Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 8 février 2018 à 10h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, monsieur le Premier président de la Cour des comptes, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la présentation du rapport public annuel est toujours l’occasion de mesurer la richesse et la diversité des travaux de la Cour des comptes, même si ce moment solennel est loin de constituer la seule occasion, pour le Parlement, de suivre ceux-ci. En effet, nous procédons toute l’année à de nombreuses auditions de vous-même, monsieur le Premier président, ainsi que de nombreux magistrats de votre institution.

Cette édition 2018 comprend, comme à l’accoutumée, de nombreuses insertions, qu’il s’agisse d’observations nouvelles ou du suivi de recommandations formulées par le passé. Je m’arrêterai seulement sur certaines d’entre elles, qui peuvent retenir plus particulièrement l’attention de la Haute Assemblée.

Comme chaque année, la Cour revient avec précision sur la situation de nos finances publiques. Notre commission, et plus particulièrement notre rapporteur général, Albéric de Montgolfier, fera le meilleur usage de ce relevé de situation à fin janvier, et nous comptons auditionner prochainement le Gouvernement à ce sujet.

J’observe que la prévision d’exécution à fin 2017 – un déficit s’établissant au-dessous des fatidiques 3 points de PIB – est en nette amélioration par rapport à la prévision de l’audit de la Cour de juin dernier, qui anticipait un déficit de 3, 2 %. Cela est dû, comme vous le mentionniez, monsieur le Premier président, à l’amélioration de la conjoncture, dont résulte une progression des recettes, et, mais « dans une moindre mesure », soulignez-vous, aux mesures de freinage de la dépense publique au cours de l’été dernier.

L’hypothèse, faite à la mi-2017, d’un net dérapage de nos finances publiques ne s’est donc heureusement pas vérifiée, et l’incertitude porte désormais sur le traitement comptable de la recapitalisation d’Areva et du contentieux relatif à la taxe de 3 % sur les dividendes, deux sujets auxquels notre commission sera particulièrement attentive.

En ce qui concerne le respect de nos objectifs de maîtrise de la dépense publique pour l’avenir, la Cour émet un certain nombre de réserves, puisqu’elle souligne que le respect des objectifs de baisse des déficits publics repose, pour l’État, sur la mise en œuvre de réformes concernant les dépenses, dont – je cite – « les contours restent à définir », et, pour les collectivités territoriales, sur la réalisation « peu vraisemblable » d’excédents de plus en plus élevés, en lien avec le nouveau dispositif de contractualisation – vous ne donnez pas le sentiment d’en attendre des résultats à la hauteur de ses ambitions… Il est même question d’un « pari » sur les excédents de la sécurité sociale et des collectivités locales, ce que le Sénat avait déjà souligné de son côté. En conclusion, selon vos observations, la consolidation de nos finances publiques à moyen terme apparaît bien fragile, alors même que la reprise économique donne davantage de marges de manœuvre au Gouvernement.

Au-delà du cadrage général des finances publiques, la Cour se penche également sur de nombreux thèmes qui nous intéressent.

En premier lieu, en ce qui concerne les remises et transactions en matière fiscale, vous estimez qu’il s’agit bien d’outils utiles à la gestion de l’impôt, mais vous recommandez la définition d’un cadre légal et invitez à compléter l’annexe au projet de loi de finances, qui comporte, selon vous, des lacunes graves. Je ne peux que souscrire à ces recommandations, qui visent notamment à une meilleure information du Parlement ; notre commission des finances s’en saisira pour améliorer le cadre juridique applicable à ces procédures.

La modernisation numérique de l’État est un autre thème que vous abordez cette année. Nous partageons le constat de la Cour – nous l’avons également formulé – sur la nécessité de mieux former les agents publics à ces enjeux et de développer les mutualisations. Recruter davantage d’experts en numérique, en informatique et en cybersécurité faisait partie de nos préconisations. Votre recommandation relative à la création d’un programme budgétaire supportant les dépenses numériques et informatiques à vocation transversale sera-t-elle reprise par le Gouvernement dans la prochaine maquette du projet de loi de finances pour 2019 ? Nous serons vigilants sur ce point.

À titre personnel, je me félicite tout particulièrement que vous mentionniez le partage et l’ouverture des codes sources et des algorithmes comme un outil de modernisation de l’État, puisque, sur mon initiative, le Sénat avait adopté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement à ce sujet, qui n’a malheureusement pas eu les faveurs du Gouvernement. Nous ne lâcherons pas prise sur cette question.

Votre rapport public consacre cette année plusieurs développements à la politique immobilière de l’État, lesquels rejoignent en grande partie les constats de nos rapporteurs spéciaux. Le recours à des montages juridiques complexes impose un renforcement de la direction de l’immobilier de l’État pour améliorer son rôle de conseil auprès des ministères dans la définition, la conclusion et la sécurisation des contrats. La Cour note également que le recours à des financements privés renchérit le coût de ces opérations, ce qui rejoint le constat formulé par Thierry Carcenac et notre ancien collègue Michel Bouvard.

Vous évoquez aussi, de nouveau, les missions fiscales de la douane, et vous appelez à des changements significatifs. Nous avons entendu la semaine dernière le directeur général des douanes, et nous sommes allés à Roissy pour constater le travail que réalisent ses équipes sur le terrain. Sur ce sujet des missions fiscales, le directeur général nous a indiqué vouloir travailler en étroite concertation avec la DGFiP et prendre en compte les remarques de la Cour pour améliorer, dès cette année, la remontée d’informations comptables et l’interface avec les systèmes d’information de la DGFiP. Sans doute faudra-t-il poursuivre encore ces efforts. J’observe que certaines de vos recommandations rejoignent les votes du Sénat, notamment pour ce qui concerne la suppression de petites taxes au coût de recouvrement trop élevé, comme la taxe sur les farines.

Pour ce qui concerne la mise en œuvre des contrats aidés, vous soulignez que « moins de la moitié des bénéficiaires [d’un contrat aidé dans le secteur non marchand] disent avoir suivi au moins une formation pendant leur contrat » – alors qu’il s’agit d’une obligation – et que « les chiffres sont encore plus faibles dans le secteur marchand ». La réduction de l’enveloppe dédiée aux contrats aidés, prévue dans la loi de finances pour 2018, pourrait au moins avoir pour contrepartie un renforcement de l’accompagnement et de la formation des bénéficiaires, afin de faire de ces contrats de véritables instruments d’insertion professionnelle.

D’autres observations appelleront sans nul doute l’attention de mes collègues – je pense à celles qui portent sur les aides à l’électrification rurale ou à la presse écrite, sur le service civique, etc. –, mais je ne voudrais pas en faire ici un inventaire exhaustif. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de travaux ultérieurs et d’auditions ministérielles.

Je souhaiterais surtout, à l’occasion de la remise de ce rapport annuel, rappeler combien la mission d’assistance, par la Cour, du Parlement dans son contrôle de l’action du Gouvernement et de l’exécution des lois de finances, consacrée par l’article 47-2 de la Constitution, revêt une importance capitale à nos yeux. Chaque année, l’activité de contrôle de la commission se nourrit des travaux de ses rapporteurs spéciaux – nous venons de publier notre programme de contrôle pour 2018, qui s’accroît et comprendra trente-cinq travaux de contrôle –, mais aussi des résultats d’enquêtes que nous avons demandées à la Cour en application de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances.

Au cours des quatre prochains mois, les conclusions de pas moins de cinq enquêtes seront remises à la commission des finances. Elles portent sur des sujets aussi variés que le programme « Habiter mieux », suivi par Philippe Dallier, le soutien aux énergies renouvelables, suivi par Jean-François Husson, les personnels contractuels dans l’éducation nationale – le rapporteur sera Gérard Longuet –, la chaîne des aides agricoles et l’Agence de services et de paiement – sous la conduite d’Alain Houpert et de Yannick Botrel – et, enfin, les matériels et équipements de la police et de la gendarmerie. Les conclusions de cette dernière enquête, plus spécifiquement suivie par Philippe Dominati, devraient permettre de compléter la réflexion déjà engagée par le Sénat au travers de sa commission d’enquête sur l’état des forces de sécurité intérieure.

À la fin de 2018 ou au début de 2019, les conclusions de quatre nouvelles enquêtes nous seront remises, qui s’annoncent tout aussi utiles à nos travaux. Nous aurons également l’occasion, monsieur le Premier président, de connaître des travaux de la Cour sur l’exécution du budget de l’État, sur la certification de ses comptes ou encore sur les perspectives des finances publiques à l’été.

Je conclurai mon propos en vous invitant, monsieur le Premier président, à poursuivre cet engagement de la Cour des comptes auprès du Parlement dans le contrôle de nos finances publiques. Je me réjouis de vous retrouver, dès la semaine prochaine, pour la présentation des travaux du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité du capital des ménages, autre sujet d’intérêt pour notre commission des finances.

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