Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 1er février 2018 à 15h00
Fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les effets sur la santé de l’exposition aux pesticides suscitent de fortes et légitimes inquiétudes dans l’opinion. Cette question de santé publique est inscrite depuis plusieurs années à l’agenda politique national et européen. Ainsi, le rapport d’information de notre collègue Nicole Bonnefoy a permis de formuler des recommandations pour renforcer la sécurité de l’utilisation de ces produits et les connaissances de leurs effets.

Sur le plan européen, l’actualité récente a mis sur le devant de la scène la question de l’interdiction des perturbateurs endocriniens et la reconduction de l’autorisation du glyphosate.

À cet égard, je me permets de vous signaler les travaux de la commission des affaires européennes de notre assemblée, que j’ai eu l’honneur de conduire avec notre ancien collègue Alain Vasselle. Les risques sont encore plus forts chez les exploitants agricoles et tous les professionnels amenés à manipuler, parfois massivement, de nombreuses substances tout au long de leur carrière.

Dans un rapport de 2016, l’ANSES a rappelé l’ampleur de la population concernée : « En 2010, plus d’un million de personnes avaient une activité régulière en agriculture, auxquelles doivent être ajoutées plusieurs centaines de milliers de travailleurs non permanents, ainsi que plusieurs dizaines de milliers de stagiaires. Au-delà, ces expositions peuvent aussi concerner les familles des professionnels concernés, ainsi que les riverains des zones d’utilisation des pesticides. »

La France est en effet le deuxième consommateur de produits phytopharmaceutiques de l’Union européenne, avec 75 000 tonnes de pesticides vendues en 2014. L’INSERM a retenu, rapportée à la surface agricole utile, la densité moyenne d’usage de pesticides en France à 2, 9 kilogrammes de substance active à l’hectare, nous plaçant ainsi dans la moyenne européenne.

Cette expertise collective de l’INSERM en 2013 a conclu que de nombreuses études épidémiologiques mettaient en évidence une association entre les expositions aux pesticides et certaines pathologies chroniques, notamment certains cancers, certaines maladies neurologiques et certains troubles de la reproduction et du développement. Selon les cas, les niveaux de présomption peuvent aller de faible à fort. Par ailleurs, des travaux de recherche ont attiré l’attention sur les effets éventuels d’une exposition, même à faible intensité, lors de périodes sensibles du développement, in utero et pendant l’enfance.

Devant de tels constats, nous sommes tous conscients qu’il faut appliquer avec la plus grande détermination des mesures de prévention, y compris par l’interdiction si nécessaire. Plus généralement, il nous faut réduire dès maintenant la dépendance de notre agriculture aux produits phytosanitaires.

Le Gouvernement agit concrètement en ce sens : le projet de loi Agriculture, présenté hier en conseil des ministres, contient deux articles qui, d’une part, encadrent plus strictement la commercialisation de produits phytosanitaires, d’autre part, séparent les activités de vente et de conseil en la matière, qui conduisent à une ambiguïté et des compensations entre les deux métiers.

Si tout doit être fait pour éviter l’exposition aux pesticides, il faut déployer la même détermination s’agissant de la réparation des victimes.

L’objectif de cette proposition de loi est de compléter le dispositif actuel de réparation, fondé sur la reconnaissance des maladies professionnelles.

Il faut reconnaître que le système actuel n’est pas en mesure de répondre aux enjeux. On ne peut en effet se satisfaire du très faible taux de reconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides, de la longueur des procédures induites, surtout lorsqu’elles s’accompagnent d’une phase judiciaire. Ajoutons que la réparation, quand elle est finalement obtenue, ne couvre pas le préjudice économique subi par les victimes.

Le texte prévoit donc de créer un fonds d’indemnisation, alimenté par la taxe sur les produits phytosanitaires, qui assurerait une réparation intégrale du préjudice subi après l’avis d’une commission médicale.

Le groupe La République En Marche s’associe à la volonté de l’auteur de la proposition de loi de rechercher plus de rapidité dans la procédure et plus de générosité dans l’indemnisation. Les amendements adoptés en commission ont permis de préciser des points importants du dispositif. Notre groupe s’était abstenu au stade de l’examen en commission, considérant qu’avant de créer un tel fonds il convenait de réformer le dispositif existant et d’améliorer et de compléter les tableaux de maladies professionnelles.

Nous partageons les problématiques que soulève le texte aujourd’hui. C’est un texte d’appel, madame la ministre, pour qu’ensemble, avec le Gouvernement, les caisses concernées et les industriels, nous trouvions une solution durable et effective pour les victimes des pesticides.

Madame la ministre, nous avons entendu vos arguments, qui tiennent compte de l’importance de ce dossier. Cette proposition de loi étant incomplète, en particulier dans le système d’indemnisation, notre groupe vous fait confiance pour trouver les solutions les plus adaptées aux victimes. C’est pourquoi, en l’état du texte, nous nous abstiendrons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion