La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (projet n° 154, texte de la commission n° 248, rapport n° 247).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la garde des sceaux.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous allez aujourd’hui débattre, en deuxième lecture, du projet de loi de ratification de l’ordonnance réformant le droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Le long chemin qui a mené à la publication de cette ordonnance, qui, je le rappelle, constitue l’une des réformes les plus importantes du code civil depuis sa création en 1804, a été marqué par des échanges nourris et une forte collaboration avec les praticiens.
Cet échange fructueux s’est également noué au stade de la ratification de l’ordonnance, tant dans cet hémicycle que dans celui du Palais-Bourbon. Le Gouvernement salue à cet égard le travail accompli par le rapporteur de votre commission des lois, François Pillet, qui a su mener une analyse précise des dispositions de l’ordonnance pour en améliorer certains points, tout en faisant preuve d’un grand esprit d’ouverture et de responsabilité.
En effet, première assemblée saisie de ce texte, le Sénat, sur l’initiative de son rapporteur, a opportunément clarifié le sens de certaines dispositions de l’ordonnance, sans toutefois en modifier l’esprit.
L’Assemblée nationale, de la même manière, n’a pas remis en cause certaines de ces améliorations et n’a apporté que de rares, mais utiles, nouvelles modifications, de sorte que de nombreux points ne sont plus, aujourd’hui, en débat.
Ainsi en est-il de la consécration de la jurisprudence Baldus, qui exclut du champ de la réticence dolosive l’estimation de la valeur de la prestation, des règles relatives à la capacité des personnes morales ou aux conflits d’intérêts en matière de représentation ou encore de la définition du préjudice réparable en cas de rupture fautive des négociations.
Par ailleurs, au-delà des améliorations apportées au texte même de l’ordonnance, votre commission des lois, par ses travaux nourris, a dégagé en première lecture des lignes d’interprétation claires, notamment sur les questions d’articulation entre le droit commun et les droits spéciaux ou sur le caractère impératif ou supplétif des textes de l’ordonnance. Ces interprétations claires, confirmées par le Gouvernement, puis approuvées par l’Assemblée nationale, constitueront un guide précieux pour les praticiens, qui disposeront ainsi de travaux préparatoires enrichis.
Cette deuxième lecture s’ouvre donc, grâce à ce dialogue des chambres marqué par la volonté de tendre vers le compromis, sur un texte amélioré, dont l’équilibre et l’esprit restent fidèles à ceux que le Gouvernement a entendu lui conférer : concilier l’efficacité économique du droit et le renforcement de la justice contractuelle. Les grands équilibres sont donc respectés.
Finalement, un seul point de fond demeure en discussion, et le Gouvernement vous proposera de revenir aujourd’hui encore sur ce sujet, ainsi qu’il l’avait fait en première lecture : il s’agit des prérogatives du juge en matière d’imprévision.
En effet, alors que l’ordonnance a enfin doté le droit français d’un mécanisme permettant de prendre en compte un changement de circonstances imprévisible venu bouleverser l’économie du contrat et de restaurer l’équilibre initialement voulu par les parties, votre commission propose de revenir sur ce texte et de limiter les pouvoirs du juge saisi par une seule des parties à la seule résolution du contrat, excluant ainsi la possibilité pour le juge, saisi par une seule des parties, de réviser ce contrat.
Les objections du Sénat sont connues. Elles tiennent principalement à l’atteinte qui serait portée à la force obligatoire du contrat et à la liberté contractuelle. Le Gouvernement les avait bien évidemment à l’esprit. C’est d’ailleurs précisément pour ne pas porter à ces principes essentiels du droit des contrats une atteinte injustifiée que la possibilité ouverte par le dispositif instauré par l’ordonnance a été strictement encadrée, ainsi que j’aurai l’occasion de le rappeler lors de l’examen de l’amendement déposé par le Gouvernement.
L’incidence négative sur l’attractivité du droit français a également pu être mise en avant. Le renforcement de l’attractivité de notre droit est précisément l’un des objectifs de l’ordonnance. À cet égard, le Gouvernement a rappelé que cette disposition était supplétive, que les parties pouvaient choisir de l’écarter et que son incidence ne serait donc que limitée dans les contrats internationaux.
Le Gouvernement estime surtout que la modification proposée par votre commission ôte à ce dispositif novateur son utilité et son efficacité. En effet, il est très peu probable que des parties qui ne se seraient pas accordées sur les termes de la renégociation, voire sur la nécessité même de renégocier, décident finalement de s’accorder pour confier ce pouvoir au juge.
Le Gouvernement estime qu’il peut justement être de l’intérêt des parties de permettre au juge, dans certaines circonstances, de « laisser une dernière chance » au contrat. Il ne s’agit pas de donner au juge le pouvoir de faire le contrat, mais de l’adapter, en restaurant les équilibres initialement voulus par les parties que leurs désaccords passés ne leur permettent plus de rétablir par elles-mêmes.
S’il est évident qu’il doit pouvoir être mis fin à une relation contractuelle dont le maintien à tout prix est contraire à l’intérêt des parties, il est toutefois des cas dans lesquels la résolution du contrat ne présente, à l’inverse, d’intérêt économique pour aucune des parties, par exemple si des emplois devaient être menacés par la fin du contrat en question. C’est précisément pour cela que le juge doit, à notre sens, disposer d’une option et pouvoir, selon les circonstances, maintenir le contrat, en restaurant l’équilibre initialement voulu par les parties.
Notre tradition juridique a tendance à favoriser la survie du contrat. Permettre aux parties, puis au juge, en cas d’échec des négociations, de la favoriser ou, si les circonstances le justifient, d’y mettre fin ne fait qu’adapter cette tradition aux évolutions économiques susceptibles d’affecter les situations contractuelles. Il ne s’agit nullement de favoriser un quelconque interventionnisme judiciaire.
D’une manière générale, l’ordonnance privilégie, notamment en cas d’inexécution du contrat, des mécanismes extrajudiciaires : résolution unilatérale, réduction du prix… Cela évite aux parties le temps et le coût d’une procédure judiciaire.
Cependant, l’intervention du juge paraît indispensable lorsqu’il faut concilier la force obligatoire du contrat et une certaine forme de justice contractuelle. Votre assemblée l’a d’ailleurs bien compris, en confirmant la pertinence de l’introduction d’un mécanisme judiciaire de révision pour imprévision.
Le Gouvernement propose simplement d’aller plus loin et estime qu’il serait regrettable de ne pas donner au juge une autre option que la fin du contrat. De la même manière que le maintien de la relation contractuelle n’est pas toujours la solution idéale, sa rupture n’est pas toujours la solution économiquement la plus adaptée. Le Gouvernement est donc très attaché à ce que cette disposition emblématique et novatrice de l’ordonnance soit maintenue et que sa pleine efficacité lui soit restituée, afin de conserver à l’ordonnance l’équilibre auquel elle était, de l’avis général, parvenue.
Retrouver cet équilibre illustrerait parfaitement la qualité des échanges, dont la présente ratification a été l’occasion, ce dont, au nom du Gouvernement, je vous remercie.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Jacques Bigot et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous examinons en nouvelle lecture le projet de loi devant nous amener à ratifier l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, déjà entrée en vigueur le 1er octobre 2016, soit il y a seize mois.
Bien qu’ayant été, depuis l’origine, opposé à l’utilisation d’une ordonnance pour effectuer une réforme sur plus de 300 articles du code civil, animée par des choix politiques et ne portant pas seulement sur des aménagements techniques, le Sénat, dans un esprit de responsabilité, a choisi de ne pas engager « la réforme de la réforme ».
Lors des débats devant l’Assemblée nationale, vous avez indiqué, madame la garde des sceaux, que « le Sénat avait fait preuve de responsabilité en n’apportant au texte de l’ordonnance que de rares modifications au regard de son ampleur et en permettant, par les débats qui s’y sont déroulés, de résoudre d’éventuelles difficultés d’interprétation ». Vous venez de confirmer ce propos et je vous en remercie.
Toutefois, il n’est pas satisfaisant de devoir ratifier l’ordonnance après presque un an et demi d’application des dispositions qu’elle contient, alors même que quasiment huit mois se sont écoulés entre sa publication et son entrée en vigueur.
La prochaine révision constitutionnelle nous permettra certainement d’interdire, à l’avenir, ce genre de situation, …
Sourires.
… dont chacun admettra le caractère potentiellement néfaste sur la stabilité du droit.
Sur le fond, je reconnais que le travail accompli au sein de notre assemblée a été largement respecté par nos collègues députés, par ailleurs tenus d’examiner ce texte dans des délais très contraints. Ils se sont limités, pour l’essentiel, à examiner les modifications issues des travaux du Sénat, en n’abordant qu’un seul sujet nouveau – au demeurant utile, technique et circonscrit –, qui concernait le sort des sûretés en cas de cession de contrat et de cession de dette.
Les députés ont également validé – cela nous paraît important – les interprétations expresses que nous avions faites de certaines dispositions et qui auraient pu légitimer certaines corrections, afin qu’il ne subsiste aucune ambiguïté quant à la volonté du législateur.
La commission des lois vous propose de retenir certaines modifications effectuées par l’Assemblée nationale et d’adopter des rédactions de compromis raisonnables par rapport à celles qui ont été adoptées en première lecture.
Madame la garde des sceaux, vous avez considéré devant l’Assemblée nationale que « le Sénat a contribué à clarifier le texte de l’ordonnance, sans en modifier ni le sens ni l’esprit ». Vous avez aussi salué le « dialogue fructueux qui s’est noué depuis le début du processus de ratification ».
Je relève que ce fut encore le cas dans la poursuite du dialogue avec les représentants du ministère de la justice dans le cadre de cette seconde lecture, où nous sommes ensemble restés attentifs aux commentaires publiés par la doctrine ces dernières semaines, ainsi qu’aux travaux menés par nos deux assemblées et aux options qu’elles ont retenues.
Ainsi, sur la définition du contrat d’adhésion, laquelle conditionne la possibilité de contester le caractère abusif de certaines clauses du contrat devant le juge, le Gouvernement avait partagé l’analyse du Sénat en première lecture, ce qui ne fut pas le cas de nos collègues députés. En parfait accord entre nous, le Gouvernement a donc présenté en commission une rédaction améliorée, très proche de la rédaction du Sénat de première lecture, que nous avons pleinement approuvée.
Restent uniquement deux points de désaccord, qui sont d’inégale importance.
Tout d’abord, les dispositions relatives à la révision judiciaire pour imprévision, qui portent, à notre avis, une atteinte disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat et altèrent gravement l’image du droit français.
Ensuite, les dispositions relatives à l’application de la réforme aux contrats antérieurs, qui doivent exprimer clairement la volonté – au demeurant commune – du Gouvernement, de l’Assemblée nationale et du Sénat et qui sont notamment destinées aux juges amenés à trancher de futurs litiges.
Je vous propose de débattre de la rédaction définitive que nous retiendrons pour régler ces deux questions lors de l’examen des amendements qui y sont consacrés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – MM. Yvon Collin et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour le groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je crois que la brièveté de l’intervention de notre rapporteur pourra s’appliquer à l’ensemble de notre discussion générale, car ce projet de loi revient devant nous en deuxième lecture et nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre.
Ce texte est fondamental ; toutefois, il ne réforme pas le droit des contrats de manière massive, puisque, en fait, il intègre dans le code civil toute une série de modifications apportées, au fil des années, par la jurisprudence. On le sait, celle-ci est source de droit, en particulier dans ce domaine spécifique.
Certaines dispositions de la réforme sont assez importantes pour les praticiens, notamment la disparition de la notion de cause, mais leur appropriation se fera d’autant mieux que plusieurs aspects du droit des contrats étaient souvent compliqués à expliquer, notamment pour les professeurs de droit et leurs assistants…
Avant de revenir sur le point qui reste aujourd’hui en débat, je crois que nous ne devons pas oublier l’importance de cette réforme dans la vie quotidienne de nos concitoyens ; ainsi, les évolutions des pratiques contractuelles, dont l’usage de l’électronique, qui a été un véritable bouleversement pour les praticiens, sont désormais intégrées dans le code civil.
Certes, on peut regretter, comme je l’avais déjà indiqué en première lecture, que nous n’ayons pas pu tenir davantage de débats, y compris au sein de la commission des lois, sur ces questions essentielles, mais il me semble que, en intégrant des éléments de jurisprudence, le code civil est dorénavant plus clair.
Par ailleurs, comme l’a rappelé notre rapporteur, cette ordonnance est déjà entrée en vigueur et il ne faudrait pas qu’elle soit modifiée de manière trop substantielle, au risque d’entraîner des difficultés importantes pour les praticiens, en particulier au regard de la date du contrat selon que celle-ci est antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance, comprise entre cette entrée en vigueur et la ratification par le Parlement ou postérieure à cette ratification. Essayons de respecter le principe de stabilité du droit !
Reste pendant, dans nos discussions, un point symboliquement intéressant, à savoir l’article 1195 du code civil. Je rappelle que, selon l’article 1193, les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. Cette notion de la force obligatoire de la volonté des parties ayant donné leur consentement est à la base du droit des contrats depuis l’adoption du code napoléonien en 1804.
Pour autant, la jurisprudence, en recherchant l’équité, a progressivement fait évoluer les choses, par exemple avec la notion de contrat d’adhésion. Je note aussi que, à la suite d’une recommandation du Conseil de l’Europe adoptée en 1976, une législation sur les clauses abusives a été introduite en France.
Ainsi, l’évolution qui est aujourd’hui proposée pourrait apparaître comme une révolution, monsieur le rapporteur, mais n’en est pas réellement une. Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend son exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’aurait pas accepté d’assumer ce risque, il peut y avoir renégociation du contrat.
Monsieur le rapporteur, vous entendez limiter les options, en ne prévoyant que sa résiliation ; or, il n’est pas forcément de l’intérêt des parties d’en arriver là. Il peut être tout à fait utile que le juge puisse, avec les parties, tenir compte de leur volonté initiale pour retrouver un équilibre, tout en s’adaptant à cette imprévision. Cela étant, les parties pourront exclure cette possibilité dans le contrat et n’y seront donc pas contraintes.
En ce qui concerne l’attractivité – sujet également évoqué par le rapporteur –, les contrats internationaux font souvent appel à l’arbitrage, en raison d’une certaine peur devant le fonctionnement de la justice. Or, à mon sens, cette procédure est encore plus dangereuse que le recours à un juge, qui va pouvoir, non pas se mêler du contrat, mais rechercher et, quelque part, interpréter la volonté des parties. Et je rappelle que la possibilité pour le juge d’interpréter la volonté des parties existe depuis 1804 et a été de plus en plus appliquée par la jurisprudence, qui a même parfois, aux yeux des praticiens, forcé le trait.
Sur ce point, nous ne pourrons pas vous suivre, monsieur le rapporteur, et nous irons dans le sens de l’amendement déposé par le Gouvernement, tout en conservant l’espoir que la commission mixte paritaire élabore un texte commun entre nos deux assemblées, afin que les praticiens sachent enfin où en est le code civil.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat tout entier s’était opposé, en 2015, à ce que le Gouvernement procédât par ordonnance à la réforme la plus ambitieuse du code civil depuis 1804. Il y a plus d’un an, le 1er octobre 2016, l’ordonnance est entrée en vigueur.
Lors des travaux en commission, il est apparu particulièrement important de ne pas créer un droit intermédiaire, qui ne s’appliquerait qu’aux contrats passés entre octobre 2016 et la promulgation de la loi de ratification, afin d’éviter de faire coexister trois régimes juridiques simultanément. C’est pourquoi le rapporteur, François Pillet, dans un esprit de responsabilité, a estimé qu’il fallait ratifier l’ordonnance sans modifications majeures.
Cette réforme de grande ampleur du droit des contrats, du régime général des obligations et du régime de la preuve des obligations est nécessaire et attendue. Elle paraît largement approuvée.
Renforcer la sécurité juridique et l’attractivité du droit des contrats, le moderniser, le rendre plus lisible sans le bouleverser, l’adapter aux enjeux contemporains en considérant l’exigence d’efficacité économique et en consolidant la jurisprudence, tels sont les objectifs de cette réforme.
Si l’Assemblée nationale en première lecture a largement respecté le travail réalisé par le Sénat, des dispositions importantes restent toutefois en navette : la définition du contrat d’adhésion ; la sanction de l’abus de l’état de dépendance dans le champ contractuel ; la révision judiciaire du contrat, en cas de changement de circonstances imprévisible ; les sanctions de l’exécution imparfaite du contrat ; la faculté de se libérer d’une obligation dans une monnaie étrangère ; les règles applicables aux contrats conclus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
En deuxième lecture, la commission des lois n’est pas revenue sur les modifications apportées par l’Assemblée nationale chaque fois que cette rédaction constituait un compromis raisonnable, comme en matière de nullité pour réticence dolosive.
Si la commission des lois avait pour volonté de proposer des amendements de compromis, elle a, en revanche, souhaité maintenir la position déjà retenue en première lecture par le Sénat sur deux points : la révision judiciaire pour imprévision, qui porte une atteinte disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat et altère gravement l’image du droit français ; la question de l’application de la réforme aux contrats antérieurs.
Enfin, je souhaite, pour conclure, remercier une nouvelle fois le rapporteur de ce texte, notre collègue François Pillet, qui a effectué un travail titanesque.
Mes chers collègues, parce que notre code civil doit pouvoir refléter l’état réel du droit positif, qui a évolué sous l’œuvre de la jurisprudence et de la doctrine depuis 1804, cette réforme est nécessaire. Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera donc en faveur de la ratification de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’ordonnance soumise aujourd’hui à notre ratification est, en réalité, la queue de comète d’un long processus législatif et d’une évolution doctrinale plus longue encore, les travaux du professeur Catala ayant débuté en 2005.
Comme nous avons eu l’occasion de le constater, les dispositions de cette ordonnance, bien que parfois très techniques, concernent un grand nombre de nos concitoyens, puisqu’elles modifient des pans entiers de notre code civil qui encadre les relations contractuelles et obligataires et dont l’utilité est quotidienne.
Dans un premier temps, je souhaite saluer le travail du rapporteur, François Pillet, qui a permis de porter dans le débat public des questions jusque-là débattues uniquement au sein de la doctrine. Compte tenu de l’importance de ces dispositions dans la vie quotidienne des Français, il aurait été impensable que la Haute Assemblée donne son quitus sans examiner dans le détail les modifications codifiées.
Je ne vais pas rappeler devant vous l’ensemble des apports de ce texte fondamental, qui ont déjà été présentés en première lecture et aujourd’hui encore par vous, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur.
Sur certains sujets, ces débats ont permis de mettre en lumière l’affrontement de deux philosophies. Je pense en particulier aux dispositions relatives aux clauses abusives des contrats d’adhésion et au rôle du juge dans les relations contractuelles avec l’intégration de la théorie de l’imprévision dans le droit civil.
Sur ce dernier point, et en schématisant, il s’agit de se prémunir contre certaines situations rendant inapplicable le contrat. L’article 8 du projet de loi, introduit en première lecture par le Sénat, vise à cette fin à supprimer l’introduction du régime de l’imprévision dans le code civil au motif de garantir la « liberté contractuelle ».
L’idée de confier davantage de prérogatives au juge dans le rééquilibrage des relations contractuelles nécessitera probablement des moyens supplémentaires, ce qui n’est pas le moindre des obstacles dans le contexte budgétaire actuel. En effet, l’état de nos juridictions est tel qu’une révolution budgétaire aurait certainement plus d’impact sur l’effectivité des droits de nos concitoyens que toutes les codifications envisageables.
À ce stade avancé de l’élaboration législative, il convient cependant de souligner un paradoxe. Cette ordonnance a été prise sur le fondement de l’article 8 du projet de loi de modernisation et de simplification du droit du 16 février 2015. L’un de ses principaux objectifs était de réintroduire davantage de sécurité juridique dans les relations contractuelles.
Des contrats ont été formés sur la base des dispositions de cette ordonnance, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, et il serait malencontreux d’instiller de l’insécurité juridique, en introduisant des modifications trop grandes au cœur de la loi de ratification d’une ordonnance, justement destinée à l’effet inverse.
Sans remettre en cause le bien-fondé de la position du rapporteur sur des sujets aussi essentiels que ceux que j’évoquais à l’instant, il me paraîtrait plus raisonnable de ratifier l’ordonnance sans remettre en cause l’état du droit, d’en surveiller étroitement l’application et de proposer, le cas échéant, un retour aux dispositions antérieures, si d’importants dysfonctionnements étaient constatés par la suite.
Plusieurs de mes collègues l’ont déjà souligné, cette façon de légiférer est frustrante pour les parlementaires, dont le pouvoir d’amendement se trouve de facto limité par leur volonté pragmatique de ne pas fragiliser la situation juridique d’individus concernés par l’ordonnance. Elle est aussi gênante pour le Gouvernement, qui doit anticiper l’effet contentieux des ratifications en cas de modifications substantielles portées à l’ordonnance déjà entrée en vigueur.
J’ajoute que, contrairement à une idée reçue, le recours à l’ordonnance pour d’importantes entreprises de codification n’est pas sensiblement moins long que le recours à la procédure législative ordinaire.
À titre de comparaison, sachez que la dernière rénovation du code pénal s’était faite en six ans, depuis son dépôt au Sénat, en 1986, jusqu’à sa promulgation en 1992, ce qui représente moins de temps que celui qui a été consacré à la réforme actuelle du droit des contrats et des obligations, si l’on prend en compte le temps nécessaire à l’adoption du projet de loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances, déposé en 2013.
Dans ce contexte, compte tenu des différentes réserves que j’ai évoquées, les membres du groupe du RDSE soutiendront les amendements du Gouvernement destinés à rétablir la version initiale du texte sur les points encore litigieux, mais cela ne nous empêchera pas d’avoir un regard bienveillant sur le texte finalement voté.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà quelques semaines, l’examen en première lecture de ce texte m’avait donné l’occasion de m’exprimer pour la première fois à cette tribune, et c’est évidemment avec la même humilité, compte tenu de mon accession récente à cette fonction de parlementaire, que j’évoque ce texte.
Fruit d’une quinzaine d’années de travaux, riches de rapports, de contributions académiques, de réflexions, d’échanges nourris par la doctrine, les praticiens du droit et les acteurs économiques, ce texte a également été vertueusement enrichi par l’examen parlementaire.
Comme vous l’avez souligné, madame la garde des sceaux, ce projet de loi répond à deux objectifs principaux : la codification de la jurisprudence qui s’est développée depuis deux siècles et le renforcement de l’attractivité du droit français vis-à-vis des investisseurs étrangers en le clarifiant et l’adaptant aux enjeux des évolutions de l’économie mondialisée.
Gagner en attractivité sans renoncer à la justice contractuelle ; s’adapter aux exigences de l’économie de marché tout en protégeant les plus faibles : tel est l’esprit de ce texte, qui introduit plusieurs innovations en ce sens.
Je ne ferai qu’évoquer la définition dans le code civil d’un contrat d’adhésion et la consécration de l’annulation des clauses emportant un déséquilibre significatif dans ce type de contrat, le champ volontairement élargi de la réticence dolosive, ou encore la volonté d’étendre la sanction de la violence en cas de dépendance.
En revanche, madame la garde des sceaux, il nous reste effectivement un débat sur l’article 1195 du code civil, qui n’offre la possibilité d’adapter le contrat que lorsque celui-ci a vu son exécution rendue excessivement difficile pour l’une des parties à cause d’un changement de circonstances indépendant de la volonté des cocontractants.
Comme vous l’avez souligné, ainsi que notre collègue Jacques Bigot, ces dispositions ne nuisent pas à l’attractivité du droit français, puisqu’elles n’ont qu’un impact assez limité en matière de droit des contrats internationaux.
Vous avez précisé le rôle du juge, qui n’a pas vocation à refaire le contrat, mais, au contraire, à rétablir la relation telle qu’elle avait été envisagée par les parties initialement. On peut même presque considérer qu’il s’agit là d’un renforcement de la volonté des parties et d’un retour au contrat. Vous avez enfin explicité l’ensemble des aspects qui permettent d’envisager l’adoption de l’amendement que vous présenterez lors de la discussion des articles.
Tel est l’esprit qui a prévalu lors de nos travaux. À cet égard, je rends hommage à la responsabilité de la Haute Assemblée, qui, in fine, n’a apporté que de rares modifications au regard de l’ampleur de la réforme, qui porte sur plus de 300 articles du code civil, et qui a su, en première lecture, œuvrer pour de véritables clarifications.
C’est dans le même esprit de responsabilité que la commission des lois du Sénat, en seconde lecture, a cherché avant tout une position de compromis sur les principaux points divergents. Il en est ainsi, monsieur le rapporteur, du choix fait de ne pas définir l’abus de dépendance comme relevant uniquement du domaine économique, mais de préciser qu’il n’est pas applicable à un tiers.
Comme je l’ai rappelé, le Gouvernement lui-même s’est montré à l’écoute de nos travaux, puisqu’il a réintroduit une définition du contrat d’adhésion plus proche du sens que lui avait donné le Sénat, à savoir celle d’un contrat qui « comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». C’est une voie médiane qui a été empruntée et qui permet le compromis sur un texte équilibré auquel chacun a pu contribuer. Désormais, il nous semble que la ratification s’impose.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je réitère tout d’abord mes félicitations à notre rapporteur pour son travail approfondi, ses efforts de synthèse et son choix de toucher le moins possible au droit spécifique résultant de la mise en application de l’ordonnance avant sa ratification, ce qui revient d’ailleurs à mettre le Parlement devant le fait accompli…
Constatons que ce qui devait rester exceptionnel, justifié seulement par l’urgence – je veux parler de la procédure des ordonnances –, est devenu une habitude, ce dont on ne saurait se satisfaire.
Vous le savez, mon groupe est pour l’abrogation pure et simple de l’article 38 de la Constitution, qui ouvre la possibilité au Gouvernement de légiférer par ordonnances. Si seulement la révision annoncée permettait d’inscrire dans la Constitution la proposition n° 20 du président du Sénat, nous ferions un pas non négligeable vers le souhaitable.
Cette proposition, je le rappelle, vise à encadrer davantage le recours aux ordonnances par deux dispositions : fixer à trois mois à compter de la promulgation de la loi d’habilitation le délai dans lequel les ordonnances doivent être prises ; prévoir une ratification obligatoire des ordonnances dans un délai d’un an au maximum à partir de la promulgation de l’habilitation.
Comme notre rapporteur, j’attends donc avec impatience le moment où la révision constitutionnelle viendra en débat, au Parlement ou directement devant les Français, s’ils sont consultés par référendum.
Je ne doute pas que ce débat, au-delà des intentions initiales du chef de l’État d’affaiblir un peu plus le pouvoir législatif, permettra, au contraire, de donner un coup d’arrêt à la dérive consulaire du régime et à la réduction du Parlement en une chambre d’enregistrement des volontés élyséennes – mes chers collègues, je n’ai pas pu résister…
Rires.
Pour le reste, ces propositions de réforme du droit des contrats, largement consensuelles, n’appellent pas de longs développements de ma part.
Je constaterai simplement, une fois n’est pas coutume, mon accord avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement sur deux points du texte qui ont fait débat ici : la suppression du terme « économique » dans la définition de la notion de dépendance, qui pouvait entraîner une interprétation trop restrictive de celle-ci ; l’extension du rôle du juge en cas de « changement de circonstances imprévisible » avec la possibilité qui lui est donnée, au-delà du pouvoir de mettre fin à contrat de ce fait, d’en modifier les termes.
À l’inverse, la définition du contrat d’adhésion proposée par notre commission permettra de bien cerner le champ d’application de ce type de contrat, qui, dans certains cas, comme les abonnements, ne résulte pas vraiment d’une négociation entre les parties.
« Au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu’ils auront proférée », si l’on en croit saint Matthieu…
Sourires.
Aussi, j’en resterai là, non sans avoir précisé que notre groupe votera le texte qui nous est proposé.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte constitue un bel exemple de l’apport de la navette parlementaire et de contribution de notre assemblée à la qualité du droit, sujet essentiel pour l’attractivité économique du pays et pour le développement de nos entreprises.
Vous avez reconnu, madame la garde des sceaux, qu’un dialogue fructueux s’était noué depuis le début du processus de ratification avec notre assemblée pour corriger quelques malfaçons et améliorer le dispositif.
Le Sénat a réellement contribué à clarifier le texte de l’ordonnance en veillant à n’en modifier ni le sens ni l’esprit. Sans doute en raison des délais contraints, et hormis la question du sort des sûretés en cas de cession de contrat et de cession de dette, le débat à l’Assemblée nationale s’est porté quasi exclusivement sur le terrain balisé, en quelque sorte, par les débats de notre assemblée.
Il faut reconnaître qu’il s’agit là d’un texte d’une technicité juridique incontestable. Aussi, je remercie une fois encore le rapporteur François Pillet, qui m’a associée aux auditions dans le cadre de la délégation aux entreprises.
À l’Assemblée nationale, en première lecture, la commission des lois et le Gouvernement se sont démarqués du Sénat sur trois points principaux.
Tout d’abord, la sanction de l’exploitation abusive d’une situation de dépendance par un contractant, que le Sénat a voulu réduire à la seule situation de dépendance économique.
Cette restriction, à laquelle le Gouvernement s’était opposé, priverait notre droit d’un mécanisme permettant de sanctionner les abus commis à l’encontre d’un cocontractant qui se trouve en situation de dépendance psychologique à l’égard d’un autre cocontractant. Sur ce point, la commission des lois a choisi de faire un pas vers le Gouvernement et de limiter l’état de dépendance au cocontractant.
Ensuite, la sanction des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans les contrats d’adhésion, comme cela existe déjà dans les contrats de consommation, par exemple. Ce choix n’a pas été remis en cause par le Sénat, mais un débat a été ouvert sur la définition même du contrat d’adhésion, qui a été modifiée par le Sénat, puis par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Ces modifications successives révèlent bien la difficulté de l’exercice.
Enfin, la révision du contrat pour imprévision, qui permet l’adaptation du contrat dont l’exécution est rendue excessivement difficile pour l’une des parties par un changement de circonstances indépendant de la volonté des parties.
Madame la garde des sceaux, vous avez répété ce matin que, selon vous, la rédaction du Sénat ôtait au dispositif son utilité, et vous vous êtes félicitée de ce que la commission des lois de l’Assemblée nationale a rendu à cette mesure sa pleine efficacité. Je pense que ce sujet va largement occuper nos débats ce matin.
En tout cas, pour une réforme qui modifie quelque 300 articles du code civil, ces divergences sont limitées et certainement pas insurmontables, au vu des efforts que notre assemblée semble disposée à faire.
Le Gouvernement et le Sénat partagent en effet la volonté que cette réforme s’inscrive dans le double objectif du renforcement de la sécurité juridique de nos entreprises et de l’amélioration de l’attractivité du droit des contrats de notre pays.
J’en veux pour preuve le fait que l’amendement présenté par le Gouvernement, qui tend à préciser la définition des contrats d’adhésion en remplaçant la référence « aux conditions générales » par la notion d’« ensemble clauses non négociables », ait reçu le plein soutien de notre commission des lois.
En matière de sanction des clauses abusives dans les contrats d’adhésion, nous souhaitons que nos collègues députés en viennent à reconsidérer la rédaction proposée par le Sénat dans sa cohérence avec la définition du contrat d’adhésion et l’intention du Gouvernement. Seules doivent pouvoir être réputées non écrites les clauses imposées par l’une des parties, et non pas celles qui ont été librement négociées ou, en tout cas, qui étaient négociables.
Sur le paiement d’une obligation de somme d’argent pouvant se faire en monnaie étrangère, le Sénat a entendu les craintes exprimées par les milieux économiques à l’occasion des auditions. Il a donc remplacé le critère de « contrat international » par celui d’« opération à caractère international ».
L’Assemblée nationale est allée encore plus loin en séance publique en prévoyant la possibilité d’utiliser une monnaie étrangère en tant que monnaie de compte pour tout contrat, dès lors que le débiteur de l’obligation conserverait la faculté de se libérer en euros.
La commission des lois du Sénat propose de revenir à sa rédaction initiale et souhaite obtenir du ministère de l’économie et des finances les précisions nécessaires à un vote éclairé.
Sur ce point, j’attire une nouvelle fois votre attention, madame la garde des sceaux, sur les effets collatéraux d’une trop large ouverture pour la vulnérabilité des entreprises françaises, notamment au regard de l’extraterritorialité du droit américain liée au simple usage du dollar. Je crois savoir que ce sujet est déjà aujourd’hui pris en compte par M. le ministre de l’économie et des finances.
Je terminerai sur le pouvoir de révision judiciaire du contrat à la demande de l’une des parties au cours de l’exécution du contrat et sur l’application de la théorie de l’imprévision.
En première lecture, le Sénat a supprimé ce pouvoir de révision. L’Assemblée nationale l’a rétabli avec l’approbation du Gouvernement, arguant notamment du caractère supplétif de l’article 1195 du code civil.
Ce choix, vous le savez, ne nous semble pas cohérent. Nous considérons même qu’il est risqué, dans la mesure où il revient à faire du juge non plus l’arbitre, mais le « reformulateur » de ce contrat, en quelque sorte. Compte tenu de la complexité croissante du droit économique, de la vie des entreprises, il ne nous semble pas opportun de livrer en quelque sorte les magistrats judiciaires à des situations auxquelles ils ne sont pas préparés. Cela nous apparaît également incohérent, car si le Gouvernement tient vraiment à ce rôle du juge, pourquoi ne pas en faire une norme impérative ?
Cette modernisation du droit des contrats, réalisée par ordonnance, ce que nous regrettons également, à l’instar de nombre de nos collègues, continuera à faire l’objet de notre vigilance. Grâce aux contacts de terrain noués par la délégation aux entreprises du Sénat, nous saurons rapidement si d’autres malfaçons subsistent et nécessitent une nouvelle intervention réparatrice du législateur.
Cette modernisation appelle désormais celle du droit des sûretés, déjà partiellement réalisée par l’ordonnance du 23 mars 2006, laquelle excluait privilèges et cautionnement. Or, vous le savez, madame la garde des sceaux, les acteurs économiques réclament une clarification du droit du cautionnement, trop formaliste. Un projet est visiblement sur la table depuis octobre 2017. Pensez-vous le prendre en compte et le mettre à l’ordre du jour du Parlement prochainement ?
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Yvon Collin applaudit également.
Très brièvement, monsieur le président, je tiens tout d’abord à remercier Mmes et MM. les sénateurs de leurs propos, qui sont globalement positifs, même si j’ai bien noté les quelques interrogations qui viennent d’être soulevées, par exemple au sujet du cautionnement, sur lequel la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice est actuellement en train de travailler. Cette question reviendra sans doute devant vous.
Surtout, je souhaiterais dire à M. le rapporteur que nous avons non plus deux, mais un seul point de divergence, sur la question de l’imprévision. En effet, en vous écoutant, j’ai cédé sur le second point de désaccord immédiatement, et il n’y a plus de difficulté quant à l’application des dispositions de l’ordonnance dans le temps. Nous avions des interrogations sur la formulation, lesquelles ont été levées par M. le rapporteur, que je remercie de cette clarification.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
L’article 1110 du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « librement négociées » sont remplacés par le mot : « négociables » ;
2° Après le mot : « celui », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties. »
Je souhaite préciser un point, à la suite de la lecture récente d’un commentaire qui me paraît erroné.
L’ordonnance a défini à l’article 1110 du code civil deux catégories de contrat se concevant de manière symétrique, à savoir le contrat de gré de gré et le contrat d’adhésion, qui n’étaient d’ailleurs auparavant que des catégories doctrinales. L’objectif était de pouvoir asseoir dans le droit commun des contrats un nouveau dispositif de lutte contre les clauses abusives pour les contrats d’adhésion : la logique du contrat d’adhésion, c’est une partie qui impose l’essentiel du contrat à l’autre partie, sans négociation possible, de sorte qu’il existe un risque structurel de présence de clauses abusives.
Telle me semble être en tout cas la philosophie ayant inspiré l’ordonnance.
Je précise que ce dispositif de lutte contre les clauses abusives est une innovation, qui a suscité d’importantes contestations, de la part de la doctrine comme des praticiens. En effet, le code civil postule la liberté contractuelle et l’égalité des parties, l’encadrement des contrats structurellement déséquilibrés étant du ressort des droits spéciaux. C’est donc bien un choix politique qui a été fait sur ce point dans l’élaboration de l’ordonnance, mais nous n’avons pas voulu revenir dessus, par esprit de responsabilité.
La définition du contrat d’adhésion par l’ordonnance est toutefois très critiquée, car elle utilise la notion de « conditions générales ». Je n’entre pas dans le détail, mais je précise que nous sommes parvenus à nous entendre avec le Gouvernement à partir de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, qui retenait le critère de négociabilité pour distinguer le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion. Si elle n’est pas parfaite, la rédaction que nous nous apprêtons donc à adopter aujourd’hui me paraît aussi satisfaisante que possible.
Je veux profiter de cette prise de parole pour clarifier un problème d’interprétation récurrent à propos du contrat d’adhésion, qui a été soulevé par des universitaires ou des praticiens concernant le contrat de société ou le pacte d’actionnaires.
Un associé qui devient partie au contrat ultérieurement à la création de la société ou à la conclusion du pacte ne peut pas en renégocier les termes ; il doit y adhérer en bloc. Certains se demandent si, de ce fait, le pacte d’actionnaires ne pourrait pas être considéré comme un contrat d’adhésion, dont les clauses pourraient alors être contestées en raison d’un caractère prétendument abusif.
Je veux préciser une nouvelle fois ce point, après l’avoir déjà fait par écrit dans mon rapport en première lecture, puis en deuxième lecture, car j’ai encore lu récemment un commentaire erroné sur cette question.
Compte tenu des définitions que nous allons adopter, et qui reposent sur le critère de la négociabilité des stipulations contractuelles, le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion seront chacun définis par les seules conditions de leur formation.
Dès lors, l’adhésion ultérieure d’une nouvelle partie ne saurait en aucun cas avoir d’effet quant à la qualification d’un contrat de gré à gré, qui ne peut donc pas devenir un contrat d’adhésion du point de vue de cette nouvelle partie, quand bien même elle se trouverait dans l’incapacité de renégocier le pacte d’actionnaires. Il en est de même pour les statuts d’une société.
L ’ article 2 est adopté.
(Supprimé)
Le second alinéa de l’article 1117 du code civil est complété par les mots : «, ou de décès de son destinataire ». –
Adopté.
Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 2 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° L’article 1137 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. » ;
2° À l’article 1143, après le mot : « cocontractant », sont insérés les mots : « à son égard ». –
Adopté.
(Non modifié)
La sous-section 2 de la section 2 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :
1° Au second alinéa de l’article 1145, les mots : « aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des » sont remplacés par les mots : « par les » ;
2°
Supprimé
3° Au début du premier alinéa de l’article 1161, les mots : « Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat » sont remplacés par les mots : « En matière de représentation des personnes physiques, un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ». –
Adopté.
La sous-section 3 de la section 2 du chapitre II du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :
1° L’article 1165 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase est supprimée ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’abus dans la fixation du prix, le juge peut être saisi d’une demande tendant à obtenir des dommages et intérêts et le cas échéant la résolution du contrat. » ;
2°
Supprimé
3° Au premier alinéa de l’article 1171, après le mot : « clause », sont insérés les mots : « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, ». –
Adopté.
I. – La seconde phrase du second alinéa de l’article 1195 du code civil est ainsi modifiée :
1° Les mots : « réviser le contrat ou y » sont supprimés ;
2° Après les mots : « mettre fin », sont insérés les mots : « au contrat ».
II. – Le paragraphe 3 de la section 4 du chapitre Ier du titre Ier du livre II du code monétaire et financier est complété par un article L. 211-40-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -40 -1. – Nul ne peut, pour se soustraire aux obligations qui résultent des I à III de l’article L. 211-1 du présent code, se prévaloir de l’article 1195 du code civil, alors même que ces opérations se résoudraient par le paiement d’une simple différence. »
L’amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous m’y autorisez, je vais reprendre devant vous le raisonnement que je viens de tenir à l’instant.
Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction de l’article 1195 du code civil issue de l’ordonnance, qui permet à une partie seule de saisir le juge en vue de la révision du contrat en cas d’imprévision.
L’admission de l’imprévision dans le droit français des contrats est l’une des dispositions les plus emblématiques de l’ordonnance du 10 février 2016, dont nous débattons actuellement. L’imprévision est aujourd’hui admise dans de très nombreux droits étrangers et dans les conventions du commerce international. Je me réjouis d’ailleurs, après avoir entendu l’ensemble des orateurs, que vous ne remettiez pas en cause son principe.
Notre désaccord porte donc sur le seul pouvoir de révision du juge. Seule la révision du contrat en cas d’imprévision permet de rétablir l’économie générale du contrat telle qu’elle a été voulue par les parties, lorsque des circonstances indépendantes de leur volonté l’ont bouleversée. Conscient de l’atteinte susceptible d’être portée au principe de force obligatoire du contrat, le Gouvernement a donc strictement encadré la possibilité de révision judiciaire de ce contrat.
Trois types d’encadrement apparaissent.
Il faut tout d’abord un changement de circonstances, imprévisible lors de la conclusion du contrat, ce qui était raisonnablement prévisible restant ainsi à la charge des parties.
Il faut ensuite que l’exécution du contrat soit devenue excessivement onéreuse pour une partie. Une augmentation du prix, par exemple, rendant l’approvisionnement plus coûteux, ne suffit pas à remettre en cause, à lui seul, le contrat.
Il faut enfin que la partie lésée n’ait pas accepté dans le contrat d’assumer le risque d’un tel changement de circonstances. Les parties peuvent en effet toujours écarter toute possibilité de révision du contrat en cas d’imprévision.
Vous aurez par ailleurs observé que priorité est donnée à la renégociation du contrat par les parties et à l’accord amiable. Le recours au juge ne peut s’envisager qu’en cas d’impossibilité de parvenir à un accord sur une révision amiable ou sur une résolution du contrat.
L’atteinte portée à la force obligatoire du contrat et à la liberté contractuelle est d’autant plus à relativiser que l’article 1195, dans sa rédaction initialement proposée par l’ordonnance, est supplétif de volonté, c’est-à-dire que les parties sont libres, non seulement d’en écarter l’application, totalement ou partiellement, mais également d’en aménager librement les modalités, par exemple en définissant les changements de circonstances admis ou en prévoyant un processus spécifique de révision.
Si j’entends bien les inquiétudes que certains d’entre vous expriment, elles me semblent excessives. En effet, je vous rappelle que les pouvoirs du juge sont strictement encadrés par les principes de procédure civile, en particulier par celui selon lequel le juge ne pourra se prononcer que dans le cadre des demandes qui lui sont formulées.
N’autoriser la révision judiciaire du contrat qu’en présence d’un accord des parties pour saisir le juge, comme le propose votre commission, me semble réduire considérablement l’utilité et l’effectivité du texte. Il est en effet à craindre que celui qui bénéficie du changement des circonstances ne soit que fort peu incité au dialogue, dès lors que son obstruction empêcherait toute perspective de révision judiciaire du contrat.
En outre, il me semble qu’il serait regrettable que le juge, constatant que les conditions de l’imprévision sont réunies, n’ait d’autre choix que de mettre fin au contrat, avec les conséquences que cela peut parfois emporter, notamment d’un point de vue économique.
La rédaction initialement proposée par l’ordonnance pour l’article 1195, à laquelle je vous demande donc de revenir, permet au contraire à la partie lésée par un changement de circonstances imprévisibles de passer outre la mauvaise volonté de son cocontractant pour demander au juge de restaurer l’équilibre initialement envisagé par les parties.
Que l’on s’entende bien, il s’agit pour le juge non pas de refaire complètement le contrat et de rechercher un équilibre objectif entre les prestations, mais seulement de corriger le coût excessif que le changement de circonstances aurait occasionné pour l’une des parties.
Sous le bénéfice de ces observations, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande donc de bien vouloir revenir, à l’instar de l’Assemblée nationale, au texte initial de l’ordonnance.
Madame la garde des sceaux, notre désaccord est vraiment très faible, très limité ! Je m’explique. L’ordonnance fait entrer dans le droit français une notion toute nouvelle qui n’existait pas : la révision en cas d’imprévision. Le Sénat est d’accord ; il n’y a pas de contestation sur ce point.
Si les parties, dans cette hypothèse, décident de confier au juge le soin d’adapter le contrat, elles le peuvent. Le Sénat en est d’accord, si l’ensemble des parties le souhaite. Que se passe-t-il dans ce cas ? Les parties, sans que l’aspect consensuel du contrat soit en quoi que ce soit menacé, donnent en quelque sorte au juge une mission d’arbitre, et non pas de faiseur de contrat. Par ailleurs, si un cocontractant seul demande la résolution, le juge peut la prononcer. Nous ne changeons rien, car nous sommes d’accord.
Le seul point sur lequel nous ne sommes pas d’accord, c’est l’hypothèse dans laquelle une seule partie demande au juge de refaire le contrat.
Comme cela a déjà été dit, nous considérons que, en ce domaine l’atteinte aux principes généraux de notre droit des contrats est un peu disproportionnée.
Ensuite, et c’est peut-être subsidiaire au regard de l’argument avec lequel je terminerai mon exposé, la responsabilité du juge peut éventuellement être engagée par la suite. C’est d’ailleurs ce que nous ont dit les magistrats que nous avons auditionnés, lesquels ne se sont pas montrés empressés à l’idée de se voir attribuer cette nouvelle mission dans le cadre de leurs fonctions judiciaires.
Surtout, si le texte reste en l’état, il sera systématiquement écarté, dès lors qu’un conseil quelque peu avisé participera à la rédaction du contrat. Ce texte restera une image dans notre code civil, mais il ne sera jamais appliqué !
À l’inverse, si le Sénat maintient la position qu’il avait adoptée en première lecture sur la révision judiciaire pour imprévision, cela donnera une possibilité de la préserver dans le code civil.
Vous le voyez, notre champ de désaccord sur ce point est donc très limité. C’est la raison pour laquelle j’engage le Sénat à ne pas suivre l’avis du Gouvernement, ce qui ne constitue pas de notre part une position de refus de nature idéologique, ni même politique.
Ma conviction, c’est que nous pouvons, en poursuivant notre débat, parvenir à écarter cette dernière petite tête d’épingle d’un débat au fil duquel nous nous sommes finalement tous retrouvés.
M. Charles Revet. Mais c’est important d’écouter le rapporteur jusqu’au bout !
Mme la ministre fait un signe d ’ approbation.
Si j’y crois, c’est pour deux raisons. D’abord, nous avons de l’imagination. Ensuite, j’éprouve toujours le même plaisir à travailler avec les services de la Chancellerie…
M. le président. Monsieur Revet, mon rôle est également important ! Il consiste à rappeler aux orateurs de respecter leurs temps de parole. J’y tiens d’autant plus quand l’orateur a dépassé son temps de parole d’une minute, après un premier dépassement de quarante secondes. Vous êtes à votre place, je suis à la mienne !
Murmures.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je voudrais surtout échanger avec notre collègue qui est intervenu en sa qualité de membre de la délégation aux entreprises. Selon lui, le fait que le juge puisse se mêler des contrats est un risque, qu’il considère comme extrêmement dangereux pour l’entreprise.
Or cela me paraît inexact. Il faut prendre la mesure des choses : très souvent, ce sont précisément les entreprises qui vont se trouver en difficulté, avec le risque de voir leur avenir économique compromis. En effet, elles seront menacées de liquidation ou de redressement judiciaire si un contrat, pour un cas d’imprévision, est appliqué sans modification.
Je le rappelle, le juge qui tentera de sortir de cette situation sera, sauf en Alsace-Moselle, où il existe un système d’échevinage, celui du tribunal de commerce ; ceux qui interviendront seront donc d’autres professionnels du monde économique. Si nous retenions la proposition de la commission inspirée par notre rapporteur, il s’ensuivrait que le juge serait complètement exclu. Parce que les contrats auxquels on va mettre fin sont à exécution successive, il est utile que le juge puisse non pas mettre fin au contrat, mais autoriser son aménagement pour permettre qu’il se poursuive.
Monsieur le rapporteur, vous allez plus loin, puisque vous proposez même de supprimer, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, les mots « le juge peut mettre fin à une date et à des conditions qu’il détermine ».
Si ce choix était retenu, le juge mettrait fin, sans qu’on sache comment il y parviendra, au contrat, lequel est pourtant à exécution successive. Et il faudra bien, même si le contrat doit s’achever, affirmer les modalités de son inexécution ou de la fin de son exécution. Or contrairement à ce que vous affirmez, mon cher collègue, je pense que cela peut être très utile pour les entreprises – sans doute beaucoup plus que pour les particuliers.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 3, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer les mots :
des I à III de l’article L. 211-1 du présent code
par les mots :
de titres et contrats financiers ou d’opérations sur des titres et contrats financiers
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 8 est adopté.
(Non modifié)
À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1216-3 du code civil, après le mot : « par », sont insérés les mots : « le cédant ou par ». –
Adopté.
La section 5 du chapitre IV du sous-titre Ier du titre III du livre III du code civil est ainsi modifiée :
1° Au début du quatrième alinéa de l’article 1217, le mot : « solliciter » est remplacé par le mot : « obtenir » ;
2° À l’article 1221, après le mot : « débiteur », sont insérés les mots : « de bonne foi » ;
3° L’article 1223 est ainsi rédigé :
« Art. 1223. – En cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix dans les meilleurs délais. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.
« Si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. » –
Adopté.
(Non modifié)
Le titre IV du livre III du code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 1327-1, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le mot : « et » ;
1° bis À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 1328-1, après le mot : « par », sont insérés les mots : « le débiteur originaire ou par » ;
2° À l’article 1352-4, les deux premières occurrences du mot : « à » sont remplacées par le mot : « par » et le mot : « proportion » est remplacé par le mot : « hauteur ». –
Adopté.
La seconde phrase de l’article 1343-3 du code civil est ainsi rédigée : « Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. »
L’amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article 1343-3 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 1343-3. – Le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.
« Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. Les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. »
II. – Après l’article L. 112-5 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 112-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-5-1. – Par dérogation au premier alinéa de l’article 1343-3 du code civil, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’un instrument financier à terme ou d’une opération de change au comptant. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de l’article 1343-3 du code civil, issu de l’ordonnance, qui visait à codifier l’état du droit positif quant à la monnaie de paiement des obligations.
Conformément à la jurisprudence actuelle, le texte prévoit que le paiement en France d’une obligation doit se faire en euros, à moins que l’obligation ne procède d’un jugement étranger ou d’une opération à caractère international.
En pratique, il apparaît toutefois que certaines opérations internes se dénouent habituellement en devises, c’est-à-dire dans une autre monnaie que l’euro. La rédaction actuelle de cette disposition pourrait donc fragiliser de telles transactions.
C’est notamment le cas dans certains secteurs comme l’aéronautique ou la pâte à bois – je ne sais pas, à dire vrai, si l’appellation exacte est « pâte de bois » ou « pâte à bois », j’ai donc une petite hésitation !
Sourires.
C’est également le cas en matière de crédits multidevises, lesquels, sans s’inscrire nécessairement dans une opération internationale, sont remboursés dans la devise utilisée pour le tirage.
Le présent amendement vise donc à compléter le texte initial pour englober ces pratiques en autorisant le paiement en devises pour des opérations entre professionnels lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis dans le secteur concerné.
Il tend, par ailleurs, à insérer un texte spécifique dans le code monétaire et financier sur les instruments financiers à terme, communément appelés « produits dérivés », et sur les opérations de change au comptant. En effet, dans ces opérations, le paiement peut être exigé en devises s’il s’agit, par exemple, d’échanger une monnaie nationale contre une monnaie étrangère, alors même que l’opération n’a pas nécessairement un caractère international.
Afin de ne pas nuire à l’attractivité de notre système juridique, l’amendement proposé permet donc de sécuriser ces opérations aujourd’hui régulièrement utilisées dans la pratique des affaires.
Dans un souci de compétitivité des entreprises françaises, cet amendement vise à compléter opportunément, me semble-t-il, la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture.
Une telle disposition a pour objet de leur permettre d’utiliser la monnaie de leur choix, sans pour autant affaiblir la monnaie nationale. C’est la raison pour laquelle j’ai émis, comme la commission, un avis favorable.
Cet amendement va de soi si l’on entend perpétuer le système tel qu’il fonctionne. En revanche, si l’on veut vraiment faire de l’euro une monnaie de réserve et si l’on souhaite ne pas laisser nos entreprises qui utilisent le dollar tomber sous le coup des poursuites réitérées de la justice américaine – enfin, de ce qu’on appelle la « justice » américaine ! –, peut-être faudrait-il conserver la rédaction initiale.
Encore une fois, si l’objectif est la facilité, vous avez raison, madame la garde des sceaux, de proposer cet amendement. Si l’on entend, au contraire, se donner les moyens de résister à certaines dérives qu’ouvre cette facilité du fait même de l’usage qu’en font les États-Unis, peut-être serait-il bon de persévérer, même si c’est dans l’erreur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 13 est adopté.
I. – La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant celui de sa publication.
Les articles 1110, 1117, 1145, 1161, 1327 et 1343-3 du code civil, dans leur rédaction résultant des articles 2, 4, 6, 11 et 13 de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques postérieurs à son entrée en vigueur.
Par dérogation aux deux premiers alinéas du présent I, les articles 1112, 1137, 1143, 1165, 1171, 1195, 1216-3, 1217, 1221, 1223, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1352-4 et 1347-6 du code civil et l’article L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant des articles 3, 5, 7, 8, 8 bis, 9, 10, 12 et 14 de la présente loi, sont applicables dès la publication de la présente loi aux actes juridiques postérieurs au 1er octobre 2016.
II
Le présent II est applicable à compter du 1er octobre 2016.
L’amendement n° 4, présenté par M. Pillet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 3
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
I. – La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.
Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1195, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et l’article L 112-5-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques postérieurs à son entrée en vigueur.
Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1352-4 et 1347-6 du code civil ont un caractère interprétatif.
… – La présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous terminerons assez rapidement cette séance matinale !
Nous étions tous d’accord, Assemblée nationale, Gouvernement et Sénat, sur la manière dont il convenait d’appliquer la loi portant réforme du droit des contrats. Mes chers collègues, l’amendement que nous vous proposons est de précision. Il vise à éviter toute difficulté sur l’interprétation, qui nous est commune, de ce point. J’ai cru comprendre que le Gouvernement l’acceptait, ce dont je me réjouis.
Je le confirme : je suis favorable à l’amendement proposé par la commission !
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 15 est adopté.
Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations
Le projet de loi est adopté.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.