Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 15 février 2018 à 10h30
Évaluation environnementale — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux ordonnances qui nous sont soumises cultivent les bonnes intentions, ce qui est à saluer par définition. C’est le temps et l’expérience qui nous en donneront la clef. Il faut laisser vivre cette réforme dans la globalité des quatre ordonnances pour apprécier, par exemple, si l’autorisation environnementale unique sera en pratique un succès.

Fondamentalement, je crois que les textes qui nous sont soumis relèvent d’une transition. Ils partent, à juste titre, de l’idée que la manière de décider a changé dans notre société. Nos concitoyens aspirent à s’exprimer de manière concrète et continue sur un nombre croissant de sujets et dans de nombreux domaines de l’action publique. L’environnement n’y fait pas exception.

Le développement de cette démocratie environnementale repose en partie sur l’affirmation des droits à l’information et à la participation du public, droits nouveaux qui doivent être conciliés avec la nécessaire poursuite des projets d’infrastructure.

Pour les promoteurs du texte, protection de l’environnement, participation du public et faisabilité des infrastructures ne sont pas antinomiques. L’objectif est d’associer davantage nos concitoyens à la prise de décision dans le domaine environnemental, tout en permettant aux maîtres d’ouvrage de mener à bien leurs projets. C’est un exercice de curseur ou de régulation auquel nous sommes conviés. Je n’exclus pas – mais les points de vue sont différents, comme nous venons de le constater après avoir écouté Mme Assassi – que le balancier soit allé un peu trop loin à la défaveur de la capacité à faire, et à faire de manière qualitative.

À l’aune de ces objectifs, les ordonnances que nous sommes sur le point de ratifier portent, sur de nombreux sujets, des avancées, et je tiens à remercier l’ensemble des collègues pour le travail constructif accompli, en particulier M. le rapporteur. Parmi les accords de compromis auxquels est parvenue la commission mixte paritaire, plusieurs méritent d’être salués.

Concernant l’ordonnance relative à la participation du public, l’abaissement de six à quatre mois du délai pour les recours en illégalité pour vice de forme ou de procédure rééquilibre un peu le texte.

Je me réjouis également que des conclusions de la mission d’information sénatoriale sur la démocratie dite « participative » ou « coopérative », que j’ai menée avec l’un de nos collègues de l’Hérault, aient été intégrées au texte de l’ordonnance, en particulier la désignation facultative d’un garant chargé de la phase d’information et de participation intermédiaire.

Monsieur le secrétaire d’État, j’insiste sur l’intérêt d’expérimenter une procédure continue de consultation du public. La désignation d’un garant sur le temps long permettra d’assurer la transparence et la médiation tout en favorisant le bon déroulement du projet. J’ai vu que vous commenciez à intégrer certains éléments dans divers textes. Je pense aussi aux propositions que nous avions pu faire afin de respecter le double degré de juridiction, en commençant dans certains cas par un recours devant la cour administrative d’appel avant la saisine éventuelle du Conseil d’État.

Enfin, je tenais à saluer le choix opéré par la commission mixte paritaire d’opter pour une logique de simplification et de convergence entre les règles du code de l’environnement et celles du code de l’urbanisme. Alors que l’Assemblée nationale avait décidé de privilégier la concertation au titre du code de l’environnement à celle prévue par le code de l’urbanisme, nous avions au contraire fait le choix d’une convergence des deux codes, afin de réduire les délais des opérations tout en assurant un niveau de garantie similaire. Si l’accord de compromis qui a finalement été trouvé diffère quelque peu, puisque la concertation au titre du code de l’environnement primera toujours dans cinq cas, il n’en demeure pas moins qu’une étape a été franchie en termes de lisibilité des procédures. Le Sénat aurait apprécié, monsieur le secrétaire d’État, que, sinon la fusion, du moins la coordination de ces deux codes soit privilégiée globalement, mais notre collègue Alain Richard en avait déjà mesuré la difficulté lorsqu’il avait travaillé sur son rapport déjà largement cité.

Un point, toutefois, suscite en nous une certaine inquiétude : le fait d’avoir privilégié la voie législative pour la fixation du seuil à partir duquel les projets relèveront du droit à l’initiative. Il avait pourtant été admis que cette disposition avait intrinsèquement une nature réglementaire et que son encadrement par la loi réduirait toute future adaptabilité du seuil. Faute d’accord entre nos deux assemblées, il en a été décidé autrement, mais ce choix n’est pas de nature à changer notre regard sur ce texte.

Mes chers collègues, le groupe Union centriste votera le texte proposé par la commission mixte paritaire, dont nous partageons, sinon la lettre, du moins l’esprit. Il est peut-être un peu sévère, comme je l’ai entendu il y a quelques minutes, de dire que ces dispositions ne contiennent pas le début du commencement d’une réponse, madame Assassi. De manière un peu différente, je dirai qu’il y a bien sûr une part de risque dans les ordonnances proposées, du moins dans leur mise en œuvre. En revanche, je crois profondément, avec mes collègues, qu’il y aurait un risque plus important aujourd’hui à ne pas donner une place importante à la dimension participative dans la réalisation de projets ou aux questions environnementales au sens large.

Je terminerai en indiquant que la notion de transition me paraît cependant assez présente et que le caractère transitoire de ces dispositions nous conduira à y revenir, sinon à court terme – ce qu’il vaudrait mieux éviter –, du moins à moyen terme. Et si vous en doutiez, mes chers collègues, les régimes dérogatoires que vous avez votés la semaine dernière en votre présence, monsieur le secrétaire d’État, au sein du texte consacré aux jeux Olympiques, en sont l’annonce ou la confirmation.

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