Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du 15 février 2018 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Frédérique Vidal :

Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au cœur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, il y a une ambition : accompagner un plus grand nombre de lycéens et d’étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite. Telle est l’épine dorsale de ce texte, telle est la boussole que je me suis fixée ; telle est, aussi, la conviction que j’ai souhaité partager avec vous tout au long des débats parlementaires.

Chacun le voit bien : la massification s’est faite, à l’école comme à l’université, mais la démocratisation reste à faire. L’accomplir et la réussir, tel est le défi qui se présente à nous.

C’est la raison pour laquelle, au-delà des dysfonctionnements inacceptables qu’a connus la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, le Gouvernement a souhaité construire un plan Étudiants qui appréhende dans sa globalité la question de l’accès aux études supérieures, dans ses composantes tant pédagogiques que matérielles.

Le plan Étudiants est un bloc, qui apporte des réponses concrètes à des questions concrètes, sans séparer l’accompagnement pédagogique des politiques de prévention ni de l’action en faveur de la vie étudiante.

Tout au long de la préparation et de l’examen de ce projet de loi, je me suis attachée à faire vivre le dialogue le plus large avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et des forces politiques représentées dans cet hémicycle, parce que je sais que l’enjeu est essentiel, et que l’avenir de notre jeunesse fait partie de ces grandes causes qui peuvent nous rassembler très largement.

Aussi ai-je souhaité asseoir ce projet de loi sur une base saine et solide, en ouvrant une large concertation dès le mois de juillet dernier et en la conduisant tout au long de l’été.

Ce dialogue, je l’ai noué dès le jour de ma prise de fonctions et je le poursuis jour après jour. Il est essentiel, en effet, de continuer à partager, chaque fois que cela est nécessaire, les points de vue et les attentes, d’entendre les interrogations et de dissiper les incompréhensions.

Je sais que vous partagez cette conviction, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs ; nos débats en ont témoigné : ils ont permis à chacun, dans le respect, d’exprimer ses convictions propres et d’entendre ce que l’ensemble des forces politiques avaient à dire.

Ce débat est légitime, il est nécessaire et sain dans une démocratie, et c’est le rôle constitutionnel du Sénat d’apporter ainsi un autre regard sur les orientations politiques du Gouvernement.

En première lecture, le Sénat a fait entendre sa voix. Nous avons eu, parfois, des divergences, comme chacun a pu le constater, mais nous avons aussi eu à cœur, collectivement, d’avancer. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous en remercier.

Au stade de l’examen des conclusions la commission mixte paritaire, je me réjouis très sincèrement que celle-ci ait été conclusive. Je remercie la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, le rapporteur, Jacques Grosperrin, et l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire d’avoir su travailler dans un esprit constructif.

En effet, quelles que puissent être nos divergences, le souci de tourner la page du tirage au sort et de mieux accompagner les futurs étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite nous rassemble.

Comme je l’ai souligné lors de la présentation du projet de loi, sur de nombreux sujets, tels que l’orientation et le tirage au sort, mais également le régime de sécurité sociale étudiant, le Sénat a été précurseur.

Sur de nombreux points, nous sommes parvenus ensemble à améliorer le texte présenté par le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’accueil sur Parcoursup de toutes les formations dès 2019, du renforcement des informations mises à la disposition des futurs étudiants sur la plateforme ou de l’élargissement aux étudiants âgés de 25 à 28 ans des actions de prévention mises en place dans le cadre de la réforme.

Le rôle de vos commissions et de vos rapporteurs a été décisif, et je tiens à le saluer, comme je salue et remercie l’ensemble des sénateurs, issus des différents groupes politiques, qui ont contribué à enrichir et à améliorer ce texte.

Nous avons aussi eu des désaccords. J’en rappellerai trois principaux.

Le premier tenait à la signification de l’autonomie des universités. Nul n’est plus attaché à celle-ci que moi, vous le savez : je suis convaincue que les universités sont fortes lorsqu’elles sont autonomes et qu’elles ont les moyens de construire et d’affirmer un projet à la fois pédagogique et scientifique.

Reste que la régulation assurée par l’État doit être à la hauteur de cette autonomie, afin de garantir le respect des attentes collectives qui sont les nôtres et de principes fondamentaux.

Il s’agit non pas d’une posture théorique, mais d’une conviction pragmatique : c’est bien l’État, par exemple, qui est le garant de l’ouverture de l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans la procédure Parcoursup, c’est le recteur qui doit pouvoir inscrire les futurs bacheliers lorsqu’ils n’ont pas reçu de proposition d’affectation.

Le Sénat, rejoint sur ce point par la commission mixte paritaire, a souhaité que cette inscription d’office puisse être précédée d’un dialogue. J’y suis bien sûr favorable, comme je suis favorable à l’idée, issue des travaux de la commission mixte paritaire, de permettre aux établissements de nourrir ce dialogue en faisant à leur tour des propositions.

Ce dialogue est nécessaire, de même qu’il est nécessaire que le recteur puisse, in fine, prononcer l’inscription. Je salue donc la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, qui me paraît parfaitement équilibrée.

Les critères de fixation des capacités d’accueil ont été un deuxième sujet de divergence entre nous.

Sur ce sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques jours, vous aviez souhaité, sur l’initiative de votre rapporteur, corréler directement la décision aux taux de réussite et d’insertion professionnelle. Le Gouvernement entend la volonté exprimée par le Sénat de donner toute sa place à la mission d’insertion professionnelle, qui est, depuis 2007, l’une des quatre missions reconnues aux universités, au côté de la création de connaissances, de la diffusion de celles-ci et de la diffusion de la culture scientifique et technologique.

De nombreux amendements déposés en ce sens ont permis de consolider les dispositifs existants. Les dispositions qui en sont issues figurent dans le texte adopté par la commission mixte paritaire.

Pour autant, établir une corrélation directe entre les capacités d’accueil et les taux de réussite et d’insertion aurait comporté le risque d’installer une forme d’« adéquationnisme », alors même que nous voyons tous les jours émerger de nouveaux métiers et de nouveaux besoins de qualifications, par exemple dans le domaine du numérique.

Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet avec le rapporteur, Jacques Grosperrin, que je remercie de la qualité du dialogue noué, sur ce point comme sur tous les autres.

Là aussi, la commission mixte paritaire a permis une clarification, en mettant en avant la notion de perspectives d’insertion professionnelle, mais en prenant en compte aussi le projet de formation et de recherche des établissements et les attentes des étudiants.

Cette rédaction me paraît plus équilibrée et permet de prendre en compte l’intégralité des attentes exprimées, y compris celles des étudiants. En effet, comme vous le voyez chaque jour sur vos territoires, le choc démographique est là : nous avons le devoir d’y répondre, en accompagnant et en guidant les futurs étudiants, bien sûr, mais aussi en ouvrant largement les portes de notre enseignement supérieur, y compris celui qui est plus professionnalisant, à l’ensemble des étudiants.

C’est la marque du Sénat que de pouvoir exprimer ses différences de point de vue tout en faisant œuvre législative utile. Tel est bien le cas en l’occurrence, ainsi qu’en témoignent le texte de la commission mixte paritaire et vos travaux.

Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, saisi tout l’enjeu de cette réforme, et je tenais à vous en remercier. L’important, c’est bien de répondre aux attentes des futurs étudiants et de leurs familles, qui ont besoin de clarté et de sérénité pour faire leurs choix en toute responsabilité.

Si vous adoptez les conclusions de la commission mixte paritaire, votre vote nous permettra de clore le chapitre de la refondation juridique de l’accès à l’enseignement supérieur, pour ouvrir celui de la mise en œuvre de la campagne d’affectation 2018.

Je sais que les attentes et les exigences qui pèsent sur le Gouvernement sont fortes : sachez que je suis déterminée à y répondre avec énergie, calme, sérénité, dans l’intérêt de notre jeunesse !

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