Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 21 mars 2006 à 16h00
Organismes génétiquement modifiés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Le débat qui nous réunit aujourd'hui est capital à plus d'un titre. En effet, nous devons concilier plusieurs nécessités qui sont aussi importantes les unes que les autres.

Tout d'abord, notre agriculture doit relever un nouveau défi et passer le cap des biotechnologies avec succès. Nous ne pouvons nous permettre d'accumuler un retard par rapport à certains pays situés, non seulement de l'autre côté de l'Atlantique, où, je le rappelle, les États-Unis cultivent quelque 50 millions d'hectares, sans compter l'Argentine et le Brésil, mais aussi à notre porte, puisque l'Espagne cultive également plusieurs dizaines de milliers d'hectares de plantes génétiquement modifiées.

Ensuite, cette étape doit être franchie avec le maximum de transparence et d'information vis-à-vis des Français afin que chaque citoyen puisse avoir confiance en l'opportunité des décisions qui vont être prises en la matière.

Enfin, la coexistence des cultures doit être garantie dans la pratique par des mesures adéquates qui permettent à chaque type d'agriculture de continuer à exister.

En ce qui concerne les enjeux économiques, la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui a trait aux OGM. D'une part, pour connaître les risques réels, il faut pouvoir expérimenter et, à ce titre, je regrette profondément tous les actes qui visent à empêcher les chercheurs de faire de la recherche appliquée. D'autre part, un encadrement strict, une information publique et des mesures d'isolement efficaces sont des éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu dans de bonnes conditions et que des autorisations de mise en culture soient données.

En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront certainement apporter des réponses dans l'avenir, au même titre que les semences hybrides par le passé. Laissons aux chercheurs la possibilité de faire leur travail !

Concernant l'information et la transparence, comme l'ont rappelé mes collègues Françoise Férat et Christian Gaudin, c'est grâce à notre exigence, à notre rigueur - notamment en matière de transparence et d'accès à l'information pour tous - que nous pourrons dépassionner le débat et en finir avec une peur qui est très souvent sincère mais pas toujours raisonnée.

Selon un sondage récent, 78 % des Français sont hostiles aux OGM. Il y a derrière ce chiffre un rejet qui vient pour beaucoup du manque d'information et de l'impression que ces cultures vont nous être imposées sans concertation ni moyen d'action. La transparence est donc le premier axe qui doit nous guider dans l'amélioration de ce projet de loi et dans sa mise en application.

Je voudrais développer un troisième point qui me paraît fondamental : la coexistence des cultures. Ce qui doit être réaffirmé haut et fort par ce projet de loi, c'est que chaque agriculture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou transgénique, a sa place et doit toujours l'avoir. Nous devrons être particulièrement exigeants et vigilants à cet égard.

Le projet de loi doit permettre à chaque agriculture de vivre, à chaque agriculteur de choisir le type d'agriculture qu'il souhaite développer sur son exploitation sachant que la liberté de chacun s'arrête là où commence celle du voisin. Aujourd'hui, pour la sauvegarde des agricultures traditionnelle et biologique, les mesures préventives sont trop modestes. Il faut agir sur deux points.

Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles. Pourquoi ne pas reprendre les distances d'isolement prévues lors des périodes d'essais et qui peuvent aller jusqu'à 300 ou 400 mètres ? C'est un ordre de grandeur qui est reconnu en matière de production de semences.

Deuxièmement, à l'image de ce qu'une loi avait prévu pour la production de semences de maïs, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ? C'est le sens d'un amendement que j'ai déposé et auquel j'attache une grande importance.

Je vois ici le problème avec les yeux d'un agriculteur du Sud-Ouest, et plus précisément du Lot-et-Garonne, où, en simplifiant à l'extrême, on passe des plaines les plus riches aux coteaux les plus secs, avec la possibilité ou non d'irriguer. Les différentes situations ont entraîné la formation d'exploitations diverses et une multitude de productions végétales et animales.

Cette diversité, qui était une richesse, engendre aujourd'hui bien des difficultés, notamment en matière d'organisation économique. L'équilibre trouvé dans cette région, qui n'est certainement pas un cas unique, où chacun a longtemps cherché ses orientations, est extrêmement fragile. C'est pourquoi il est à mon sens fondamental de veiller à ce que les nouvelles productions des uns ne mettent pas en danger les réalités économiques actuelles.

C'est à ce titre que je souhaite que nous réfléchissions aux moyens de mieux protéger des agricultures qui n'auront plus les moyens d'exister si d'aventure les mesures destinées à éviter la dissémination d'OGM ne s'avéraient pas suffisantes.

Par ailleurs, j'ai déposé des amendements destinés à garantir une séparation des filières plus efficace à tous les stades de la chaîne de production et une meilleure évaluation du préjudice économique.

Ainsi, pourquoi prévoir des mesures contraignantes pour les producteurs d'OGM afin que les disséminations soient limitées au niveau de la mise en culture et de la production et ne rien envisager sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport ?

Enfin, concernant le fonds d'indemnisation créé par la loi, j'ai deux remarques et propositions à faire.

D'une part, les exploitants ne doivent pas alimenter seuls le fonds ; M. le rapporteur a déposé un amendement en ce sens. Pour autant, si l'amendement de la commission supprime le caractère aléatoire de la contribution des organisations professionnelles et interprofessionnelles, il me semble que nous devons clairement spécifier que les obtenteurs et les producteurs de semences doivent participer au financement de ce fonds.

D'autre part, concernant la détermination du préjudice économique subi par les exploitants dont la production a été contaminée, l'évaluation actuelle est trop restrictive et ne prend pas en compte les multiples conséquences que peut avoir cette contamination sur une exploitation. Dans l'évaluation du préjudice économique, il faut intégrer tous les éléments suivants : la dépréciation du prix du produit, le type de production contaminée, la filière de commercialisation à laquelle était initialement destinée la récolte, ainsi que les conséquences financières résultant de la perte d'un signe de qualité.

Un producteur biologique, dont la récolte est contaminée, ne subit pas seulement un préjudice du fait de la dépréciation de sa production.

Dernier point sur lequel je veux insister : la disparition, au terme de cinq ans, du fonds d'indemnisation. À l'échéance de ce délai, les assureurs et les réassureurs vont-ils effectivement se positionner sur ce marché ou faudra-t-il maintenir ce fonds pendant des années ? Le rapporteur de la commission des affaires économiques a très justement proposé qu'un bilan d'étape ait lieu dans trois ans et qu'un rapport soit fait au Parlement sur le sujet. Nous suivrons avec beaucoup d'attention ce point pour que le secteur des assurances soit en mesure de prendre le relais.

Le groupe UC-UDF a fait des propositions d'amélioration sur les deux piliers de ce texte, qui sont la transparence et la coexistence des cultures. Nous souhaitons que le projet de loi aille plus loin sur ces deux aspects. J'espère, monsieur le ministre, que ce débat nous permettra d'apporter des garanties satisfaisantes à tous. Cette loi doit être claire et lisible pour que chacun puisse se rendre compte du cadre dans lequel les OGM seront autorisés sur notre territoire. C'est la condition nécessaire pour que, des agriculteurs aux consommateurs, les décisions que nous allons voter soient acceptées, et c'est dans cet esprit que nous abordons cette loi.

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