Intervention de Alain Milon

Réunion du 8 février 2018 à 10h30
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Il est à noter, à cet égard, que les milliers de décès dus à la grippe – 15 000 en 2016 et 3 000 à ce jour en 2018, mais on en comptera sans doute bien plus à la fin de l’hiver – ou l’épidémie de rougeole, liée à la non-vaccination – elle a occasionné, l’année dernière, la mort d’une adolescente à Marseille –, n’ont pas donné lieu à l’acharnement médiatique, justifié peut-être, dont a fait l’objet la contamination par la salmonelle de boîtes de lait en poudre, qui a entraîné l’hospitalisation, sans suites graves heureusement, d’une trentaine d’enfants. Il est donc nécessaire que la Cour, rejointe par la commission des affaires sociales, insiste sur ces constats.

La Cour revient également sur un sujet présentant des enjeux majeurs pour l’évolution de notre système de santé, et sur lequel nous nous étions largement penchés lors de l’examen de la loi de modernisation de notre système de santé, celui des services publics numériques en santé.

Le rapport pointe tout d’abord la lenteur de la diffusion des outils de coordination des soins que sont la messagerie sécurisée de santé et le dossier médical personnel.

Pour ce qui concerne la relance du dossier médical personnel, nous n’avons en réalité que peu de recul, le transfert de sa gestion à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, n’étant effectif que depuis le 1er janvier 2017. Toutefois, je relève avec satisfaction que la mobilisation des pouvoirs publics a permis de premiers résultats encourageants. L’enjeu principal réside désormais dans l’évolution des usages des professionnels de santé, sur ce sujet comme sur celui de la médicalisation des bases de données de l’assurance maladie. L’évolution des pratiques étant parfois plus difficile à obtenir que celle de la technique, les efforts devront évidemment porter, au cours des prochaines années, sur l’information et la pédagogie.

En ce qui concerne la réforme des contrats aidés, la commission partage également les préconisations de la Cour, monsieur le Premier président. Nous avons souhaité renforcer les actions de formation pour leurs bénéficiaires et éviter les effets d’aubaine. C’est pourquoi la commission avait décidé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, de diminuer les crédits alloués à l’expérimentation des emplois francs dans les quartiers prioritaires de la ville, dont le coût total dépassera 450 millions d’euros et qui ne remplit pas, à nos yeux, les critères de l’efficacité et de l’efficience.

Concernant les missions fiscales de la douane, je rappelle, à la suite du président de la commission des finances, que le Sénat a supprimé, lors de la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur l’initiative de notre rapporteur général, Jean-Marie Vanlerenberghe, à la fois la taxe sur les farines et celle sur les eaux de boisson. Le financement par l’impôt des régimes agricoles doit être repensé et modernisé, et il ne nous semble pas cohérent de taxer les sodas tout en maintenant les taxes sur l’eau.

Sur la dette hospitalière, qui représentait encore en 2016 près de 30 milliards d’euros, nous partageons l’idée selon laquelle il faut maintenir la vigilance. Il nous semble à cet égard que l’information du Parlement sur le financement de l’hôpital, le déficit et la dette hospitalière pourrait être renforcée lors de l’examen du PLFSS et du suivi de son application.

Ce point fait sur l’hôpital m’amène à la situation d’ensemble des finances publiques, qui fait l’objet de la première partie du rapport de la Cour.

À court terme, la Cour souligne, d’une part, une réduction limitée du déficit public, essentiellement due à une augmentation des recettes, et, d’autre part, une augmentation de la dette. Elle met surtout en relief une situation toujours singulière de notre pays en Europe, tenant au caractère dégradé de ses finances publiques.

Pour ce qui concerne les finances sociales, il nous faudra attendre le mois de mars pour disposer des résultats du régime général et des comptes nationaux publiés par l’INSEE. D’ores et déjà, nous nous devons d’être lucides sur la réalité des marges de manœuvre disponibles : elles sont très faibles.

Comme pour les années précédentes, le respect de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, n’est pas acquis, et la crise de l’hôpital montre les limites du recours aux mesures de régulation de l’ONDAM hospitalier pour contenir le dérapage des dépenses. J’ai déjà dénoncé, l’an dernier, ces mesures de régulation aveugle qui mettent à mal le service public sans apporter de solution structurelle. Les économies annoncées sur l’ONDAM ne sont pas plus structurelles aujourd’hui qu’hier, quand elles n’ont pas, comme la Cour le souligne après notre commission, un caractère purement artificiel.

En ce qui concerne la situation à moyen terme, évoquée par le rapport de la Cour, je veux revenir sur la position prise par la commission des affaires sociales sur la loi de programmation des finances publiques.

La Cour le rappelle, le Gouvernement prévoit un redressement des comptes publics en fin de période, qui suppose une contribution des excédents des comptes sociaux à la réduction du déficit de l’État.

Notre commission avait appelé l’attention sur le fait que deux conditions devaient être réunies pour que ce scénario puisse se réaliser : d’une part, il faudrait, au minimum, que ces excédents des comptes sociaux se matérialisent, ce qui n’est pas encore le cas, les branches maladie, chômage et retraite présentant plutôt des déficits persistants ; d’autre part, il faudrait que la dette sociale, s’élevant à 220 milliards d’euros, soit totalement résorbée avant que l’on puisse envisager de procéder à un transfert d’éventuels excédents.

La commission des affaires sociales a considéré que ces deux conditions n’étaient évidemment pas réunies et ne le seraient pas davantage en 2019. Il n’y a, par conséquent, aucune rationalité à envisager des transferts de la sécurité sociale vers l’État tant que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, porte, en trésorerie à court terme, les déficits passés de l’assurance maladie et des retraites. C’est un point d’alerte pour la commission des affaires sociales, sur lequel j’appelle à la vigilance commune, en particulier celle de la Cour.

Cela pose en outre la question de la notion même de cotisations sociales. Les cotisations financent une assurance contre un risque donné et préfigurent des prestations à venir, en particulier pour la retraite et l’assurance chômage. La confusion qui règne dans le financement de la protection sociale, aggravée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, qui prévoit le financement d’une partie de l’assurance chômage via la CSG recyclée en TVA, serait encore entretenue par un transfert entre la sécurité sociale et l’État qui ne serait motivé que par une amélioration faciale des comptes de ce dernier, sans changement pour l’ensemble des administrations publiques.

Pour conclure, je souhaite souligner de nouveau, au nom de la commission des affaires sociales, la contribution que la Cour des comptes nous apporte dans le nécessaire contrôle de l’action du Gouvernement, ainsi que la sincérité et l’étroitesse des relations qu’elle entretient avec notre commission.

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