Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 27 février 2006 à 21h30
Égalité des chances — Article 3 bis suite, amendement 156

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Je vais néanmoins présenter l'amendement n° 156.

En effet, si les amendements de suppression de l'article 3 bis devaient ne pas être adoptés, nous devons « sauver les meubles », si je puis m'exprimer ainsi, et nous montrer très précis, car en restant dans l'imprécision, l'on risque d'ouvrir la porte à des contentieux sans fin.

S'agissant du CNE, qui n'est en fait que le grand frère du CPE, nous avons déjà une expérience de six mois. Pendant cette période, nous avons vu surgir de nombreuses demandes et de multiples sujets de contentieux.

Je lisais, dans un journal paru ce soir, qu'aujourd'hui l'inquiétude repose sur une double incertitude : d'une part, ne pas savoir exactement de quel régime de protection on relève lorsqu'on bénéficie d'un contrat nouvelles embauches - cela vaut aussi pour le CPE - et, d'autre part, être assis en permanence sur un siège éjectable.

Jusqu'en septembre 2005, juste après l'adoption du dispositif, les appels émanaient surtout d'employeurs en quête de renseignements. Il semble que, depuis, la donne ait changé. Les demandes proviennent désormais d'employés qui veulent en apprendre davantage sur leurs droits ou de salariés qui sont déjà hors course.

Les standards de certaines directions départementales du travail sont encombrés et on y recense de nombreux appels de détresse.

Permettez-moi de citer quelques exemples : celui de cette employée d'une boutique de prêt-à-porter de Marne-la-Vallée, qui a été remerciée parce qu'elle avait effectué quelques emplettes chez une commerçante concurrente durant sa pause déjeuner - il faut le faire ! - ; celui de ce salarié que son patron ne voulait pas voir habillé en jogging ; celui de cette employée qui est « virée » après avoir annoncé à son employeur qu'elle était enceinte, ce dernier étant semble-t-il inconscient des risques qu'il encourt en la licenciant.

L'amendement que nous présentons prévoit que, en aucun cas, un contrat de première embauche ne peut être conclu pour remplacer un salarié dont le contrat de travail est suspendu en raison d'un conflit collectif de travail.

Si notre amendement se justifie par son texte même, il m'apparaît néanmoins utile d'apporter quelques précisions.

En effet, l'article L. 124-2-3 du code du travail interdit à l'employeur de faire appel à une entreprise de travail temporaire pour remplacer un gréviste. Il en est de même de l'article L. 122-3 en ce qui concerne les contrats à durée déterminée.

En revanche, rien n'interdit de recourir à des travailleurs temporaires, même pendant la grève, pour l'accomplissement d'autres tâches que celles qui sont dévolues à des grévistes. Il peut s'agir, par exemple, du remplacement d'un salarié en congé de maladie.

On comprend bien quel est l'enchaînement qui permettra, comme cela se fait déjà avec les salariés en CDD et avec les intérimaires, d'employer des jeunes en CPE pour exécuter d'autres tâches que celles des travailleurs en grève. Et les employeurs pourront toujours, comme ils en dont déjà la possibilité, faire appel à des travailleurs intérimaires ou en CDD pour faire face à un éventuel surcroît de travail à l'issue de la grève.

Nous sommes là dans le champ du 2° de l'article L. 122-1 du code du travail. De la même façon, rien n'interdira à un employeur de recruter des jeunes en CPE en lieu et place des intérimaires et des salariés en CDD, qui sont soumis à des procédures plus contraignantes.

Enfin, je le rappelle, l'interdiction légale vise le remplacement d'un salarié dont l'absence résulte d'un conflit collectif. Des salariés non grévistes peuvent être affectés au remplacement de grévistes, mais ils ne peuvent être eux-mêmes remplacés par des travailleurs temporaires recrutés à cette fin. En revanche, le recrutement de travailleurs temporaires juste avant une grève reste licite.

Monsieur le ministre, qu'adviendra-t-il des jeunes recrutés en CPE alors qu'un préavis de grève vient tout juste d'être déposé ? Quelle est précisément la position du Gouvernement sur cette question au demeurant fort complexe, je le reconnais ? La législation et la jurisprudence applicables au CDD et au travail temporaire seront-elles également applicables au recrutement en CPE en cas de grève ou de menace de grève ?

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que les réponses à ces questions soient importantes. Je ne sais quelle en sera la teneur, mais il est bien évident que nous, nous ne pourrons réagir que demain, et qui sait à quelle heure !

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