours à un juge, qui va pouvoir, non pas se mêler du contrat, mais rechercher et, quelque part, interpréter la volonté des parties. Et je rappelle que la possibilité pour le juge d’interpréter la volonté des parties existe depuis 1804 et a été de plus en plus appliquée par la jurisprudence, qui a même parfois, aux yeux des praticiens, forcé le trait.

Sur ce point, nous ne pourrons pas vous suivre, monsieur le rapporteur, et nous irons dans le sens de l’amendement déposé par le Gouvernement, tout en conservant l’espoir que la commission mixte paritaire élabore un texte commun entre nos deux assemblées, afin que les praticiens sachent enfin où en est le code civil.

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