Comme j’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale, la semaine dernière, je suis particulièrement satisfait que nous soyons collectivement parvenus à bâtir un texte très équilibré sur deux ordonnances particulièrement techniques. La première, je le rappelle, porte sur l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes ; la seconde a trait à l’information et à la participation du public lors de l’élaboration de décisions ayant une incidence sur l’environnement.
Je tiens plus particulièrement à remercier le rapporteur de la commission pour le travail qu’il a mené sur ce texte depuis plusieurs mois et l’ensemble des sénateurs ayant pris part à ce débat, notamment M. le président Hervé Maurey.
Votre démarche constructive a permis d’aboutir à un accord en commission mixte paritaire, le 20 décembre dernier. Nous disposons donc, à l’issue de cette CMP, d’un texte équilibré et reprenant la majeure partie des dispositions adoptées à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Il était important, me semble-t-il, de faire émerger un consensus sur un texte traitant spécifiquement de la concertation. Je rappelle d’ailleurs que ces deux ordonnances sont elles-mêmes le fruit d’une concertation approfondie, au sein de la commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique, menée par le sénateur et ancien ministre de la défense Alain Richard.
Deux ordonnances, donc. L’une est relative à la modification des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes, avec un objectif de simplification et de clarification des procédures. L’autre permet de réformer les procédures destinées à assurer l’information et la participation du public, avec une volonté d’associer davantage, en amont, les citoyens à l’élaboration de certaines décisions susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement.
Bien entendu, c’est surtout la seconde ordonnance qui a donné lieu à d’importants débats entre les parlementaires. C’est bien normal, car cette ordonnance était, je le rappelle, l’une des réponses du gouvernement de l’époque à un changement de mentalité dans notre société, qui s’est notamment opéré et exprimé après le terrible drame de Sivens. J’aimerais en rappeler trois principales mesures.
Tout d’abord, la création d’un droit d’initiative, qui permettra au public, aux collectivités locales ou aux associations de demander l’organisation d’une concertation préalable en amont de l’instruction d’un projet.
Ensuite, la mise en place d’une véritable concertation préalable en amont de l’instruction d’un projet, plan ou programme. Trop souvent, nos concitoyens ont pu avoir le sentiment que la participation intervenait trop tard pour leur permettre d’avoir une réelle influence sur le projet et sur le sens de la décision publique s’y attachant. La concertation préalable répond à cette critique et permettra d’apaiser localement les tensions qui peuvent parfois survenir.
Enfin, la soumission des plans ou programmes nationaux à une saisine de la Commission nationale du débat public, connue sous l’acronyme de CNDP, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Cela permettra d’associer le public, pour des plans ou programmes encadrant la réalisation de projets, le plus en amont possible, au moment des discussions sur les périmètres d’implantation de ces projets.
Cette ordonnance a, bien entendu, des effets directs et concrets, comme l’illustrent deux exemples d’actualité.
La CNDP a d’ores et déjà décidé d’organiser une concertation préalable sur les documents stratégiques de façade des quatre grandes façades maritimes françaises. Cette concertation, qui a d’ailleurs déjà commencé, permettra de lancer un débat sur la planification spatiale de ces espaces maritimes et littoraux.
La CNDP annonce également, pour le mois de mars, le lancement d’un débat public sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE. Le Parlement, comme je l’ai déjà indiqué à cette tribune, sera tenu informé.
Je souhaite réaffirmer ici une conviction forte du Gouvernement : l’information et la participation du public le plus en amont possible sont des facteurs de réussite de la transition écologique portée par l’État et ses différents opérateurs. Je pense notamment aux projets de méthaniseurs ou d’éoliennes, qui peuvent susciter, et c’est légitime, des inquiétudes. La concertation n’est pas une perte de temps ; c’est un moyen, à la fois, d’apaiser les tensions sur le terrain et de faciliter l’autorisation et la réalisation de ces projets dans des délais rapides. Les sénateurs qui participent ou ont participé aux groupes de travail sur l’éolien et la méthanisation ont pu constater que la concertation était une priorité dans nos échanges et le gage de premiers résultats.
Enfin, j’aimerais rappeler les principaux points de consensus ayant émergé en commission mixte paritaire, grâce au travail des parlementaires.
Premièrement, un seuil maximal de 5 millions d’euros de dépenses publiques ou de subventions publiques à l’investissement a été réintroduit pour déclencher le droit d’initiative.
Je sais que le Sénat était plutôt réticent quant à l’idée d’inscrire un tel seuil dans la loi, rappelant que cela relevait davantage du domaine réglementaire. Du côté de l’Assemblée nationale, en revanche, la mesure constituait un marqueur important. Aussi, je tiens à remercier sincèrement le rapporteur Alain Fouché et vous-même, monsieur le président de la commission, d’avoir accepté la réintroduction de ce seuil, dans un esprit de compromis – toujours très présent au Sénat – que je salue.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission, l’ensemble des acteurs souhaitent une ratification rapide de ces ordonnances.
Le rapporteur à l’Assemblée nationale, le député Jean-Marc Zulesi, a d’ailleurs adopté la même démarche sur un autre point, en acceptant de conserver le délai de quatre mois fixé par le Sénat pour les recours en illégalité pour vice de forme ou de procédure.
Deuxièmement, a été réintroduite une articulation entre les procédures de concertation et débat public issues du code de l’environnement, d’une part, et la concertation prévue dans le code de l’urbanisme, d’autre part. Les échanges en CMP ont permis d’aboutir à une rédaction claire et répondant, je crois, aux préoccupations des deux assemblées.
Troisièmement, les parlementaires ont fait évoluer la rédaction d’une mesure introduite par le sénateur Ronan Dantec sur la prise en compte de la compensation écologique de la consommation d’espaces agricoles dans les études d’impact des projets. Les débats ont été nourris en CMP sur ce sujet. Après plusieurs échanges, ils ont abouti, sur ce point également, à une rédaction de compromis, ce dont je me réjouis. Le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement purement rédactionnel sur ce point, en accord avec les rapporteurs de l’Assemblée nationale et du Sénat, afin d’améliorer l’écriture de la loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme j’avais pu le dire en première lecture, apprendre à perdre du temps en amont d’un projet ou d’une procédure est nécessaire pour ne pas en perdre ensuite. Consulter plus largement nos concitoyens permettra de lever les doutes qui peuvent parfois exister sur certains projets.
Il est désormais urgent de ratifier ces ordonnances. Mais cela ne signifie pas que nous nous priverons d’évaluer leurs effets. Je réaffirme aujourd’hui, à la tribune du Sénat, l’engagement que j’ai pris devant vous de procéder à une évaluation rapide de leur application. Le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, dit ESSOC, que vous allez prochainement examiner, prévoit justement un rapport sur l’ordonnance relative à l’information et la participation du public. Un délai de deux ans pour produire ce rapport et évaluer les premiers effets de l’ordonnance me paraît raisonnable. En attendant, je vous invite à adopter ce projet de loi dans la rédaction issue de la CMP, fruit de l’excellent travail que vous avez su mener avec les députés.
Sachez que c’était mon baptême du feu, mon premier texte en tant que membre du Gouvernement. Je tiens donc à vous remercier.