Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 1er février 2018 à 10h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Adoption en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ce texte constitue un bel exemple de l’apport de la navette parlementaire et de contribution de notre assemblée à la qualité du droit, sujet essentiel pour l’attractivité économique du pays et pour le développement de nos entreprises.

Vous avez reconnu, madame la garde des sceaux, qu’un dialogue fructueux s’était noué depuis le début du processus de ratification avec notre assemblée pour corriger quelques malfaçons et améliorer le dispositif.

Le Sénat a réellement contribué à clarifier le texte de l’ordonnance en veillant à n’en modifier ni le sens ni l’esprit. Sans doute en raison des délais contraints, et hormis la question du sort des sûretés en cas de cession de contrat et de cession de dette, le débat à l’Assemblée nationale s’est porté quasi exclusivement sur le terrain balisé, en quelque sorte, par les débats de notre assemblée.

Il faut reconnaître qu’il s’agit là d’un texte d’une technicité juridique incontestable. Aussi, je remercie une fois encore le rapporteur François Pillet, qui m’a associée aux auditions dans le cadre de la délégation aux entreprises.

À l’Assemblée nationale, en première lecture, la commission des lois et le Gouvernement se sont démarqués du Sénat sur trois points principaux.

Tout d’abord, la sanction de l’exploitation abusive d’une situation de dépendance par un contractant, que le Sénat a voulu réduire à la seule situation de dépendance économique.

Cette restriction, à laquelle le Gouvernement s’était opposé, priverait notre droit d’un mécanisme permettant de sanctionner les abus commis à l’encontre d’un cocontractant qui se trouve en situation de dépendance psychologique à l’égard d’un autre cocontractant. Sur ce point, la commission des lois a choisi de faire un pas vers le Gouvernement et de limiter l’état de dépendance au cocontractant.

Ensuite, la sanction des clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties dans les contrats d’adhésion, comme cela existe déjà dans les contrats de consommation, par exemple. Ce choix n’a pas été remis en cause par le Sénat, mais un débat a été ouvert sur la définition même du contrat d’adhésion, qui a été modifiée par le Sénat, puis par la commission des lois de l’Assemblée nationale. Ces modifications successives révèlent bien la difficulté de l’exercice.

Enfin, la révision du contrat pour imprévision, qui permet l’adaptation du contrat dont l’exécution est rendue excessivement difficile pour l’une des parties par un changement de circonstances indépendant de la volonté des parties.

Madame la garde des sceaux, vous avez répété ce matin que, selon vous, la rédaction du Sénat ôtait au dispositif son utilité, et vous vous êtes félicitée de ce que la commission des lois de l’Assemblée nationale a rendu à cette mesure sa pleine efficacité. Je pense que ce sujet va largement occuper nos débats ce matin.

En tout cas, pour une réforme qui modifie quelque 300 articles du code civil, ces divergences sont limitées et certainement pas insurmontables, au vu des efforts que notre assemblée semble disposée à faire.

Le Gouvernement et le Sénat partagent en effet la volonté que cette réforme s’inscrive dans le double objectif du renforcement de la sécurité juridique de nos entreprises et de l’amélioration de l’attractivité du droit des contrats de notre pays.

J’en veux pour preuve le fait que l’amendement présenté par le Gouvernement, qui tend à préciser la définition des contrats d’adhésion en remplaçant la référence « aux conditions générales » par la notion d’« ensemble clauses non négociables », ait reçu le plein soutien de notre commission des lois.

En matière de sanction des clauses abusives dans les contrats d’adhésion, nous souhaitons que nos collègues députés en viennent à reconsidérer la rédaction proposée par le Sénat dans sa cohérence avec la définition du contrat d’adhésion et l’intention du Gouvernement. Seules doivent pouvoir être réputées non écrites les clauses imposées par l’une des parties, et non pas celles qui ont été librement négociées ou, en tout cas, qui étaient négociables.

Sur le paiement d’une obligation de somme d’argent pouvant se faire en monnaie étrangère, le Sénat a entendu les craintes exprimées par les milieux économiques à l’occasion des auditions. Il a donc remplacé le critère de « contrat international » par celui d’« opération à caractère international ».

L’Assemblée nationale est allée encore plus loin en séance publique en prévoyant la possibilité d’utiliser une monnaie étrangère en tant que monnaie de compte pour tout contrat, dès lors que le débiteur de l’obligation conserverait la faculté de se libérer en euros.

La commission des lois du Sénat propose de revenir à sa rédaction initiale et souhaite obtenir du ministère de l’économie et des finances les précisions nécessaires à un vote éclairé.

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