Intervention de François Pillet

Réunion du 1er février 2018 à 10h30
Réforme du droit des contrats du régime général et de la preuve des obligations — Article 2

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Je souhaite préciser un point, à la suite de la lecture récente d’un commentaire qui me paraît erroné.

L’ordonnance a défini à l’article 1110 du code civil deux catégories de contrat se concevant de manière symétrique, à savoir le contrat de gré de gré et le contrat d’adhésion, qui n’étaient d’ailleurs auparavant que des catégories doctrinales. L’objectif était de pouvoir asseoir dans le droit commun des contrats un nouveau dispositif de lutte contre les clauses abusives pour les contrats d’adhésion : la logique du contrat d’adhésion, c’est une partie qui impose l’essentiel du contrat à l’autre partie, sans négociation possible, de sorte qu’il existe un risque structurel de présence de clauses abusives.

Telle me semble être en tout cas la philosophie ayant inspiré l’ordonnance.

Je précise que ce dispositif de lutte contre les clauses abusives est une innovation, qui a suscité d’importantes contestations, de la part de la doctrine comme des praticiens. En effet, le code civil postule la liberté contractuelle et l’égalité des parties, l’encadrement des contrats structurellement déséquilibrés étant du ressort des droits spéciaux. C’est donc bien un choix politique qui a été fait sur ce point dans l’élaboration de l’ordonnance, mais nous n’avons pas voulu revenir dessus, par esprit de responsabilité.

La définition du contrat d’adhésion par l’ordonnance est toutefois très critiquée, car elle utilise la notion de « conditions générales ». Je n’entre pas dans le détail, mais je précise que nous sommes parvenus à nous entendre avec le Gouvernement à partir de la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, qui retenait le critère de négociabilité pour distinguer le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion. Si elle n’est pas parfaite, la rédaction que nous nous apprêtons donc à adopter aujourd’hui me paraît aussi satisfaisante que possible.

Je veux profiter de cette prise de parole pour clarifier un problème d’interprétation récurrent à propos du contrat d’adhésion, qui a été soulevé par des universitaires ou des praticiens concernant le contrat de société ou le pacte d’actionnaires.

Un associé qui devient partie au contrat ultérieurement à la création de la société ou à la conclusion du pacte ne peut pas en renégocier les termes ; il doit y adhérer en bloc. Certains se demandent si, de ce fait, le pacte d’actionnaires ne pourrait pas être considéré comme un contrat d’adhésion, dont les clauses pourraient alors être contestées en raison d’un caractère prétendument abusif.

Je veux préciser une nouvelle fois ce point, après l’avoir déjà fait par écrit dans mon rapport en première lecture, puis en deuxième lecture, car j’ai encore lu récemment un commentaire erroné sur cette question.

Compte tenu des définitions que nous allons adopter, et qui reposent sur le critère de la négociabilité des stipulations contractuelles, le contrat de gré à gré et le contrat d’adhésion seront chacun définis par les seules conditions de leur formation.

Dès lors, l’adhésion ultérieure d’une nouvelle partie ne saurait en aucun cas avoir d’effet quant à la qualification d’un contrat de gré à gré, qui ne peut donc pas devenir un contrat d’adhésion du point de vue de cette nouvelle partie, quand bien même elle se trouverait dans l’incapacité de renégocier le pacte d’actionnaires. Il en est de même pour les statuts d’une société.

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