La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres, ainsi que du temps de parole.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Ma question porte sur la protection des propriétaires et locataires contre les professionnels du squat.
La presse se fait régulièrement l’écho du cas de propriétaires et de locataires qui, s’étant absentés de leur domicile principal pour les vacances ou un simple week-end, le retrouvent occupé par des squatteurs.
Ces professionnels du squat investissent les lieux, changent les serrures et apposent leurs noms sur la boîte aux lettres. Il s’agit non pas de locataires ne payant pas leur loyer, mais d’individus qui commettent un délit pénal, réprimé par l’article 226-4 du code pénal, passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende !
Si la loi dite DALO de 2007 a créé un droit au logement garanti par l’État, elle a en contrepartie instauré une procédure administrative d’évacuation forcée en cas d’introduction et de maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte. Cette procédure permet à une personne, à tout moment, de faire évacuer de son domicile principal les squatteurs, sans intervention du juge ni application du délai de flagrance de quarante-huit heures. Dans les faits, cette procédure n’est que peu exécutée, voire pas du tout.
Aussi souhaiterais-je savoir quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour garantir l’effectivité des droits des propriétaires et des locataires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui me donne l’occasion de rappeler le droit en vigueur, ce qui est d’autant plus utile que, ces derniers jours, ces dernières heures, on a pu lire ici ou là des informations fausses à ce sujet.
Votre question, monsieur le sénateur, porte sur la protection du domicile dit « principal », le lieu d’habitation.
Contrairement donc à ce que l’on a pu lire, la loi apporte aujourd’hui une sécurité juridique forte à l’encontre de ces squatteurs qui peuvent venir occuper le domicile principal d’une personne.
Comme vous l’avez relevé, la loi DALO de 2007 prévoit le recours à une procédure administrative par le truchement du préfet, lequel peut alors saisir soit les juridictions, soit la police. Surtout, depuis la loi du 24 juin 2015, il est reconnu que l’infraction porte non seulement sur l’entrée dans les lieux, mais également sur l’occupation illicite de ceux-ci, c’est-à-dire du domicile principal. Cette loi autorise la police à intervenir au titre de la flagrance pour déloger les squatteurs. Il est important de préciser que le fameux délai de quarante-huit heures ne s’applique aucunement en l’espèce.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il y a visiblement un problème de communication et l’information du public sur les procédures et le droit existant est insuffisante. Quand on voit des squatteurs s’installer dans une résidence principale, il faut prévenir la police.
Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.
Depuis la loi du 24 juin 2015, celle-ci est tenue d’intervenir au titre de la flagrance. Communiquer sur ce sujet permettra de rappeler à chacun quelles sont ses responsabilités.
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche et du groupe socialiste et républicain.
J’ai déposé une proposition de loi, cosignée par de nombreux collègues, que je remercie, tendant à supprimer le bénéfice de la trêve hivernale pour les squatteurs qui occupent un domicile principal.
Dans les faits, les personnes s’adressent aux services de police, qui souvent refusent d’intervenir. Il serait donc bon de prendre une circulaire de rappel. Actuellement, le locataire ou le propriétaire se trouve obligé de recourir à un avocat et de saisir le juge judiciaire pour qu’il ordonne l’expulsion du squatteur, voire la suppression de la trêve hivernale. Or cette procédure dure des mois ! Je compte sur le Gouvernement pour soutenir cette proposition de loi !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
M. le président. La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, aujourd’hui, monde rural rime trop souvent avec abandon, enclavement, déserts médicaux, zones blanches numériques, fermeture de commerces, disparition de services publics.
Nous apprenons que, en vue de la rentrée prochaine, c’est au tour des écoles rurales d’être sacrifiées. Des décisions couperets sont prises sans aucune concertation avec les élus locaux, alors que ceux-ci entreprennent de construire des écoles qui sont le cœur battant de nos communes.
Le dédoublement des classes de CP dans les réseaux d’éducation prioritaire, les REP, et des classes de CE1 dans les REP+ est une bonne chose, mais cela ne doit pas se faire au détriment des classes du monde rural ! Personne n’est dupe, monsieur le ministre ! Les territoires ruraux en ont assez d’être dépouillés au profit de la mise en œuvre de vos politiques publiques. C’est une marque de mépris de plus à l’égard de territoires qui méritent autant de moyens que tous les autres pour la scolarisation des enfants.
Dans toute la France, les menaces de fermeture de classes en milieu rural se multiplient : 84 classes sont concernées dans le Pas-de-Calais, 51 dans l’Oise, 46 en Meurthe-et-Moselle, 27 en Moselle, 66 dans les Vosges, 15 en Corrèze, 45 en Eure-et-Loir, 121 en Seine-et-Marne, mon département, dont parfois plusieurs dans une même commune, comme à Souppes-sur Loing, tandis que peu d’ouvertures de classes sont annoncées.
Pourquoi ce gouvernement accorde-t-il autant d’attention aux uns et si peu aux autres ? Comment expliquez-vous cela, monsieur le ministre ? Les petits écoliers des champs ne seraient-ils pas égaux en droit à ceux des villes ?
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.
Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui me permet de revenir sur le sujet de l’équilibre entre milieu urbain et milieu rural.
Je veux tout d’abord affirmer que le monde rural n’est aucunement sacrifié au profit du monde urbain.
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
Les écoles primaires de France compteront plus de 30 000 élèves de moins l’année prochaine. Nous créons 3 800 postes. Je prends ici l’engagement que, dans chaque département rural de France, le taux d’encadrement des élèves sera supérieur à la rentrée prochaine.
Il n’est pas tout à fait honnête de citer les fermetures de classes dans certains départements sans mentionner les ouvertures de classes dans les mêmes départements.
Nouvelles protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
La Seine-et-Marne, département que je connais bien, comptera à la rentrée prochaine 240 élèves de moins et 40 professeurs supplémentaires. Il y aura 70 dédoublements à la rentrée prochaine, contre 30 à la rentrée dernière. Votre département bénéficiera donc d’une augmentation du taux d’encadrement des élèves, y compris en milieu rural.
Je vois bien que l’on essaie de faire entendre une petite musique de dénigrement du dédoublement
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous avons besoin d’analyses conjointes, et non pas fausses, en vue de faire renaître le milieu rural grâce à l’école. Pour permettre cette renaissance, j’ai engagé une politique de renforcement de l’attractivité des territoires ruraux, notamment via les contrats de département, auxquels je travaille avec Jacques Mézard.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.
Nous savons que la réussite de nos jeunes se joue dès la maternelle et l’école élémentaire. L’État doit mettre toutes les chances du côté de tous les écoliers, sans discrimination !
Lors de la Conférence des territoires du 17 juillet dernier, le Président de la République a affirmé pompeusement que « les territoires ruraux ne peuvent plus être la variable d’ajustement et qu’il n’y aura plus aucune fermeture de classe dans les écoles rurales ». Bon sang, monsieur le ministre, comment pouvez-vous répondre de la sorte, vous qui avez été un recteur d’académie apprécié des élus et qui connaissez les difficultés du monde rural ? Écoutez bien, monsieur le ministre, la colère qui gronde et monte de ces territoires qui se battent pour leur survie !.
Mme Anne Chain-Larché. Faites en sorte que le Président de la République cesse son double langage et honore ses engagements !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Pierre Louault, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Ma question porte sur le même sujet, qui est d’importance pour les territoires ruraux. On ne le dit pas assez : 75 % de notre territoire est en voie d’abandon par l’État et les services publics. Les fermetures d’écoles représentent la goutte d’eau qui fait déborder le vase !
On parle d’aider les zones d’éducation prioritaire. Est-il logique d’appliquer la même norme de 25 élèves par classe à la ville comme à la campagne, quand, dans certains territoires ruraux, un enseignant est confronté à trois, quatre ou cinq niveaux différents au sein d’une même classe ? Il faut à mon sens ramener la norme à 20 élèves par classe pour les territoires ruraux, afin de tenir compte des difficultés spécifiques qu’y rencontrent les enseignants. Je tiens également à insister sur la longueur des déplacements à effectuer en milieu rural pour rejoindre l’école.
Trois ans après avoir organisé un regroupement scolaire, on ferme une classe, ce qui revient à fermer l’école, car celle-ci ne comptait que deux classes… Puis on repart à saute-mouton vers de nouvelles réformes.
Monsieur le ministre, il faut prendre conscience des difficultés des territoires ruraux. Je demande également à M. le Premier ministre de tenir compte de l’ensemble des problématiques, par exemple celles qui sont liées aux zonages européens.
M. Pierre Louault. On prend les décisions depuis Paris, en appliquant des normes dont la définition ignore totalement les spécificités des territoires !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le sénateur, votre question recoupe en effet la précédente, mais elle me permettra de prolonger mon propos, en commençant par où j’ai fini tout à l’heure, c’est-à-dire par l’évocation du cas du département que vous représentez, l’Indre-et-Loire. Ainsi, chacun verra que, pour chaque département, je peux affirmer que le taux d’encadrement s’améliore.
Dans le premier degré, l’Indre-et-Loire comptera 104 élèves de moins l’année prochaine. Pour autant, douze postes d’enseignant sont fléchés pour les dédoublements en REP, douze autres pour les remplacements, et seize pour le soutien aux écoles rurales.
Au total, il y aura six postes supplémentaires alors qu’il y aura moins d’élèves.
Telle est la réalité, et cela vaudra pour chaque département. Je me tiens à la disposition des représentants de tous les départements ruraux de France pour en parler de manière concrète.
En la matière, nous avons, à mon sens, un point d’accord et un point de désaccord.
Le point d’accord, c’est, évidemment, la nécessité de la renaissance du monde rural : à cet égard, vous me trouverez toujours à vos côtés. Nous y travaillons dès à présent, avec Jacques Mézard, au travers des contrats ruraux de département. En ce moment même, nous invitons les départements qui n’en disposent pas à en signer. Chaque fois qu’un contrat rural de département est signé, nous ouvrons cinq postes supplémentaires au bénéfice de la renaissance du milieu rural.
Nous devons avoir des stratégies partagées pour sauver les écoles rurales et, mieux encore, pour les rendre plus attractives. Vous avez parlé des classes multiniveaux : il s’agit, en fait, d’un atout pédagogique.
M. Martin Lévrier opine.
Le point de désaccord, bien moins important que notre point d’accord, tient au fait que, à mon sens, il ne faut pas tenir de discours de déploration au moment même où s’engage une renaissance. Nous devons tous nous associer pour mener ce travail. Nous nous en sommes donné les moyens, au travers de choix budgétaires très importants.
Si nous accentuons le désespoir au sein de la population par des discours qui ne correspondent pas à nos priorités, nous nous faisons du tort.
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
En revanche, si nous travaillons ensemble à cette renaissance, nous réussirons. En tout cas, c’est l’invitation que je vous lance. Je le répète, je me tiens à la disposition de chacun d’entre vous, département par département, en vue de mettre en place une stratégie pour la renaissance du monde rural !
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Il est de bon ton, lors des questions d’actualité au Gouvernement, de faire part à celui-ci de sujets d’inquiétude, de drames, de difficultés existant dans notre pays.
Pour ma part, je souhaiterais poser une question au Gouvernement sur un sujet d’actualité…
M. François Patriat. … qui intéresse tous les Français : celui de la valeur travail et du redressement de notre économie.
Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.
Ce matin, l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, a publié les chiffres relatifs au chômage…
Vives exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
, que le taux de chômage s’élève à 8, 6 % en métropole et à 8, 9 % tous territoires confondus, montre que les efforts menés par les uns et les autres
Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. François Patriat. Je le dis sans triomphalisme et avec objectivité : le retour de la croissance, des décisions prises antérieurement, mais surtout des décisions prises par ce gouvernement pour restaurer la confiance
Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. François Patriat. … ont permis de créer, dans ce pays, un climat favorable et une dynamique de redressement. Je pense aux mesures de simplification, aux mesures en faveur de l’apprentissage et de la formation, aux mesures qui, aujourd’hui, permettent à la fois aux salariés et aux entreprises de bénéficier de davantage de liberté.
Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, pensez-vous que cette pente qui, aujourd’hui, s’accentue (Rires sur les travées du groupe socialiste et républicain.) se confirmera ? Les décisions futures du Gouvernement, avec les dix chantiers que nous allons avoir à aborder ici, permettront-elles à cette embellie de se poursuivre ?
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ce matin, l’INSEE a donc publié les chiffres trimestriels du chômage au sens du Bureau international du travail, plus robustes dans leur présentation et leur définition que les chiffres mensuels, que le Gouvernement a décidé de s’abstenir de commenter.
Ces chiffres trimestriels montrent que le taux de chômage s’établit en France à 8, 9 % de la population active. C’est là son plus bas niveau depuis 2009. Est-ce que je m’en réjouis ? Avant de répondre, je soulignerai que 8, 9 % de la population active, cela correspond très exactement à 3 709 500 personnes. Il y a donc encore, dans notre pays, un peu plus de 3, 7 millions de chômeurs…
Comment oserait-on se réjouir dans ces conditions ? Le chiffre s’améliore, cependant, de même que le taux d’emploi, autre indicateur important : tant mieux. En décembre dernier, le taux d’emploi s’établissait à 65, 7 % dans notre pays : il n’avait jamais été aussi élevé depuis le début des années quatre-vingt. Peut-on s’en réjouir ? Oui, bien sûr. Le travail est-il fini ? Non, bien entendu.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en la matière, nous voulons non pas célébrer une petite victoire – mais une victoire quand même –, sachant que la victoire a toujours mille pères, …
… mais gagner la guerre contre le chômage de masse. Pour l’emporter durablement sur le chômage, nous devons attaquer sur tous les fronts. C’est ce que nous avons commencé à faire, sans rien renier de ce qui avait pu être accompli précédemment, quels que soient les gouvernements, mais en essayant d’apporter des réponses durables, le problème du chômage de masse étant depuis trop longtemps enraciné dans la réalité économique française.
Cela signifie modifier le code du travail, comme nous l’avons fait – je tiens à en remercier le Sénat –, …
… lorsque certaines de ses dispositions nous paraissent de nature à freiner les embauches dans notre pays.
Cela signifie transformer la fiscalité, quand elle nous paraît de nature à freiner les embauches dans notre pays.
Cela signifie améliorer, ô combien, le système de formation, pour que, depuis l’école primaire jusqu’à la formation professionnelle, en passant par le baccalauréat, l’accès à l’enseignement supérieur et l’apprentissage, nous puissions élever le niveau de compétences de nos concitoyens. En effet, chacun le sait, c’est par l’élévation du niveau de compétences que l’on peut réduire durablement le chômage.
Nous entendons donc agir massivement, dans tous les domaines, pour que la France puisse enfin rejoindre l’ensemble des pays qui ont un taux de chômage largement inférieur à celui qui prévaut encore chez elle !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous parler de sa robe, de sa couleur brillante, de ses effluves parfumés, de ce patrimoine français, de cette culture de l’excellence ; je voudrais vous parler, tout simplement, du vin !
Exclamations amusées sur de nombreuses travées. – M. Bruno Sido rit.
Je voudrais vous parler de nous, les vignerons, de la terre que nous avons façonnée pendant des siècles pour en faire des terroirs de renom ; de nous, chefs d’entreprise, qui créons des emplois malgré grêles et gel et qui faisons notre révolution environnementale, sous la forme du bio ou de la haute valeur environnementale, la HVE, car nous sommes avant tout des femmes et des hommes responsables !
Le vin se boit avec modération, mais extase, et ne saurait être ramené à la seule dimension d’une boisson contenant de l’alcool. La profession ne saurait être pointée du doigt, alors que nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans une politique de consommation responsable.
Le candidat Macron, un verre à la main, énonçait que la viticulture était une part vibrante de nos territoires. J’ajouterai que c’est une part importante de notre économie : en 2016, son chiffre d’affaires à l’export atteignait 10, 5 milliards d’euros, ce qui faisait d’elle le deuxième poste excédentaire de la balance commerciale française.
Par courrier en date du 19 janvier dernier, le Président de la République exprimait son souhait que « les acteurs de santé, mais aussi les acteurs économiques » que nous sommes « s’emparent du sujet afin de mener la révolution de la prévention. »
Pourtant, votre ministre des solidarités et de la santé ne cesse de jeter l’opprobre sur nos têtes. §Sa stratégie nationale de santé vise à remplacer une politique de prévention des risques par une politique de prévention de toute consommation d’alcool. Or la consommation de vin a déjà été divisée par deux en cinquante ans, sans que le problème de l’alcoolisme ait été résolu pour autant. Cette voie n’est donc pas la bonne.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous reconnaître l’existence d’une consommation responsable, ou souhaitez-vous suivre votre ministre des solidarités et de la santé, qui veut faire de la France le pays de la prohibition ? Allez-vous nous précipiter dans un grand plan de licenciements et de démembrement, ou allez-vous décider de nous associer à notre destin, comme cela a toujours été le cas et comme le Président de la République s’y est engagé ?
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Madame la sénatrice, permettez à un élu normand, donc issu d’une région où la production viticole est, il faut le reconnaître, …
Sourires.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … moins importante que d’autres productions agricoles, de vous répondre !
Rires.
Comme le Président de la République, comme vous, manifestement, comme des millions de Français, j’aime le vin.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur diverses travées.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Cela n’a pas toujours été le cas de tous les grands élus de notre pays…
Rires et applaudissements sur de nombreuses travées.
Sourires.
Quoi qu’il en soit, madame la sénatrice, même sans y goûter, on peut reconnaître la place particulière qu’occupe le vin dans la culture et dans l’imaginaire français, et l’attachement des Français à ce produit.
Vous nous dites que le Gouvernement, par la voix de Mme la ministre des solidarités et de la santé, serait engagé dans je ne sais quelle croisade contre le vin. Permettez-moi de vous dire que votre propos, que j’entends, que je respecte, m’apparaît outrancier.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
Je le dis comme je le pense.
Madame la sénatrice, d’où tenez-vous que ce gouvernement aurait pris des mesures défavorables aux viticulteurs et à la culture du vin ? Peu de gens le disent, mais vous savez que les négociations internationales menées par la Commission européenne facilitent les exportations et apportent des protections plus solides aux producteurs français de vin. J’observe que, y compris chez ceux qui se targuent d’aimer et de défendre la profession vitivinicole, on dénonce volontiers ces négociations commerciales, en oubliant qu’elles ont également souvent pour objet, et pour effet, de permettre un accroissement et une facilitation des exportations de produits français.
Madame la sénatrice, ce gouvernement aurait-il modifié en quoi que ce soit la fiscalité applicable au vin ? Il n’en est rien.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Pouvez-vous imaginer une seconde que la ministre des solidarités et de la santé, qui, durant sa vie professionnelle, a été médecin et professeur d’hématologie, dise publiquement que le vin ne comporte pas d’alcool et que la consommation d’alcool n’a pas d’impact sur la santé publique ?
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Ce que nous souhaitons faire, c’est développer un usage modéré. Je crois que tout le monde ici accepte l’idée qu’il faille boire le vin avec modération.
Marques d ’ ironie sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Si vous considérez qu’il n’y a pas là de sujet de santé publique, dites-le !
Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Madame la sénatrice, ce que je vous propose, c’est de regarder le problème en face. Nous respectons la place particulière du vin dans la culture et dans l’agriculture françaises, mais nous n’allons pas, pour autant, faire semblant et prétendre qu’il n’existe pas de problème de santé publique. Il serait en effet profondément irresponsable de refuser de voir l’autre face de la pièce !
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. David Assouline et Jean-Pierre Sueur applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous n’ignorez pas le ras-le-bol des professionnels de santé, qui s’exprime dans les luttes en cours et que les parlementaires communistes entendent aussi dans le cadre du tour de France des hôpitaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, qu’ils viennent d’engager.
Oui, notre système de soins se dégrade, et vite ! Oui, le temps des rafistolages est révolu ! Ce n’est pas nous qui vous contredirons quant à la nécessité de développer la prévention, ce qui pose aussi la question de la santé au travail, que les gouvernements successifs ont mise à mal, ou quant à celle de réévaluer les formations médicales, mais encore faudrait-il donner aux universités de véritables capacités d’accueil.
Mettre en œuvre une réforme d’ensemble, oui, mais quelle réforme, et avec quels moyens ? Depuis dix ans, ce sont au moins 7 milliards d’euros d’économies à marche forcée qui ont été imposés à l’hôpital public, dont au moins 1, 4 milliard d’euros au travers de votre seul budget de la sécurité sociale pour 2018, qui marque une progression des crédits de 2, 3 % seulement, alors que l’on estime qu’il faudrait qu’ils augmentent de 4, 5 % pour couvrir les besoins.
Dans ces conditions, l’annonce d’une enveloppe de 100 millions d’euros, conjuguée à une nouvelle ponction sur les tarifs à l’activité, est vécue comme une aumône, voire une insulte, par le monde médical et les personnels soignants, confrontés à l’injonction de toujours faire plus avec toujours moins.
Vous annoncez une concertation : chiche ! Nous ne manquons pas de propositions pour construire ou reconstruire un service public territorialisé et coordonné de santé avec tous les acteurs et les élus concernés, plutôt que de déréguler le droit du travail à l’hôpital public ou de mettre le privé sur le même plan que le public, comme vous le projetez. La finance n’a déjà que trop de place à l’hôpital public, déjà terriblement endetté du fait des politiques d’austérité.
Madame la ministre, accepterez-vous de rencontrer les parlementaires communistes afin d’entendre, à l’issue de ce tour de France que j’ai évoqué et avant d’annoncer votre plan, les témoignages et propositions recueillis, concernant notamment le déploiement d’un plan d’urgence pour les hôpitaux ?
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le sénateur Watrin, bien entendu, je vous rencontrerai : cette concertation sera ouverte à tous les citoyens, aux élus et aux professionnels. Les élus des territoires sont les premiers concernés par les modifications que connaît aujourd’hui le système de santé et par la difficulté d’accéder à des soins de qualité.
Vous l’avez dit, la situation financière des hôpitaux s’est beaucoup dégradée. Le déficit consolidé devrait friser le milliard d’euros en 2017, soit un doublement par rapport à l’année précédente. Cette situation est liée à une stagnation de l’activité des hôpitaux.
La régulation de nos dépenses de santé, qui est fondée sur l’activité des établissements de santé, ne permet pas d’amortir les diminutions d’activité et les conséquences du virage ambulatoire.
Aujourd’hui, il nous faut donc donner des leviers d’action aux établissements pour qu’ils puissent s’adapter aux évolutions des besoins, liées notamment à la progression des maladies chroniques, au développement de la prévention ou à la difficulté de trouver des médecins dans les EHPAD.
À cette fin, comme l’a annoncé M. le Premier ministre, nous avons décidé d’engager une transformation globale et cohérente de notre système de santé, et nous entamons une concertation.
Nous allons essayer de mieux articuler la médecine de ville et la médecine hospitalière, avec des tarifications au parcours de soins, de développer des organisations innovantes incluant le volet médico-social. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, le temps des rafistolages est révolu. Nous lançons cinq chantiers de concertation, portant sur les organisations territoriales, sur les ressources humaines, sur le numérique, sur la tarification et sur la pertinence des actes. Tous les citoyens de ce pays seront appelés à donner leur avis sur une plateforme en ligne, parallèlement aux concertations territoriales que nous engagerons à la fin du mois.
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, avec le Premier ministre, vous avez rendu publiques ce mardi vos ambitions en matière d’organisation des soins dans notre pays.
Ce n’est pas nouveau : notre hôpital public souffre, et nos concitoyens ont du mal à trouver une offre de soins cohérente.
Depuis 2009, de nombreux dispositifs ont été mis en place. Pourtant, les médecins sont de plus en plus absents de nos territoires, et la population est de plus en plus inquiète.
Vous souhaitez renforcer la cohérence entre l’hôpital et la médecine générale, afin de placer le patient au cœur du dispositif de soins : nous le souhaitons également, mais nous ne voyons pas, dans vos annonces, ce qui pourrait permettre l’installation de médecins généralistes là où il en manque.
L’État et les collectivités locales financent l’installation de médecins sans résultats probants. Aussi nous semblerait-il judicieux de rendre publics l’ensemble des financements locaux et nationaux destinés à l’installation des médecins, pour en mesurer l’impact. Êtes-vous prête à faire ce bilan, madame la ministre ?
Par ailleurs, les groupements hospitaliers de territoire, les GHT, visent à mutualiser l’offre hospitalière sur un territoire donné. Or on constate, le plus souvent, le déploiement d’une stratégie d’offre de soins très concentrée sur le plus grand établissement hospitalier, au détriment des plus petits.
Quant à la télémédecine, elle ne saurait être l’alpha et l’oméga de l’offre de soins dans les déserts médicaux.
Madame la ministre, sur ces deux sujets, quelles sont vos intentions ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le sénateur Jean-Luc Fichet, nous sommes évidemment prêts à rendre publics tous les financements incitatifs mis en place par les uns ou les autres. Nous sommes disposés à faire ce bilan, mais nous pensons, comme vous en somme, que les mesures incitatives ne suffisent pas, aujourd’hui, pour remédier aux difficultés que rencontrent les territoires.
Dès le mois d’octobre dernier, nous avons, avec le Premier ministre, proposé un plan dédié à l’amélioration de l’accès aux soins, qui repose sur les trois changements de paradigme suivants.
En premier lieu, il n’est pas forcément nécessaire qu’un médecin s’installe dans un territoire : il s’agit de donner à chaque territoire du temps médical, ce qui peut se faire via l’hôpital ou des professionnels de santé hospitaliers. Chaque territoire doit trouver les leviers d’action pour favoriser cette offre de temps médical dans les zones sous-dotées.
En deuxième lieu, il convient de développer les coopérations interprofessionnelles. C’est également d’un changement culturel qu’il s’agit. Tous les malades n’ont pas systématiquement besoin d’être suivis par un médecin. Aujourd’hui, un patient qui souffre d’hypertension artérielle peut être suivi par une infirmière, à condition que les soins s’inscrivent dans des coopérations régulées. C’est ce que pratiquent d’ores et déjà la plupart des maisons de santé pluriprofessionnelles.
En troisième lieu, il importe de promouvoir la télémédecine.
Bien sûr, y recourir n’est pas l’alpha et l’oméga, mais cela peut raccourcir les délais de prise en charge.
Enfin, nous faisons confiance aux territoires, en leur donnant vingt-six leviers d’action pour adapter leurs organisations territoriales avec beaucoup plus de souplesse, beaucoup plus de liberté, selon leurs besoins.
Au titre du grand plan d’investissement, nous allouons 400 millions d’euros à la création de maisons de santé pluriprofessionnelles. Nous souhaitons en doubler le nombre d’ici à la fin du quinquennat, mais cela n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de la médecine de demain.
Ces vingt-six mesures sont à la disposition des territoires. Les agences régionales de santé vont animer, dans chaque territoire, des réflexions avec les élus, les professionnels de santé et les citoyens, en vue de définir la réponse la plus appropriée aux besoins de santé de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
M. Jean-Luc Fichet. Madame la ministre, je vous remercie, mais vous ne répondez pas réellement à ma question. Vous me dites que 400 millions d’euros supplémentaires seront mobilisés, dont acte ! Aujourd’hui, les mesures d’incitation ne suffisent plus. À mon sens, il faudra réellement envisager le recours à la coercition envers les professionnels de santé ; sinon, nos territoires resteront dépourvus d’offre de soins et, en particulier, de médecins généralistes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Anne-Catherine Loisier et M. Julien Bargeton applaudissent également.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Madame la ministre, un espoir a pu naître au sujet des transports ferroviaires, et plus précisément du TGV, lorsque vous avez affirmé en novembre dernier, au Sénat, à propos de votre projet de loi de programmation des infrastructures : « Je tiens à vous assurer que les enjeux d’aménagement du territoire seront bien pris en compte. »
Au premier abord, le rapport Duron confirme la priorité de réduire les inégalités territoriales en assurant un meilleur accès au rail pour les villes moyennes et les territoires ruraux. Mais quelle déception de découvrir ensuite que nombre de projets inscrits dans le Grenelle de l’environnement sont balayés d’un revers de main !
Ainsi, le Grand Centre Auvergne Massif central, qui comprend 17 millions d’habitants, peut s’asseoir sur sa mobilité ferroviaire et sur son désenclavement. Et que dire de Clermont-Ferrand, que ce rapport condamne à être la capitale régionale la plus éloignée de Paris en termes de temps de transport ferroviaire ?
Avec mon collègue Rémy Pointereau, remarquable président de l’association TGV Grand Centre – Paris-Orléans-Clermont-Lyon, nous partageons la crainte que cette liaison TGV ne soit jamais réalisée. Madame la ministre, quelle est votre conception du maillage ferroviaire national et du désenclavement des territoires ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.
Monsieur le sénateur Boyer, vous m’interrogez sur la prise en compte de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon dans le rapport du Conseil d’orientation des infrastructures.
Tout d’abord, je tiens à saluer l’énorme travail accompli au cours des derniers mois par cette instance qui réunit des parlementaires de tous bords, dont les sénateurs Hervé Maurey, Gérard Cornu et Michel Dagbert, des représentants des régions, des départements et des agglomérations, ainsi que des experts.
Ce travail était indispensable pour tourner la page de décennies de promesses non financées : en matière de lignes à grande vitesse, 36 milliards d’euros ont été promis dans tout le pays ; des mises à niveau de routes nationales sont, depuis trop longtemps, reportées de contrat de plan en contrat de plan ; l’entretien comme la modernisation de notre réseau ferroviaire ont été négligés.
C’est pour sortir de l’ensemble de ces impasses que le Conseil d’orientation des infrastructures propose une vision globale des infrastructures au service de l’ensemble des territoires, en donnant la priorité à l’entretien et à la modernisation des réseaux ainsi qu’aux transports de la vie quotidienne.
Il s’agit d’une vision sincère, qui met en évidence les coûts en jeu, et donc les ressources qu’il nous faudra dégager. Je note que c’est là exactement la méthode préconisée par la commission des finances de la Haute Assemblée dans son rapport de septembre 2016 intitulé « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement ».
Nous allons étudier les différents scénarios présentés par le Conseil d’orientation des infrastructures. C’est le Parlement qui, in fine, aura à se prononcer, lors de l’examen du projet de loi de programmation des infrastructures, à partir d’une vision globale, cohérente et sincère des projets que l’on peut réaliser.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais les propos tenus par M. Duron au Sénat la semaine dernière, selon lesquels il est préférable de phaser les projets plutôt que de les repousser indéfiniment, demeurent très inquiétants.
Lors de la visite du Président de la République en Auvergne il y a quelques semaines, les élus locaux, départementaux et régionaux, de toutes sensibilités politiques, lui ont remis une motion affirmant la nécessité de construire une ligne à grande vitesse. Aujourd’hui, nous doutons que cet appel soit entendu.
Vous le savez, l’investissement dans les infrastructures de transport conditionne le développement et l’avenir de tous les territoires. Madame la ministre, vous préparez une France à deux vitesses, où coexisteront trains à petite vitesse et trains à grande vitesse, voies expresses rapides et routes de campagne sur lesquelles on sera condamné à rouler à 80 kilomètres par heure, territoires premiers de cordée et territoires méprisés, …
M. Jean-Marc Boyer. … une France en marche avant et une France en marche arrière.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Ce soir, près de 2 000 Parisiens recenseront anonymement les personnes passant la nuit dans la capitale sans aucun abri, à l’occasion de la Nuit de la solidarité.
La vague de froid et les chutes de neige qui se sont abattues sur la France la semaine dernière ont multiplié les problèmes : réseaux ferroviaires et trafic aérien perturbés, routes impraticables, usagers immobilisés… Ces blocages, certes pénibles, ne doivent pas occulter la dure réalité vécue par les personnes sans abri, les plus touchées par ces conditions hivernales extrêmes.
Ainsi, trente-deux départements ont activé le plan Grand Froid afin d’ouvrir de nouvelles places d’hébergement, de renforcer les équipes du SAMU social, d’intensifier les maraudes et d’allonger les heures d’ouverture des accueils de jour et de nuit. Mais combien de personnes oubliées, seules face au froid glacial de la rue ? Combien de personnes non détectées par les maraudes ? Combien de personnes obligées de retourner à la rue dès que la remontée de la température mettra fin au plan d’alerte ?
Nous ne connaissons pas ces chiffres, mais il en est un qui est insoutenable : depuis le 1er janvier, 45 personnes sont décédées dans nos rues en France, et l’on a dénombré 403 morts en 2017 !
Si ces conditions climatiques exceptionnelles amènent la prise de mesures exceptionnelles et la mise à l’abri de personnes supplémentaires, des réponses durables doivent être apportées. Héberger une personne sans abri, au coup par coup, pour une nuit, et la laisser regagner la rue le lendemain ne me semble pas être une réponse à la hauteur de sa détresse.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le ministre de la cohésion des territoires, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour faire du logement un levier de réinsertion des personnes en difficulté ? Dans quelle mesure le lancement du plan quinquennal Logement d’abord va-t-il permettre d’honorer la promesse formulée par le chef de l’État l’été dernier : « Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus » ?
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice Denise Saint-Pé, vous abordez un sujet grave. Ces drames quotidiens que nous connaissons sont malheureusement le lot de presque tous les pays dits développés, à l’exception peut-être de quelques pays nordiques.
Le Gouvernement a pris à bras-le-corps cette problématique, comme d’autres l’avaient fait avant lui, en faisant débuter la période hivernale dès le 1er novembre et en déclenchant le plan Grand Froid il y a une dizaine de jours dans trente-sept départements.
La première réponse, immédiate, consiste à ouvrir davantage de places. Nous l’avons fait en mettant à disposition 10 000 places de plus que l’année dernière, c’est-à-dire plus qu’il n’y en a jamais eu. Cela ne saurait pour autant constituer un motif de satisfaction : cet effort répond au constat des graves difficultés que nous connaissons dans notre pays en matière de solitude et de misère. Cette première réponse est efficace, même si l’on peut toujours considérer qu’elle est insuffisante.
La seconde réponse est le lancement du plan Logement d’abord, qui vise à permettre le passage de l’hébergement d’urgence à un logement pérenne. Ce plan, mis en œuvre en collaboration avec les collectivités locales – nous avons reçu plusieurs dizaines de demandes d’intercommunalités –, permettra d’ouvrir 10 000 places en pension de famille supplémentaires et 40 000 places en intermédiation locative au cours du quinquennat. C’est comme cela que nous pourrons avancer tous ensemble !
Permettez-moi enfin de rappeler que la collectivité nationale consacre déjà 2 milliards d’euros à l’hébergement d’urgence. Certes, on peut toujours faire plus, sachez en tout cas que nous travaillons au quotidien pour apporter une réponse à un drame humain qui nous concerne tous.
Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.
La parole est à M. Dominique Théophile, pour le groupe La République En Marche.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le Gouvernement a annoncé récemment une refonte audacieuse et globale du système de santé, ayant pour objectif d’optimiser l’offre de soins et de mieux financer les établissements de santé dans notre pays.
Depuis plusieurs années, le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre est confronté à des difficultés financières qui entravent son bon fonctionnement. Vous-même aviez mis en place un plan ambitieux d’accompagnement, dont l’objectif était d’améliorer la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients, mais la situation s’est aggravée à la suite de l’incendie qui a frappé l’établissement de Pointe-à-Pitre le 28 novembre dernier.
Ce sinistre appelle non seulement la remise en état des locaux, mais également l’élaboration d’une stratégie pour préserver les effectifs de médecins, sachant que 50 % des urgentistes sont sur le point de quitter le CHU. Cela s’ajoute aux difficultés classiques de recrutement de spécialistes et ne favorise pas la bonne prise en charge des patients, ce qui entraîne un taux de fuite important.
De ce fait, le plan annoncé apparaît aujourd’hui insuffisant. Il doit donc être adapté pour répondre à l’urgence de la situation.
Par ailleurs, il est important, pour garantir un niveau de trésorerie constant propre à assurer la fluidité des approvisionnements en médicaments et autres fournitures, de mensualiser le versement des aides. Cette mesure contribuerait au bon fonctionnement du CHU de la Guadeloupe.
Madame la ministre, vous connaissez mon engagement dans le domaine de la santé et la préoccupation constante que constitue pour moi l’amélioration de l’état de l’offre de soins dans nos territoires. Ma question est la suivante : au regard de cette situation inédite, quelles mesures financières complémentaires comptez-vous mettre en œuvre pour solidifier la trésorerie du CHU de Pointe-à-Pitre et procéder aux réparations et acquisitions d’équipements nécessaires, sans attendre l’application de la nouvelle réforme concernant le financement des hôpitaux ?
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Monsieur le sénateur Dominique Théophile, l’incendie qui a touché le CHU de la Guadeloupe le 28 novembre dernier a effectivement été dramatique. S’il n’a, heureusement, pas provoqué de drame humain, il a énormément fragilisé l’offre de soins en Guadeloupe.
Vous le savez, j’ai pris ce sujet à bras-le-corps et je me suis rendue sur place quarante-huit heures après le sinistre. Je tiens à souligner l’extrême sang-froid des professionnels de cet établissement, qui ont évacué celui-ci en quasi-totalité sans blessés, de la présidente de la commission médicale d’établissement, Mme Suzy Duflot, qui opérait pendant que la fumée envahissait le bloc opératoire, du directeur général, M. Pierre Thépot, qui met tout en œuvre pour remettre en état le CHU.
Nous avons fait livrer un hôpital de campagne, mais il faut également que les finances soient au rendez-vous ; nous y travaillons. J’ai ainsi décidé d’allouer au CHU de la Guadeloupe 69 millions d’euros d’aides exceptionnelles en 2017, soit 20 millions d’euros supplémentaires par rapport au montant perçu en 2016, qui était déjà d’un niveau très exceptionnel.
Ces 20 millions d’euros supplémentaires permettront d’acquérir sans délai les équipements et prestations de travaux nécessaires à la remise en état du CHU de la Guadeloupe, s’agissant notamment de l’achat ou de la location de blocs opératoires.
Par ailleurs, je suis en mesure de vous confirmer que, comme en 2017, les aides en trésorerie continueront d’être mensualisées en 2018.
En conclusion, je souhaite que les Guadeloupéens retrouvent rapidement une offre de santé à la hauteur de leurs besoins. Dans cette perspective, je souhaite que le CHU soit remis en état, en attendant la livraison du nouvel hôpital en 2022. Le processus d’attribution des marchés publics a commencé ; il s’agit d’un investissement massif de l’État, à hauteur de 580 millions d’euros. Vous pouvez compter sur mon entière détermination au service de la santé des Guadeloupéens.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Jourda, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. J’y associe mes collègues Henri Cabanel et Franck Montaugé, ainsi que l’ensemble des sénateurs, siégeant sur toutes les travées, qui ont maintes fois sollicité le Gouvernement à propos du nouveau périmètre des zones défavorisées.
Oui, nous vous avons alerté sur cette question, et nous avons relayé auprès de vos services les inquiétudes de nos agriculteurs. C’est aujourd’hui que vous arrêtez la carte définitive des nouvelles zones, pour la transmettre à Bruxelles le 1er mars. Cela veut-il dire qu’il nous reste quatorze jours pour vous convaincre ou convaincre le Président de la République ?
Éclairez notre lanterne : qu’avez-vous inscrit dans cette carte ? Quel est le nouveau périmètre des zones défavorisées ? Quels critères avez-vous retenus ? Pouvez-vous nous les exposer ?
M. Travert dit avoir travaillé dans la concertation, l’équilibre et la clarté ; la concertation, l’équilibre et la clarté sont si flagrants que les agriculteurs touchés et les élus concernés ont manifesté et manifestent encore sur nos routes et autoroutes, ainsi qu’au cœur de départements aussi divers que l’Aude, le Gers, l’Ariège, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, les Pyrénées-Atlantiques, le Loiret, l’Aveyron, les Deux-Sèvres, jusqu’au Val de Loire… Avez-vous tenu compte de leurs revendications et de la réalité des situations dans ces territoires défavorisés ?
Chez moi dans l’Aude, en Occitanie, les agriculteurs de La Piège et du Razès, désormais exclus du zonage, se sont vu refuser par les services de l’État la transmission de l’étude de l’Institut national de la recherche agronomique et de ses critères de sélection. Au total, vingt-quatre communes et cinquante-cinq exploitations sont touchées. Est-ce normal ?
Au regard de ces inquiétudes et angoisses croissantes, pouvez-vous nous dire combien de communes ont été réintégrées dans le périmètre des zones défavorisées ? Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner dans la durée les agriculteurs des communes qui resteront exclues du zonage ? Il y va de leur survie et de la pérennité de leur activité.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
M. Christophe Castaner, secrétaire d ’ État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice Gisèle Jourda, vous avez raison.
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous nous avez alertés, mais peut-être auriez-vous pu, au lieu de cela, faire le travail.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains.
En effet, le zonage que nous retravaillons a quarante ans, et cela fait quinze ans que la Cour des comptes européenne demande à la France de le revoir. Au fond, dans le passé, la couardise a poussé à laisser à d’autres la responsabilité de mettre cette injonction en œuvre.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.
Madame la sénatrice, je ne doute pas de la sincérité de votre préoccupation, que je partage, concernant les exploitants agricoles qui perdront le bénéfice de l’aide compensatoire liée à l’appartenance à une zone défavorisée simple ou de l’indemnité compensatoire de handicaps naturels, l’ICHN. Élu des Alpes-de-Haute-Provence, je sais l’importance de l’ICHN dans les territoires ruraux de montagne.
Je constate, à la lecture de la carte de France telle qu’elle a été présentée à l’ensemble de la profession, que le nouveau zonage comprendra 3 555 communes de plus que l’actuel. Pour ce qui concerne votre département – je fais mienne la méthode de Jean-Michel Blanquer –, une centaine de communes sont aujourd’hui incluses dans le périmètre ; demain, il y en aura le double !
Madame la sénatrice, je ne doute pas que vous irez expliquer aux agriculteurs concernés qu’ils doivent cette amélioration de la situation non pas à votre intervention de ce jour, mais à l’action de Stéphane Travert. Peut-être même aurez-vous le courage politique de leur dire pourquoi vous n’avez pas, dans le passé, entrepris cette révision de la cartographie dont une centaine de nouvelles communes de votre département vont bénéficier !
Huées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie et des finances.
Le Président de la République avait annoncé une réforme des retraites par points. Nous n’avons vu venir, dès janvier, que des points de CSG supplémentaires…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
En mai dernier, le Président de la République faisait la déclaration suivante : « Aux plus aisés des retraités, je demanderai un effort. » Le montant moyen de la retraite est de 1 376 euros, soit 100 euros de moins que le SMIC. Vous prenez directement 300 euros de plus chaque année dans les poches des deux tiers des retraités.
Sont-ils les plus aisés, ceux qui ont travaillé toute leur vie pour un salaire modeste, ceux qui ont connu des carrières incomplètes du fait du chômage de masse ?
Ce nouveau revirement n’est, hélas ! que l’illustration de vos ratés technocratiques en matière de pouvoir d’achat. La neutralité fiscale annoncée s’est muée en simple neutralité du paquet de cigarettes, accompagnée de taxes supplémentaires. Elle s’est muée en hausse des taxes sur les carburants d’aujourd’hui et de demain pour le banlieusard, toujours obligé de prendre sa voiture pour aller travailler, ou pour le provincial, qui en a besoin tout simplement pour vivre. Et je ne parle pas du nombre et du montant des amendes de stationnement, qui explosent…
Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.
Toutes ces classes moyennes, oubliées voire inconnues du Gouvernement, souffrent d’un pouvoir d’achat fortement entamé en ce début d’année, menaçant la croissance enfin retrouvée. À cette triste réalité humaine s’ajoutent les annonces de l’INSEE sur la baisse générale du pouvoir d’achat, qu’un de vos collègues s’est permis de dénoncer, toute honte bue.
Monsieur le ministre, ma question est simple : pour corriger radicalement les erreurs qui découlent du tropisme par trop technocratique et parisien du Gouvernement, quelles mesures allez-vous prendre dès ce printemps en vue d’assurer un partage enfin juste des fruits de la croissance ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nassimah Dindar applaudit également.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Monsieur le sénateur Jérôme Bascher, votre question est intéressante, car elle porte sur le pouvoir d’achat et sur la manière dont nos concitoyens peuvent vivre et envisager de construire leur avenir aujourd’hui.
Il est vrai que la CSG a été augmentée. Cette augmentation a été compensée, pour l’ensemble des salariés du secteur privé, par une diminution de 3, 15 points des cotisations salariales d’assurance chômage et d’assurance maladie, ce qui se traduit par une progression du pouvoir d’achat, laquelle sera amplifiée par la deuxième vague de baisse des cotisations, au mois d’octobre, et la mise en œuvre du dégrèvement de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages.
La CSG a été augmentée pour les fonctionnaires, mais nous avons veillé à ce que cette augmentation soit totalement neutralisée. Nous avons ainsi prévu une indemnité compensatrice, dont les modalités ont été fixées par un décret du 31 décembre 2017. Par ailleurs, nous avons fait en sorte que les employeurs publics aient les moyens de compenser l’augmentation de la CSG, en inscrivant 290, 5 millions d’euros de crédits à cette fin dans le budget de l’État, et nous avons instauré, pour les autres employeurs, une diminution de la cotisation patronale d’assurance maladie de 11, 5 % à 9, 78 %.
Il est vrai que la CSG a été augmentée pour les retraités. Toutefois, cette augmentation s’applique uniquement à partir d’un revenu fiscal de référence supérieur à 14 404 euros pour une personne seule, ce qui correspond à un montant de pension mensuel net de 1 394 euros pour une personne de plus de 65 ans, et de 1 289 euros pour une personne retraitée de moins de 65 ans.
Pour les deux tiers des retraités, la mesure sera neutre. Une partie d’entre eux bénéficiera d’une exonération et, par ailleurs, le montant moyen de dégrèvement de la taxe d’habitation permettra de neutraliser l’augmentation de la CSG.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que les fruits de la croissance sont partagés équitablement et qu’ils continueront de l’être. Les Français le savent, et ils savent que le projet présidentiel s’appliquera progressivement à leur avantage.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d ’ État. Permettez-moi aussi de rappeler que les mesures que nous mettons en œuvre sont bien différentes de l’augmentation de deux points de la TVA préconisée par le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez. Si cette mesure avait été mise en œuvre par votre famille politique, elle aurait entraîné un accroissement de la fiscalité de 13 milliards d’euros…
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la misère existe dans notre pays, des femmes et des hommes vivent dans la rue et, depuis le début de l’année, plusieurs SDF sont morts à Paris. Nous devons tous lutter contre cette réalité ; c’est une question d’humanité.
Lorsque j’entends M. Julien Denormandie, secrétaire d’État, déclarer que « le nombre de personnes isolées dormant dans la rue en Île-de-France correspond à une cinquantaine », je m’indigne et je l’invite à aller à leur rencontre.
À l’occasion d’une récente interview, Louis Gallois, président de la Fédération des acteurs de la solidarité, a révélé que les préfets excluraient de leur comptage des personnes sans abri les célibataires et ceux qui vivent sous une tente. Sans doute les préfets se sentent-ils liés par la promesse du Président de la République qu’« il n’y aura[it] plus personne dans la rue à la fin de l’année 2017 ». Nous sommes en 2018 et, hélas, cette promesse non plus n’est pas tenue…
Monsieur le Premier ministre, pensez-vous, comme Julien Denormandie, qu’il n’y a qu’une cinquantaine de personnes qui dorment dans la rue en Île-de-France ? Pensez-vous, comme le député de votre majorité Sylvain Maillard, que l’immense majorité des SDF passent la nuit dehors par choix ? Pensez-vous, monsieur le Premier ministre, que le Président de la République, emporté par sa communication, a tenu sa promesse ? Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas plutôt que nous sommes là face à trois fake news ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires. Madame la sénatrice Marta de Cidrac, au regard des drames de la misère et la solitude que vous évoquez, cette polémique sur les chiffres est tout à fait déplorable.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Je ne me suis jamais engagé dans ce débat sur les chiffres, mais je sais que nous partageons tous, dans cet hémicycle, au Gouvernement, à l’Assemblée nationale et dans nos collectivités locales, un même objectif : qu’il y ait le moins possible de nos concitoyens qui vivent dans la rue.
Cette polémique est déplorable ! Jamais nous ne donnerons des ordres aux préfets afin de cacher la vérité ! Nous les respectons trop pour cela, et si Julien Denormandie et moi-même tenons chaque semaine une conférence avec les treize préfets de région, ce n’est pas pour leur demander de masquer les chiffres, mais pour réaffirmer la nécessité de faire en sorte qu’il n’y ait plus un enfant, plus une famille dans la rue.
Effectivement, si des résultats positifs ont été obtenus, il y a encore beaucoup trop d’hommes et de femmes sans abri dans notre pays. Mais, je vous le dis en face, faire de ce drame un sujet de polémique et de petites phrases pour les matinales, c’est détestable !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
(Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.) Ensemble, faisons mentir Bertolt Brecht, selon qui « si les puissants de la terre sont capables de provoquer la misère, ils sont incapables d’en supporter la vue ». Nous comptons tout de même sur vous…
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
De grâce, monsieur le ministre, attelez-vous au travail de fond, et cessons de polémiquer. §
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le mardi 20 février, à seize heures quarante-cinq.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Marie-Noëlle Lienemann.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants (texte de la commission n° 295, rapport n° 294).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le vote des conclusions d’une commission mixte paritaire réussie est toujours un moment fort et émouvant.
Je tiens, tout d’abord, à remercier le rapporteur de l’Assemblée nationale, Gabriel Attal, pour son travail, ses propos à mon égard et la réussite de la commission mixte paritaire. Je remercie également Mme la ministre pour son écoute et le respect de la Haute Assemblée dont elle a fait montre.
La réussite de la commission mixte paritaire était loin d’être une évidence au début de l’examen de ce projet de loi. Je m’étais d’ailleurs, dès l’automne, engagé auprès de mes collègues à être un rapporteur vigilant ; je m’y suis astreint. C’est ainsi que le Sénat a pu, indiscutablement, apposer sa marque de fabrique sur le texte.
En séance publique, la semaine dernière, nous avons rappelé les principes auxquels nous sommes attachés en matière d’enseignement supérieur.
Il s’agit, d’abord, de la primauté de l’insertion professionnelle, car il est criminel de laisser des jeunes s’engager dans des voies que l’on sait sans issue.
C’est au nom de ce principe que votre commission avait proposé que les modifications des capacités d’accueil prennent en compte les taux d’insertion professionnelle observés, de façon à éviter d’ouvrir toujours plus de places dans des formations certes très demandées, mais sans débouchés professionnels. Je sais, madame la ministre, que certains syndicats s’en sont émus. Je tiens à affirmer solennellement ici que, à aucun moment, vous n’avez envisagé de fermer des filières en fonction des perspectives d’insertion professionnelle. Vous avez, en revanche, été attentive à l’inscription de ce principe dans le projet de loi, parce que cette dimension doit être prise en compte.
C’est également au nom de ce principe que de nombreux amendements visant à renforcer la prise en compte de l’insertion professionnelle des étudiants avaient été adoptés par notre assemblée, sur l’initiative de nos collègues Guy-Dominique Kennel et Max Brisson.
Le deuxième principe qui a guidé notre travail est le respect de l’autonomie des établissements. Nous devons faire confiance à nos établissements et à leurs équipes dirigeantes ! Ils sont bien souvent, dans les dispositifs que le législateur imagine, les mieux placés pour évaluer les situations et apporter des solutions adaptées à la réalité du terrain.
La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, à l’élaboration de laquelle j’ai pu participer, est une loi importante pour l’université française et marquante pour nos territoires.
Au nom de ce principe, votre commission avait souhaité que l’établissement soit associé à la décision d’inscription dans une formation du candidat qui n’aurait reçu aucune réponse positive à l’issue de Parcoursup.
Au nom du même principe, nous avions proposé que les établissements puissent fixer librement les droits de scolarité des étudiants extracommunautaires, comme l’avait proposé notre collègue Olivier Paccaud.
Le troisième principe que nous avons souhaité défendre est celui de transparence, car l’accès à l’information permet à nos jeunes de prendre des décisions éclairées pour leur avenir.
Ce principe avait conduit votre commission à proposer la publication des algorithmes locaux qui seront utilisés par les établissements pour classer les candidatures.
Au nom de ce même principe, nous avons renforcé les obligations statistiques des établissements d’enseignement supérieur, mais aussi des établissements scolaires, comme le souhaitait notre collègue Stéphane Piednoir.
Mes chers collègues, je dois le reconnaître, le texte que nous avons voté en commission mixte paritaire et que le Gouvernement nous soumet cet après-midi est, en de nombreux points, bien différent de celui que nous avons voté voilà une semaine. Plusieurs apports du Sénat, parmi ceux que je viens de citer, n’ont pas passé le cap de la commission mixte paritaire. C’est la loi du genre…
Cela ne signifie aucunement que nous aurions renoncé à nos convictions, que nous aurions accepté de signer un blanc-seing au Gouvernement. Nous avons décidé, en conscience, d’aboutir à un texte de compromis avec l’Assemblée nationale, car il aurait été irresponsable de prendre en otage les quelque 850 000 candidats qui ont déjà commencé à renseigner Parcoursup.
Bien entendu, nous avons regretté l’étroitesse du calendrier parlementaire dans lequel nous avons été enserrés. Mais notre sens de l’intérêt général, monsieur Assouline, nous a naturellement conduits à accepter le caractère d’urgence de cette réforme et les contraintes qui en découlaient.
La semaine dernière, madame la ministre, vous avez eu l’obligeance de rappeler à cette tribune que, sur de nombreux sujets, le Sénat avait été précurseur. Je vous en remercie.
De fait, il l’a été sur la réforme du régime de sécurité sociale des étudiants, grâce à Catherine Procaccia, sur l’orientation vers et dans le supérieur, grâce à Guy-Dominique Kennel, sur la sélection à l’entrée dans le second cycle, grâce à Jean-Léonce Dupont.
Permettez-moi de penser, et même d’espérer, que le Sénat aura été, cette fois encore, précurseur dans ses travaux et que, dans les mois à venir, nous constaterons des progrès sur les nombreux sujets que nous avons soulevés dans cet hémicycle et qui n’ont pas trouvé grâce aux yeux de nos collègues députés.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – Mme Colette Mélot applaudit également.
Madame la présidente, madame la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, au cœur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, il y a une ambition : accompagner un plus grand nombre de lycéens et d’étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite. Telle est l’épine dorsale de ce texte, telle est la boussole que je me suis fixée ; telle est, aussi, la conviction que j’ai souhaité partager avec vous tout au long des débats parlementaires.
Chacun le voit bien : la massification s’est faite, à l’école comme à l’université, mais la démocratisation reste à faire. L’accomplir et la réussir, tel est le défi qui se présente à nous.
C’est la raison pour laquelle, au-delà des dysfonctionnements inacceptables qu’a connus la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, le Gouvernement a souhaité construire un plan Étudiants qui appréhende dans sa globalité la question de l’accès aux études supérieures, dans ses composantes tant pédagogiques que matérielles.
Le plan Étudiants est un bloc, qui apporte des réponses concrètes à des questions concrètes, sans séparer l’accompagnement pédagogique des politiques de prévention ni de l’action en faveur de la vie étudiante.
Tout au long de la préparation et de l’examen de ce projet de loi, je me suis attachée à faire vivre le dialogue le plus large avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur et des forces politiques représentées dans cet hémicycle, parce que je sais que l’enjeu est essentiel, et que l’avenir de notre jeunesse fait partie de ces grandes causes qui peuvent nous rassembler très largement.
Aussi ai-je souhaité asseoir ce projet de loi sur une base saine et solide, en ouvrant une large concertation dès le mois de juillet dernier et en la conduisant tout au long de l’été.
Ce dialogue, je l’ai noué dès le jour de ma prise de fonctions et je le poursuis jour après jour. Il est essentiel, en effet, de continuer à partager, chaque fois que cela est nécessaire, les points de vue et les attentes, d’entendre les interrogations et de dissiper les incompréhensions.
Je sais que vous partagez cette conviction, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs ; nos débats en ont témoigné : ils ont permis à chacun, dans le respect, d’exprimer ses convictions propres et d’entendre ce que l’ensemble des forces politiques avaient à dire.
Ce débat est légitime, il est nécessaire et sain dans une démocratie, et c’est le rôle constitutionnel du Sénat d’apporter ainsi un autre regard sur les orientations politiques du Gouvernement.
En première lecture, le Sénat a fait entendre sa voix. Nous avons eu, parfois, des divergences, comme chacun a pu le constater, mais nous avons aussi eu à cœur, collectivement, d’avancer. Je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous en remercier.
Au stade de l’examen des conclusions la commission mixte paritaire, je me réjouis très sincèrement que celle-ci ait été conclusive. Je remercie la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, le rapporteur, Jacques Grosperrin, et l’ensemble des membres de la commission mixte paritaire d’avoir su travailler dans un esprit constructif.
En effet, quelles que puissent être nos divergences, le souci de tourner la page du tirage au sort et de mieux accompagner les futurs étudiants vers l’enseignement supérieur et vers la réussite nous rassemble.
Comme je l’ai souligné lors de la présentation du projet de loi, sur de nombreux sujets, tels que l’orientation et le tirage au sort, mais également le régime de sécurité sociale étudiant, le Sénat a été précurseur.
Sur de nombreux points, nous sommes parvenus ensemble à améliorer le texte présenté par le Gouvernement, qu’il s’agisse de l’accueil sur Parcoursup de toutes les formations dès 2019, du renforcement des informations mises à la disposition des futurs étudiants sur la plateforme ou de l’élargissement aux étudiants âgés de 25 à 28 ans des actions de prévention mises en place dans le cadre de la réforme.
Le rôle de vos commissions et de vos rapporteurs a été décisif, et je tiens à le saluer, comme je salue et remercie l’ensemble des sénateurs, issus des différents groupes politiques, qui ont contribué à enrichir et à améliorer ce texte.
Nous avons aussi eu des désaccords. J’en rappellerai trois principaux.
Le premier tenait à la signification de l’autonomie des universités. Nul n’est plus attaché à celle-ci que moi, vous le savez : je suis convaincue que les universités sont fortes lorsqu’elles sont autonomes et qu’elles ont les moyens de construire et d’affirmer un projet à la fois pédagogique et scientifique.
Reste que la régulation assurée par l’État doit être à la hauteur de cette autonomie, afin de garantir le respect des attentes collectives qui sont les nôtres et de principes fondamentaux.
Il s’agit non pas d’une posture théorique, mais d’une conviction pragmatique : c’est bien l’État, par exemple, qui est le garant de l’ouverture de l’enseignement supérieur à l’ensemble des étudiants. C’est la raison pour laquelle, dans la procédure Parcoursup, c’est le recteur qui doit pouvoir inscrire les futurs bacheliers lorsqu’ils n’ont pas reçu de proposition d’affectation.
Le Sénat, rejoint sur ce point par la commission mixte paritaire, a souhaité que cette inscription d’office puisse être précédée d’un dialogue. J’y suis bien sûr favorable, comme je suis favorable à l’idée, issue des travaux de la commission mixte paritaire, de permettre aux établissements de nourrir ce dialogue en faisant à leur tour des propositions.
Ce dialogue est nécessaire, de même qu’il est nécessaire que le recteur puisse, in fine, prononcer l’inscription. Je salue donc la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire, qui me paraît parfaitement équilibrée.
Les critères de fixation des capacités d’accueil ont été un deuxième sujet de divergence entre nous.
Sur ce sujet qui fait couler beaucoup d’encre depuis quelques jours, vous aviez souhaité, sur l’initiative de votre rapporteur, corréler directement la décision aux taux de réussite et d’insertion professionnelle. Le Gouvernement entend la volonté exprimée par le Sénat de donner toute sa place à la mission d’insertion professionnelle, qui est, depuis 2007, l’une des quatre missions reconnues aux universités, au côté de la création de connaissances, de la diffusion de celles-ci et de la diffusion de la culture scientifique et technologique.
De nombreux amendements déposés en ce sens ont permis de consolider les dispositifs existants. Les dispositions qui en sont issues figurent dans le texte adopté par la commission mixte paritaire.
Pour autant, établir une corrélation directe entre les capacités d’accueil et les taux de réussite et d’insertion aurait comporté le risque d’installer une forme d’« adéquationnisme », alors même que nous voyons tous les jours émerger de nouveaux métiers et de nouveaux besoins de qualifications, par exemple dans le domaine du numérique.
Nous avons beaucoup échangé sur ce sujet avec le rapporteur, Jacques Grosperrin, que je remercie de la qualité du dialogue noué, sur ce point comme sur tous les autres.
Là aussi, la commission mixte paritaire a permis une clarification, en mettant en avant la notion de perspectives d’insertion professionnelle, mais en prenant en compte aussi le projet de formation et de recherche des établissements et les attentes des étudiants.
Cette rédaction me paraît plus équilibrée et permet de prendre en compte l’intégralité des attentes exprimées, y compris celles des étudiants. En effet, comme vous le voyez chaque jour sur vos territoires, le choc démographique est là : nous avons le devoir d’y répondre, en accompagnant et en guidant les futurs étudiants, bien sûr, mais aussi en ouvrant largement les portes de notre enseignement supérieur, y compris celui qui est plus professionnalisant, à l’ensemble des étudiants.
C’est la marque du Sénat que de pouvoir exprimer ses différences de point de vue tout en faisant œuvre législative utile. Tel est bien le cas en l’occurrence, ainsi qu’en témoignent le texte de la commission mixte paritaire et vos travaux.
Vous avez, mesdames, messieurs les sénateurs, saisi tout l’enjeu de cette réforme, et je tenais à vous en remercier. L’important, c’est bien de répondre aux attentes des futurs étudiants et de leurs familles, qui ont besoin de clarté et de sérénité pour faire leurs choix en toute responsabilité.
Si vous adoptez les conclusions de la commission mixte paritaire, votre vote nous permettra de clore le chapitre de la refondation juridique de l’accès à l’enseignement supérieur, pour ouvrir celui de la mise en œuvre de la campagne d’affectation 2018.
Je sais que les attentes et les exigences qui pèsent sur le Gouvernement sont fortes : sachez que je suis déterminée à y répondre avec énergie, calme, sérénité, dans l’intérêt de notre jeunesse !
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Assemblée nationale et le Sénat ont abouti, avant-hier, à un texte de compromis sur le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
Il convient tout d’abord de saluer le travail des rapporteurs, Gabriel Attal et Jacques Grosperrin, qui nous permet aujourd’hui d’examiner un texte équilibré, respectueux des avis des uns et des autres et, surtout, essentiel à la refonte de notre système d’enseignement supérieur, dont l’inadaptation rend la réforme urgente.
Un manque criant de diplômés en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques, des débouchés très variables d’une formation à l’autre, un choix dans l’accès à l’enseignement supérieur beaucoup plus large mais, en conséquence, des parcours parfois moins cohérents, et une filière professionnelle très peu suivie, regroupant seulement 23 % des jeunes âgés de 15 à 19 ans, soit une proportion inférieure de six points à la moyenne européenne : devant cette situation, députés et sénateurs ont agi avec raison en trouvant un accord entre les textes de nos deux assemblées.
Suivant l’esprit de responsabilité salué par le rapporteur, la commission mixte paritaire a abouti à un accord qui empêchera que la nouvelle plateforme d’affectation dans l’enseignement supérieur, Parcoursup, ne soit bloquée par un retard dans l’adoption de ce projet de loi. Je crois que nous pouvons nous en féliciter.
Plusieurs points restaient en débat et nous opposaient à nos collègues de l’Assemblée nationale.
Il s’agit, premièrement, de la problématique des bourses et des dispositifs de délivrance. Représentant une dépense de 2 milliards d’euros par an pour l’État, ces bourses accordées sur critères sociaux ne peuvent être versées sans vérification. La commission mixte paritaire propose de mettre en place une obligation d’assiduité pour les étudiants boursiers, ce qui est une première étape vers leur responsabilisation.
Il s’agit, deuxièmement, de la question de l’insertion professionnelle, que mon collègue de groupe Daniel Chasseing a soulevée hier encore lors des débats sur le projet de loi de ratification des ordonnances relatives au dialogue social. Il est inutile d’envoyer nos étudiants dans des filières sans débouchés professionnels ! La commission mixte paritaire a trouvé, là encore, un compromis raisonnable : l’ouverture de places sera conditionnée par les perspectives d’insertion professionnelle et l’évolution des projets de formation de l’établissement.
Il s’agit, troisièmement, des droits d’inscription des étudiants étrangers. Notre groupe avait mis en débat un amendement tendant à autoriser les universités à majorer les droits d’inscription d’étudiants étrangers extérieurs à l’Union européenne. La commission mixte paritaire n’a malheureusement pas adopté cette proposition, mais nous pensons utile de la retenir pour la présenter à nouveau à l’occasion des débats financiers de l’année 2018, puisque la question de l’autonomie fiscale des établissements d’enseignement supérieur sera très rapidement reposée.
Il s’agit, quatrièmement, de la question du droit de veto de l’établissement. Le projet de loi mettait en place une procédure dite « du dernier mot au candidat », obligeant le recteur à faire une proposition de formation au candidat sans inscription à l’issue du parcours normal. Ce principe n’était pas tenable et allait obliger nos rectorats à traiter des milliers de dossiers au cœur de l’été. La commission mixte paritaire met en place une formule intermédiaire : obligation pour le rectorat de respecter les capacités d’accueil, obligation pour le candidat d’accepter un parcours personnalisé si l’établissement le juge nécessaire.
Mes chers collègues, ce projet de loi ambitieux marque une étape essentielle du projet de rénovation de l’école républicaine et de la formation dans notre pays conduit par le Président de la République, le ministre de l’éducation nationale et vous-même, madame la ministre. Cette étape, nous la franchissons pour les générations futures, pour nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants, auxquels nous voulons donner la possibilité de réussir dans le monde de demain.
En réformant les procédures d’accès à l’enseignement supérieur et en simplifiant le régime de sécurité sociale étudiant, ce projet de loi offre lisibilité, efficacité et fonctionnalité à un système à bout de souffle. Permettons à celui-ci de prendre un nouveau départ, afin d’assurer la reconstruction durable de notre pays et la relance de notre économie !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations de la société doivent être prises en considération par les décideurs politiques pour permettre l’accès de tous nos concitoyens aux connaissances et aux savoirs.
Des transformations structurelles liées à l’automatisation des tâches et au développement de l’intelligence artificielle affectent parallèlement le marché du travail et l’emploi, en profondeur. S’engager dans la voie du changement pour construire une société où les jeunes s’épanouissent et disposent des outils nécessaires pour s’adapter à ces bouleversements est un long travail qui reste à accomplir. L’université a un rôle central à jouer en la matière.
Pourtant, comme le faisait justement observer Jacques Chaban-Delmas en 1969 devant l’Assemblée nationale, « nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions »…
Si le groupe du RDSE s’est prononcé contre l’instauration d’une sélection aveugle à l’entrée de l’université, c’est parce qu’il a jugé qu’elle serait socialement discriminatoire et aggraverait les inégalités scolaires, déjà très prononcées dans notre pays. Notre groupe a donc tenté, par ses amendements, d’en atténuer les effets lors de l’examen du présent projet de loi.
À l’issue de la commission mixte paritaire, quelques avancées peuvent être saluées.
La grande majorité des éléments qui présentaient l’enseignement supérieur dans une logique essentiellement économique a été extirpée du texte. Cela est positif, car le parcours d’orientation doit être adaptable à tout moment en fonction des aspirations de l’étudiant, des capacités qu’il peut développer, parfois tardivement, ou de sa motivation.
Pour ces raisons, nous estimons que l’orientation ne doit pas être élaborée exclusivement à l’aune des attentes présupposées des entreprises.
En première lecture, nous nous étions opposés en particulier à une détermination des capacités d’accueil directement corrélée aux taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations. La rédaction retenue par la commission mixte paritaire est plus vague, avec une référence aux perspectives d’insertion professionnelle, aux projets de formation et de recherche de l’établissement et à l’évolution des projets de formation des candidats.
Ce dernier critère correspond davantage à ce que le groupe du RDSE a défendu, même si nous reconnaissons la faible portée législative de ces dispositions.
Je me réjouis principalement d’une mesure qui concerne les candidats sans affectation : dans le cadre de la dernière partie de la procédure de préinscription, ainsi que dans la procédure de réexamen pour circonstances exceptionnelles, la commission mixte paritaire a en effet tranché en faveur d’une décision prise par le recteur, respectant ainsi le principe de l’accès de tous les bacheliers au premier cycle de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un droit qui ne doit pas leur être retiré, le baccalauréat étant le premier grade de l’enseignement supérieur.
Je salue également le maintien dans le texte de notre proposition de prendre en compte le projet de formation du candidat sans affectation.
Enfin, préserver l’objectif de maîtrise de la langue française est bienvenu, même si nous aurions préféré que ces dispositions purement déclaratoires se concrétisent dans le projet de modules d’accompagnement proposés par les universités.
En revanche, je regrette la persistance de problèmes qui n’ont pas reçu de solutions acceptables, tels que le frein à la mobilité et l’accès aux universités parisiennes que constitue le pourcentage maximal de bacheliers « hors académie », en particulier pour les bacheliers de l’outre-mer.
Le sort des bacheliers professionnels et technologiques n’est pas non plus réglé. Pourtant, l’objet de ce texte porte également sur la réussite de tous les étudiants. Nous avions déposé un amendement qui tendait à établir un pourcentage plancher de ces bacheliers dans les filières STS et IUT : celui-ci a été rejeté par le Sénat, alors qu’il aurait permis d’apporter une première réponse.
Si l’on ne peut nier les améliorations apportées par le projet de loi par rapport à la situation actuelle, on se rend compte au fil des discussions que la très grande partie des candidats fera encore l’objet d’un traitement déshumanisé en raison de l’intervention d’algorithmes locaux. Seuls ceux qui n’auront pas été les mieux classés bénéficieront d’une intervention humaine. La prise en compte du parcours extrascolaire du bachelier instaure – j’insiste sur ce point – des critères socialement discriminants.
Surtout, dans un contexte de réforme du baccalauréat, on ne voit plus très bien où l’on va. Avec la disparition des filières et la mise en place d’un tronc commun et de spécialités, le Gouvernement s’engagera-t-il à revoir les critères de Parcoursup ?
Dans un passé très récent, les universités ont subi un sous-investissement chronique et divers prélèvements de l’État sur leurs fonds de roulement. Dans ce contexte, leur manque de moyens accroît non seulement le caractère sélectif de l’entrée dans les formations en tension, mais a également un impact sur les conditions de travail de l’ensemble des étudiants.
Lors de l’examen de la loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, notre rapporteur avait souligné qu’il existait « un risque d’instituer une université à deux vitesses, entre des masters de premier choix, qui sont sélectifs, et des masters poubelles qui accueilleront les étudiants recalés. » C’est exactement ce que nous craignons dès l’entrée en première année entre les filières en tension et les autres.
Avec ce texte, la rentrée devrait pourtant se passer dans de meilleures conditions que l’année dernière. Nous le savons, il s’agit de régler en urgence la question de l’affectation des bacheliers dès la rentrée prochaine. La grande majorité des membres du groupe du RDSE soutiendra donc le présent projet de loi, qui aura au moins le mérite de parvenir à cette fin !
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Antoine Karam applaudit également.
La parole est à M. Antoine Karam, pour le groupe La République En Marche. ( M. Guillaume Arnell applaudit.)
Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec ce projet de loi dont nous achevons l’examen, nous allons répondre à l’attente insoutenable de 800 000 jeunes qui préparent actuellement leur entrée dans l’enseignement supérieur.
Nous l’avons dit, le contexte était unique. Néanmoins, nous avons su apporter, avec responsabilité et dans une forme d’urgence – il faut bien le reconnaître –, une réponse juste et efficace.
Nous avons tous reconnu ici l’injustice que créait aussi bien le dispositif APB que cette honteuse sélection par l’échec qui prévaut malheureusement dans nos universités. Nous avons tous mesuré l’urgence de cette situation devenue insupportable et dont nous portons collectivement la responsabilité.
À partir de ce constat partagé, nous avons su engager un travail de fond dans un esprit de responsabilité. Nos débats ont été riches et ont parfois révélé des désaccords profonds. Toutefois, en dépit de délais contraints, il me semble que du chemin a été parcouru, et dans le bon sens.
Ce texte montre bien l’importance de la navette parlementaire et du Sénat. Nos discussions en commission mixte paritaire ont rapidement pris la voie d’un accord. À ce titre, je salue la volonté du Gouvernement, la sagesse du Parlement, tout particulièrement celle du Sénat, et le travail accompli par notre rapporteur. C’est ainsi que l’on arrive à un tel résultat, dont il ne faut pas négliger l’importance.
Cet accord préserve l’esprit du plan Étudiants en assurant à chaque jeune une voie personnalisée vers la réussite, tout en préservant les apports du Sénat : l’affirmation de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et une prise en compte plus large de l’insertion professionnelle dans l’orientation des étudiants.
Non seulement nous apportons une réponse à un flou menaçant, mais nous offrons un meilleur accompagnement vers la réussite à tous les jeunes, dans leur diversité.
Cela étant, et au-delà de nos débats, j’ai pour ma part la conviction que ce travail se poursuivra dans les mois à venir. Il faut en être conscient, la plateforme Parcoursup comme d’autres dispositions de ce texte ne prendront leur pleine mesure qu’à l’épreuve du terrain, au contact de l’humain.
Je pense d’abord à l’orientation. Parcoursup ne réglera pas à elle seule cette question, nous le savons bien. Nos discussions ont montré qu’il s’agit là d’un sujet complexe, qui nécessite un changement de paradigme dès l’entrée au lycée. Ce texte a le mérite d’en poser les fondations. Du temps et de la pédagogie seront toutefois nécessaires, en pratique, pour aider chaque étudiant à façonner son projet.
Je pense ensuite à l’affectation des derniers étudiants. Nous avons trouvé un point d’équilibre satisfaisant en supprimant le droit de veto du chef d’établissement au profit d’une obligation pour le recteur de respecter les capacités d’accueil. Il est satisfaisant, car il ouvre la voie à une plus grande fluidité et à un dialogue que nous espérons intelligent. Il était impératif d’éviter tout risque de blocage au milieu de l’été.
Je pense aussi à la détermination des capacités d’accueil. En prenant en considération les souhaits des étudiants, le projet des établissements et l’insertion professionnelle, ce texte repose à mon sens sur un principe d’équilibre.
Certaines inquiétudes ont déjà été exprimées depuis l’examen du texte en commission, mais, il faut le dire, l’enseignement supérieur n’est pas dévoyé avec ce texte. En fait, il est parfaitement en ligne l’objectif fixé par l’article L. 612–2 du code de l’éducation, à savoir l’accompagnement de « tout étudiant dans l’identification et dans la constitution d’un projet personnel et professionnel, sur la base d’un enseignement pluridisciplinaire et ainsi d’une spécialisation progressive des études », et ce dans un but professionnel.
S’il fallait se départir d’une vision trop « adéquationniste », j’en conviens, il est important de prendre en compte tous les facteurs pertinents. Là encore, le terrain nous dira si nous sommes dans le vrai. Nous devons en tout cas faire confiance au recteur et à son rôle régulateur. N’oublions jamais que le recteur est un chancelier des universités !
Autre sujet revu en commission mixte paritaire : l’assiduité des étudiants, notamment des boursiers.
Nous parvenons à une solution mesurée qui rappelle finalement ce qui existe déjà. Permettez-moi toutefois d’exprimer mon désaccord avec l’idée selon laquelle les étudiants boursiers seraient moins assidus que les autres. Pour dire vrai et parler encore fois d’une expérience de terrain, j’ai même la conviction que l’absentéisme touche tous les étudiants et, plus particulièrement, ceux qui ont été mal orientés, qu’ils soient boursiers ou non.
En améliorant l’orientation des jeunes, nous agissons sur l’absentéisme, j’en suis persuadé. Je formule donc le vœu que nous parvenions par un meilleur accompagnement à lutter vertueusement contre l’absentéisme dans l’enseignement supérieur.
Je pense enfin à la contribution unique. Seule la pratique montrera si celle-ci contribue à une amélioration concrète et une diversification des actions de la vie étudiante. J’ai évoqué le cas des étudiants ultramarins : j’espère qu’une attention spécifique sera portée à leur accueil, avec des actions dédiées au sein de chaque établissement.
Il est certain que l’examen de ce texte a suscité une forme de frustration, tant il est vrai qu’il nous a menés à aborder d’autres questions. C’est d’ailleurs ce qui fait de ce plan Étudiants une réforme aussi passionnante qu’exigeante.
Dans un autre exercice, nous serons appelés à réfléchir sur l’apprentissage. Je formule le vœu qu’une solution ambitieuse et complémentaire à celle que nous votons aujourd’hui résulte de ce futur travail.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe La République En Marche voteront le présent texte avec de grands espoirs pour notre jeunesse !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Robert, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au sortir de la commission mixte paritaire, le sentiment qui prédomine est celui de la déception.
Déception, car ce projet de loi avait pour finalité de favoriser l’orientation et la réussite des étudiants, comme le souligne son intitulé. Malheureusement, l’intérêt des étudiants a été progressivement perdu de vue au cours des discussions, au profit d’autres considérations. Désormais, il n’est plus l’objectif principal et fondamental de ce texte.
En définitive, il n’est que faiblement question d’orientation. Je ne vais pas reprendre les propos que j’avais formulés lors de la discussion générale en première lecture, mais il est regrettable, et même frustrant – notre collègue Antoine Karam a lui aussi parlé de frustration –, de ne pas avoir pu mener une réflexion beaucoup plus approfondie sur le sujet.
Cloisonner ainsi notre réflexion empêche de penser globalement une politique de l’orientation ambitieuse, qui créerait un continuum entre le secondaire et le supérieur. Or ce manque de liant est précisément l’un des facteurs responsables de l’échec des étudiants en licence.
Le projet de loi aurait pu aborder cette problématique et dessiner des pistes ; il n’en a rien été. On était bien sur un texte d’affectation et non d’orientation.
Le bon sens commande pourtant de rappeler que la plupart des lycéens font des choix quasiment à l’aveugle, tout simplement parce qu’ils n’ont jamais approché les matières qu’ils vont étudier dans l’enseignement supérieur. Au mieux, ils en ont une idée savante, textuelle, mais aucunement sensible. Même s’ils sont amenés à réfléchir davantage à leur orientation en classe de terminale – il s’agit là d’une évolution évidemment positive –, rien ne remplacera la mise en situation lors de la première année de licence.
C’est cette année-là qui valide ou invalide le projet d’orientation. Par conséquent, il existe bien un continuum évident entre l’année de terminale et la première année dans le supérieur, au cours de laquelle le projet imaginé se confronte à la réalité des faits. C’est pourquoi ce continuum aurait dû être l’axe majeur d’une politique d’orientation en faveur de la réussite des étudiants.
Un tel objectif impliquait de changer radicalement de regard sur la première année à l’université, en imaginant notamment un tronc commun, en facilitant les passerelles, en permettant à l’étudiant de peaufiner et de parachever son projet d’orientation en somme. Nous aurions aimé ouvrir le débat – c’était le sens de certains de nos amendements –, mais il n’en a rien été.
En préambule, j’évoquais notre déception à l’égard du texte issu de la commission mixte paritaire. En effet, lorsque le projet de loi est venu en discussion au Sénat, nous ne l’avons aucunement rejeté en bloc. Ce que nous souhaitions, c’est que les conditions soient réunies pour assurer la réussite de tous les étudiants.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé près d’une trentaine d’amendements, qui tendaient à améliorer et valoriser les dispositifs d’accompagnement mis en œuvre par les établissements, et à améliorer la procédure dite de « dernier ressort » pour les candidats qui n’auraient obtenu aucune affectation.
La majorité sénatoriale a cependant fait évoluer le texte dans une direction diamétralement opposée à nos attentes – cela surprendra assez peu –, mais aussi antinomique avec la volonté initialement exprimée par le Gouvernement sur certains points du projet de loi. J’y reviendrai.
Il s’ensuit que nous ne pouvions que nous opposer à ce texte, qui se trouvait totalement dénaturé par les modifications apportées par la majorité sénatoriale. Nous n’étions plus dans une logique de réussite de l’ensemble des étudiants, mais dans une logique de sélection affirmée, revendiquée et assumée. Ce ne sont plus les étudiants qui choisissaient leurs universités et bénéficiaient éventuellement de dispositifs d’accompagnement ; ce sont les universités qui finissaient par recruter les étudiants de leur choix. Une telle logique, comme je l’ai souligné en première lecture, revenait à clairement entacher la promesse républicaine !
Alors, oui, nous attendions de la commission mixte paritaire qu’elle rééquilibre le texte. Nous sommes d’autant plus déçus que ce rééquilibrage n’a eu lieu qu’à la marge. Pour étayer mon propos, je prendrai deux exemples concrets, qui constituent des lignes rouges pour notre groupe politique.
En premier lieu, il s’agit de la manière de déterminer chaque année les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur. Initialement, le projet de loi comportait un principe général selon lequel ces capacités étaient « arrêtées par l’autorité académique après proposition de chaque établissement ». Nous y étions favorables.
La majorité sénatoriale a souhaité préciser que ces capacités tiennent compte des « taux de réussite et d’insertion professionnelle observés pour chacune des formations ».
Alors que notre système doit faire preuve d’une évidente souplesse pour adapter ces formations par l’intermédiaire du numérique ou de l’intelligence artificielle, compte tenu de la rapidité des mutations qui traversent nos sociétés, le risque était de figer les offres de formation, de scléroser la dynamique académique, voire d’empêcher nos étudiants d’intégrer des filières d’avenir, ce que nous avons appelé les métiers de demain lors de nos débats.
In fine, bien qu’elle ait été complétée, la rédaction de compromis issue de la commission mixte paritaire demeure quelque peu alambiquée. Les fameuses « perspectives d’insertion professionnelle des formations » – formule que je ne comprends toujours pas… – sont incertaines d’un point de vue juridique et, finalement, ne changent rien sur le fond. On y retrouve en effet l’« adéquationnisme » entre offre et besoins qui est contraire à l’objectif même de l’université.
Cette formulation aux incidences si notables, fruit d’un compromis entre la majorité présidentielle et la majorité sénatoriale, est vraiment très éloignée du texte initial. Nous ne pouvons l’approuver.
En second lieu, je souhaite évoquer la procédure dite « de dernier recours » qui a pour but d’inscrire dans une formation un étudiant qui n’aurait eu aucune affectation à l’issue de la saisie initiale de ses dix vœux. La rédaction originelle ne nous semblait pas optimale, mais l’article, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, est, pour nous, inacceptable. En effet, nous avons toujours insisté sur le fait que l’équilibre de la réforme proposée par le Gouvernement reposait en grande partie sur le recteur qui en est le garant.
Certes, la commission mixte paritaire est revenue à cette idée en conférant de nouveau au recteur le rôle essentiel d’affecter un candidat dans une formation, tout en supprimant le droit de veto de l’établissement dans cette procédure. Il s’agit d’une bonne mesure.
Toutefois, la nouvelle rédaction de cet article n’accorde pas la confiance et la souplesse nécessaires au recteur dans le cadre de son dialogue avec l’étudiant, et ce dans la perspective de lui trouver une formation qui corresponde à ses souhaits. De plus, s’est ajoutée l’obligation du « oui si », qui durcit encore davantage la procédure de dernière chance.
Est-ce ainsi que l’on assure le droit à chaque étudiant de poursuivre ses études supérieures ? Est-ce ainsi que l’on fait primer l’intérêt de l’étudiant sur la régulation des flux, l’opérationnalité d’un système ou le manque de places dans les établissements ? Est-ce ainsi que l’on recherche réellement la réussite de tous les étudiants ? Je ne le crois pas !
Aussi, bien que la disposition relative à l’augmentation des droits d’inscription pour les étudiants extracommunautaires ait été retirée du texte, nous ne pouvons souscrire aux conclusions de la commission mixte paritaire.
« La précipitation est mauvaise conseillère », dit l’adage. Sûrement, madame la ministre, était-il nécessaire d’obtenir un accord rapide entre les deux assemblées, afin de donner une base légale à Parcoursup, qui est d’ores et déjà entré en vigueur. Sûrement y avait-il urgence, mais cette urgence devait-elle se régler au détriment de l’intérêt des étudiants ? Non seulement je ne le crois pas, mais je le regrette sincèrement.
Nous ne sommes plus appelés à nous prononcer sur votre projet de loi, mais sur un compromis excessivement bancal, qui crée une forte insécurité juridique et qui est empreint d’une tonalité et d’un esprit ressemblant étrangement à ceux de la majorité sénatoriale, ce qui ne nous convient pas.
En conséquence, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce projet de loi, lequel n’est décidément plus en faveur de l’orientation et de la réussite de tous les étudiants. Il s’agit d’un vrai rendez-vous manqué !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire qui s’est réunie pour examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants est parvenue à un accord équilibré, qui préserve les apports du Sénat et garantira, nous le souhaitons, un meilleur accompagnement des étudiants, ainsi qu’une rentrée universitaire sereine cette année.
C’est un esprit de responsabilité qui a animé les parlementaires réunis en commission mixte paritaire. C’est ce même esprit qui nous avait animés lors des débats dans cet hémicycle. En effet, nous ne pouvions plus longtemps laisser dans le flou et l’incertitude tous les jeunes et leurs familles qui préparent, à l’heure où nous parlons, leur entrée dans l’enseignement supérieur.
Comme l’ont rappelé la présidente de la commission, Catherine Morin-Desailly, ainsi que le rapporteur, Jacques Grosperrin, que je tiens à saluer pour leur travail et la qualité de nos échanges, cet accord préserve les grands apports du Sénat : la réaffirmation de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur et une plus grande prise en compte de l’insertion professionnelle dans l’orientation des étudiants.
Le groupe Union Centriste a voulu contribuer de manière responsable et intelligente au débat en apportant des améliorations au texte présenté par le Gouvernement. Je voudrais retenir trois de ces avancées majeures.
La première institue un comité éthique et scientifique auprès du ministre chargé de l’enseignement supérieur, pour veiller au respect des principes juridiques et éthiques qui fondent la procédure nationale de préinscription dans l’enseignement supérieur. En effet, nous devons être attentifs à l’évolution et l’utilisation dans le temps de la plateforme, ainsi que des algorithmes locaux, pour ne pas reproduire les dérives constatées avec APB.
La deuxième concerne la première année commune aux études de santé, qui est trop souvent réduite à une année de bachotage peu enrichissante pour les étudiants, qui se heurtent à ce couperet et ont le sentiment d’avoir perdu une année, pour ne pas dire deux. Désormais, les étudiants pourront suivre leurs études dans la filière qu’ils auront choisie tout le long de la licence, y compris en cas d’échec au concours de première année des formations médicales.
La troisième porte sur la démographie. L’État se trouve placé devant une exigence qui relève parfois du défi : donner à tous les élèves qui sortent du lycée une chance d’accéder à l’enseignement supérieur. Le problème se pose d’une manière évidente à partir du moment où le nombre total de places disponibles est inférieur au nombre total de lycéens candidats à l’université. La pression démographique rend évidemment la situation critique et nous savons que c’est sur cet aspect du problème plus particulièrement que les pouvoirs publics ont échoué ces dernières années.
C’est pourquoi nous avons proposé que soit établi un bilan annuel comportant un volet prospectif pour anticiper les évolutions démographiques. Ces prévisions permettront d’évaluer l’adéquation entre le nombre d’étudiants attendus et les places disponibles dans les filières universitaires. Elles éclaireront également les débats lors de l’examen du projet de loi de finances.
Si les grandes orientations du texte vont dans le bon sens, celui-ci nous paraît insuffisant à plusieurs égards. Penser que les réformes de l’enseignement supérieur et de l’orientation s’arrêteraient à ce texte serait, pour nous, une erreur. Le projet de loi ouvre des pistes qu’il conviendra de creuser dans le cadre d’autres textes de loi.
C’est notamment le cas de la question de l’orientation, centrale à nos yeux, ou de l’organisation du premier cycle de l’université, la licence, encore très marquée par des schémas anciens. Autant le dire, nous ne pensons pas que le projet de loi améliorera de manière profonde et significative la situation sur ces deux sujets. Une vraie réforme de l’orientation des jeunes devra apporter des réponses aux problèmes auxquels nos jeunes seront encore durement confrontés demain.
Pourtant, des solutions existent d’ores et déjà pour aider nos jeunes à trouver une filière qui corresponde le mieux à leurs aptitudes, mais aussi aux perspectives d’emploi sur le marché du travail.
Tout d’abord, il faudrait mettre en place un système d’orientation qui commence dès le collège et se prolonge jusqu’à la fin de la licence, donnant ainsi la possibilité à un jeune, en fonction de sa maturité et de sa capacité à se projeter dans l’avenir, d’avoir différents temps d’orientation, à condition bien sûr qu’il soit accompagné et aidé durant toute cette période.
Nous devrions également accorder à nos jeunes un droit à l’erreur, en leur permettant de changer d’orientation au cours de leurs années de lycée, mais aussi au cours de leur premier cycle d’enseignement supérieur.
Enfin, il conviendrait d’organiser le premier cycle de manière plus souple, dans le cadre d’un système modulaire, capitalisable et semestriel.
Évidemment, nous n’apprécierons l’efficacité de la nouvelle plateforme d’affectation et d’orientation des étudiants que dans le temps. Ce sera le cas en septembre prochain, en espérant que le sentiment d’incompréhension et d’injustice ressenti par certains étudiants et leurs familles l’année dernière n’ait plus sa place cette année. Au-delà, il faut espérer que, dans les années à venir, l’information, l’accompagnement et l’affectation des bacheliers dans les différentes filières se fassent de manière plus pertinente.
Un enseignement supérieur qui donne à chacun sa chance, c’est ce que nous, centristes, défendons depuis toujours. C’est pourquoi nous voterons ce texte en attendant une plus vaste réforme de l’orientation !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après les lois Pécresse de 2007 et Fioraso de 2013, le projet de loi que l’on nous propose d’adopter définitivement ce soir constitue une étape décisive vers une autonomie toujours plus grande des universités, compte tenu de la possibilité qui leur serait désormais donnée de sélectionner leurs étudiants.
Madame la ministre, votre gouvernement, par la voix des députés de la République En Marche, a finalement abandonné toute précaution de langage et facilement trouvé en commission mixte paritaire mardi dernier un accord global. Celui-ci marque la victoire de la position défendue par le rapporteur du Sénat, qui affirme, sans tabou, que la sélection est bénéfique et qu’elle constitue une chance pour tous.
Ce texte, que vous nous avez présenté comme technique et qui s’imposerait du fait de la nécessité de ne plus recourir à la pratique illégale du tirage au sort, dévoile enfin le véritable objectif sur lequel il repose : une rupture radicale avec le principe général adopté à l’unanimité dans ce même hémicycle, il y a cinquante ans, selon lequel tous les bacheliers doivent disposer des mêmes droits de poursuivre leur formation dans l’enseignement supérieur.
Rompant avec cet idéal républicain que nous continuerons de défendre, vous organisez avec ce texte la mise en concurrence des établissements, des formations, des diplômes et des étudiants. Vous donnez aux universités la possibilité de s’investir, comme des entreprises, sur le marché de la connaissance et de l’éducation.
Les étapes suivantes de ce grand mouvement de marchandisation du savoir sont aisées à prévoir : l’augmentation des droits d’inscription, le recrutement international des professeurs en dehors du cadre de la fonction publique, l’utilisation généralisée de l’anglais pour l’enseignement et l’élaboration de filières d’excellence destinées aux étudiants étrangers. Ces pistes sont déjà explorées par plusieurs universités. En réalité, votre projet de loi leur donne une base légale pour poursuivre et accélérer ce développement.
Les vrais bénéficiaires de ce texte ne sont pas les étudiants, mais les établissements qui souhaitent aujourd’hui abandonner leurs obligations de service public pour s’engager dans la course à l’attractivité et tenter de gagner quelques places dans le classement de Shanghai, considéré comme le parangon absolu du marché de l’éducation. Ainsi devenues les pépinières des premiers de cordée, ces établissements de prestige refouleront les indésirables vers des universités de relégation.
Mes chers collègues, vous qui défendez vos territoires dans cet hémicycle, ne doutez pas que cette course effrénée se fera aux dépens des petites universités que vous avez eu tant de mal à promouvoir et défendre. Dans ce domaine non plus, le ruissellement n’existe pas ! Nous avons tout à craindre d’un système universitaire à plusieurs vitesses. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que le renforcement des inégalités d’accès aux savoirs aura des conséquences fâcheuses sur le niveau moyen de connaissance des futures classes d’âge.
Nous savons toutes et tous, dans cet hémicycle, que les prochaines victimes de la rentrée de septembre 2018 seront les candidats qui choisissaient les filières généralistes de l’université par défaut, et que l’instauration de la sélection va les exclure définitivement de l’enseignement supérieur.
Pour ces jeunes, qui proviennent principalement des filières technologiques et techniques, plusieurs groupes du Sénat avaient proposé de réserver de nouvelles places ouvertes pour eux dans les IUT. Toutes nos propositions en ce sens ont été rejetées. Vous nous en avez donné la raison essentielle, et ce en toute honnêteté, madame la ministre : votre gouvernement ne souhaite pas ouvrir de nouvelles capacités d’accueil et fait le choix politique d’attendre l’inversion de la courbe démographique pour résorber le surplus de bacheliers.
Indépendamment du bon ou du mauvais fonctionnement de la nouvelle plateforme Parcoursup, vous devrez, quoiqu’il arrive, assumer la responsabilité politique de l’éviction de tous ces jeunes en septembre 2018 !
Votre gouvernement ayant décidé de ne pas attendre l’adoption définitive de la loi pour l’appliquer, ces jeunes prennent peu à peu conscience, à la lecture des attendus de Parcoursup, que leurs origines sociales et le statut de leur lycée leur donnent peu de chance d’accéder demain à l’enseignement supérieur.
Sans vouloir le reconnaître, nous savons très bien qu’il est très difficile de réussir la première année des études de santé sans recourir aux services supplémentaires d’officines privées, pour un montant d’environ 4 000 euros. Le taux d’échec, qui est de 80 % en première année, leur assure une clientèle captive et de substantiels bénéfices.
Avec Parcoursup, ces offres d’accompagnement privé viennent de connaître un développement spectaculaire. Il est ainsi possible d’acheter, pour environ 750 euros, un dossier tout prêt avec un curriculum vitae parfaitement adapté aux attendus de la formation souhaitée. Cette stratégie onéreuse sera d’autant plus efficace que les dossiers de candidature seront nombreux et exigeront des traitements informatisés.
Madame la ministre, en choisissant d’utiliser essentiellement les résultats des deux premiers semestres de la classe de terminale pour choisir les candidats, en réduisant les épreuves anonymes du baccalauréat par le biais d’une réforme que votre gouvernement n’a pas daigné nous présenter – c’est une habitude –, vous organisez une sélection sociale qui va avoir pour conséquence de renforcer l’exclusion des élèves issus des milieux les plus populaires.
Avec votre projet, madame la ministre, les universités ne sont plus les instruments d’une politique nationale, mais des entreprises qui proposent des services à des candidats qui doivent apporter les preuves sociales de leur capacité à correspondre à la cible de clientèle. Nous continuerons à opposer à ce modèle libéral notre idéal républicain, celui de l’égalité des droits d’accéder aux savoirs et à la connaissance.
Mme Angèle Préville et M. David Assouline applaudissent.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière étape de l’examen de ce projet de loi – mon intervention est même la dernière de la discussion générale –, et nous allons donc enfin donner un fondement légal à la procédure d’inscription des bacheliers dans un premier cycle d’études supérieures.
Comme je l’ai déjà souligné lors de la première lecture, le Gouvernement a fixé un calendrier extrêmement contestable qui a court-circuité l’action du Parlement, ce qui inquiète d’autant plus qu’il a volontiers eu recours au dispositif de la « procédure accélérée » ou aux ordonnances ces derniers mois. Si l’on ajoute à ce tableau le projet de réforme constitutionnelle, on peut s’interroger sur la place exacte que l’État souhaite accorder au Parlement.
Pour revenir au sujet du jour, il y a unanimité sur un point : le dispositif APB devait être remplacé, puisqu’il a mené à une situation de blocage dans les affectations, et même de crise, avec un recours illégal, l’an dernier, au tirage au sort.
Je suis néanmoins surpris par certains choix. Comment les établissements vont-ils pouvoir faire face à l’amoncellement des dossiers à examiner, sachant notamment que les dix vœux formulés par chaque candidat ne seront pas classés ?
Ne pas avoir à fixer de priorité dans les vœux permettra peut-être au bachelier de mûrir son choix quelques semaines supplémentaires, mais cette idée déconcerte par son évidente difficulté de mise en œuvre. On a parlé d’ « usine à gaz »… Effectivement, la tâche des chefs d’établissement sort considérablement alourdie de cette réforme.
Inévitablement, pour faire face au traitement des dossiers, des algorithmes locaux verront le jour, sans contrôle national, et je ne suis pas certain qu’une telle situation réponde entièrement aux recommandations de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
Le Gouvernement se rend compte que la seule façon de traiter le problème du manque de places dans certaines filières est bien d’introduire une forme de sélection. En refusant de le faire clairement, il multiplie les difficultés, obligeant les établissements à fixer des prérequis, des « attendus », imposant des remises à niveau par des « parcours personnalisés » dont on ne sait ni comment ils seront financés ni ce qu’ils apporteront vraiment.
Notre rapporteur a recueilli l’avis de plusieurs universités, qui estiment que les nouveautés de la rentrée seront « cosmétiques » et que, dans certains cas, faute de moyens, les modules créés le seront en détruisant des modules existants !
On peut également se demander à quelle date les établissements les moins demandés connaîtront leurs effectifs définitifs et comment la longueur de la procédure sera vécue par les jeunes concernés. Sans vouloir être d’un pessimisme primaire, il me semble que les conditions sont loin d’être assurées pour une rentrée universitaire 2018 sereine.
Le Sénat a cependant pu apporter plusieurs améliorations au texte initial. Parmi celles-ci, je souhaite souligner l’importance, à mon sens, de deux mesures.
Tout d’abord, concernant la proposition d’une formation au jeune n’ayant reçu que des réponses négatives, il était essentiel d’associer le directeur d’établissement à la décision du recteur.
Notre rapporteur, Jacques Grosperrin, que je félicite au passage de la qualité de son travail et de sa volonté de recherche du consensus, a relevé le risque d’atteinte à l’autonomie des établissements et introduit en commission une obligation d’accord de l’établissement.
La commission mixte paritaire est parvenue à une rédaction de compromis avec les députés : le recteur n’agira que dans la limite des capacités d’accueil de l’établissement, et le directeur pourra proposer au jeune une autre formation, ou un accompagnement préalable. Il était en effet essentiel que les établissements aient voix au chapitre.
Autre point majeur, qui a été évoqué à l’instant : la prise en compte des perspectives d’insertion professionnelle offertes par une formation dans la détermination par le recteur de ses capacités d’accueil.
Le projet de loi ne traite pas le problème essentiel de la carte des formations. Je pense d’ailleurs qu’il aurait fallu prendre du recul et adopter une démarche globale, c’est-à-dire agir en amont sur l’adéquation des offres de formation à la réalité du marché du travail.
L’accès à l’enseignement supérieur est, pour les jeunes – n’en doutons pas –, une étape importante de formation intellectuelle dans la construction de leur avenir personnel et professionnel. Leur employabilité et leur insertion professionnelle dans des métiers actuels ou d’avenir sont aussi des objectifs en soi.
La prise en compte de tels indicateurs dans la décision, par l’autorité académique, d’augmenter les capacités d’accueil, mais aussi, éventuellement, de les réduire, est une mesure courageuse. Je me réjouis donc de cet apport du Sénat, qui a fait l’objet de discussions parfois vives au sein de la commission mixte paritaire.
Madame la ministre, ce projet de loi doit être un point de départ. Sa vocation était de régler un problème ponctuel, celui de l’engorgement des filières, mais pour combattre l’échec en premier cycle universitaire, l’inégalité des chances et le chômage des jeunes, tout reste à faire. Notre groupe espère que le Gouvernement fera prochainement preuve d’ambition en la matière.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
I. – L’article L. 612-3 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° Les trois premiers alinéas sont remplacés par des I à VII quater ainsi rédigés :
« I. – Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l’équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d’une qualification ou d’une expérience jugées suffisantes conformément au premier alinéa de l’article L. 613-5. Afin de favoriser la réussite de tous les étudiants, des dispositifs d’accompagnement pédagogique et des parcours de formation personnalisés tenant compte de la diversité et des spécificités des publics étudiants accueillis sont mis en place au cours du premier cycle par les établissements dispensant une formation d’enseignement supérieur. Les établissements communiquent chaque année au ministre chargé de l’enseignement supérieur des statistiques, qui sont rendues publiques, sur le suivi et la validation de ces parcours et de ces dispositifs.
« L’inscription dans une formation du premier cycle dispensée par un établissement public est précédée d’une procédure nationale de préinscription qui permet aux candidats de bénéficier d’un dispositif d’information et d’orientation qui, dans le prolongement de celui proposé au cours de la scolarité du second degré, est mis en place par les établissements d’enseignement supérieur. Au cours de cette procédure, les caractéristiques de chaque formation, y compris des formations professionnelles et des formations en apprentissage, et les statistiques prévues à l’article L. 612-1 sont portées à la connaissance des candidats ; ces caractéristiques font l’objet d’un cadrage national fixé par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. L’inscription est prononcée par le président ou le directeur de l’établissement ou, dans les cas prévus aux VII et VII bis du présent article, par l’autorité académique.
« L’inscription peut, compte tenu, d’une part, des caractéristiques de la formation et, d’autre part, de l’appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonnée à l’acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite. Il est tenu compte, à cette fin, des aménagements et des adaptations dont bénéficient les candidats en situation de handicap.
« Le silence gardé par un établissement sur une candidature présentée dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du présent I ne fait naître aucune décision implicite avant le terme de cette procédure.
« Afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures présentées dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au même deuxième alinéa, les obligations résultant des articles L. 311-3-1 et L. 312-1-3 du code des relations entre le public et l’administration sont réputées satisfaites dès lors que les candidats sont informés de la possibilité d’obtenir, s’ils en font la demande, la communication des informations relatives aux critères et modalités d’examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise.
« I bis. – La communication, en application des dispositions du code des relations entre le public et l’administration, du code source des traitements automatisés utilisés pour le fonctionnement de la plateforme mise en place dans le cadre de la procédure nationale de préinscription prévue au I s’accompagne de la communication du cahier des charges présenté de manière synthétique et de l’algorithme du traitement.
« II. – Les capacités d’accueil des formations du premier cycle de l’enseignement supérieur des établissements relevant des ministres chargés de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur sont arrêtées chaque année par l’autorité académique après dialogue avec chaque établissement. Pour déterminer ces capacités d’accueil, l’autorité académique tient compte des perspectives d’insertion professionnelle des formations, de l’évolution des projets de formation exprimés par les candidats ainsi que du projet de formation et de recherche de l’établissement.
« III. – Pour l’accès aux formations autres que celles prévues au V, lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, les inscriptions sont prononcées par le président ou le directeur de l’établissement dans la limite des capacités d’accueil, au regard de la cohérence entre, d’une part, le projet de formation du candidat, les acquis de sa formation antérieure et ses compétences et, d’autre part, les caractéristiques de la formation.
« IV. – Pour l’accès aux formations autres que celles mentionnées au V, lorsque le nombre de candidatures excède les capacités d’accueil d’une formation, l’autorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée, en fonction du rapport entre le nombre de ces bacheliers boursiers candidats à l’accès à cette formation et le nombre total de demandes d’inscription dans cette formation enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I.
« Pour l’accès à ces mêmes formations et compte tenu du nombre de candidats à ces formations résidant dans l’académie, l’autorité académique fixe également, afin de faciliter l’accès des bacheliers qui le souhaitent aux formations d’enseignement supérieur situées dans l’académie où ils résident, un pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une académie autre que celle dans laquelle est situé l’établissement. Pour l’application du présent alinéa, sont assimilés à des candidats résidant dans l’académie où se situe la formation à laquelle ils présentent leur candidature :
« 1° Les candidats ressortissants français ou ressortissants d’un État membre de l’Union européenne qui sont établis hors de France ;
« 2° Les candidats préparant ou ayant obtenu le baccalauréat français dans un centre d’examen à l’étranger ;
« 3° Les candidats qui souhaitent accéder à une formation ou à une première année commune aux études de santé qui n’est pas dispensée dans leur académie de résidence.
« Les pourcentages prévus aux premier et deuxième alinéas du présent IV sont fixés en concertation avec les présidents d’université concernés. Seule l’obligation de respecter le pourcentage minimal de bacheliers boursiers retenus peut conduire à déroger au pourcentage maximal de bacheliers retenus résidant dans une autre académie.
« Pour les formations dont le bassin de recrutement diffère du périmètre de l’académie, le ministre chargé de l’enseignement supérieur détermine par arrêté la zone géographique de résidence des candidats prise en compte en lieu et place de l’académie pour la mise en œuvre des dispositions du même deuxième alinéa.
« V. – Une sélection peut être opérée, selon des modalités fixées par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs, instituts, écoles et préparations à celles-ci, grands établissements au sens du chapitre VII du titre Ier du livre VII de la troisième partie et tous établissements où l’admission est subordonnée à un concours national ou à un concours de recrutement de la fonction publique, ainsi que pour l’accès aux formations de l’enseignement supérieur dispensées dans les lycées, aux cycles préparatoires intégrés, aux formations préparant au diplôme de comptabilité et de gestion ou aux diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques et aux formations de l’enseignement supérieur conduisant à la délivrance d’un double diplôme.
« Pour l’accès aux formations mentionnées au premier alinéa du présent V, l’autorité académique fixe un pourcentage minimal de bacheliers retenus bénéficiaires d’une bourse nationale de lycée.
« VI. – En tenant compte de la spécialité du diplôme préparé et des demandes enregistrées dans le cadre de la procédure de préinscription prévue au deuxième alinéa du I, l’autorité académique prévoit, pour l’accès aux sections de techniciens supérieurs et aux instituts universitaires de technologie, respectivement un pourcentage minimal de bacheliers professionnels retenus et un pourcentage minimal de bacheliers technologiques retenus ainsi que les modalités permettant de garantir la cohérence entre les acquis de la formation antérieure du candidat et les caractéristiques de la formation demandée. Ces pourcentages et ces modalités sont fixés en concertation avec les présidents d’université, les directeurs des instituts universitaires de technologie, les directeurs des centres de formation d’apprentis et les proviseurs des lycées ayant des sections de techniciens supérieurs, chacun pour ce qui le concerne.
« VII. – L’autorité académique propose aux candidats auxquels aucune proposition d’admission n’a été faite dans le cadre de la procédure nationale de préinscription une inscription dans une formation, dans la limite des capacités d’accueil prévues au II, en tenant compte, d’une part, des caractéristiques de cette formation et, d’autre part, du projet de formation des candidats, des acquis de leur formation antérieure et de leurs compétences. Cette proposition fait l’objet d’un dialogue préalable avec le candidat et le président ou le directeur de l’établissement concerné au cours duquel ce dernier peut proposer au candidat une inscription dans une autre formation de son établissement. Avec l’accord du candidat, l’autorité académique prononce son inscription dans la formation retenue, laquelle peut être subordonnée, par le président ou le directeur de l’établissement concerné, à l’acceptation, par le candidat, du bénéfice des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé nécessaires à sa réussite.
« VII bis. – Lorsque la situation d’un candidat justifie, eu égard à des circonstances exceptionnelles tenant à son état de santé, à son handicap, à son inscription en tant que sportif de haut niveau sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 221-2 du code du sport ou à ses charges de famille, son inscription dans un établissement situé dans une zone géographique déterminée, l’autorité académique, saisie par ce candidat, peut procéder au réexamen de sa candidature dans des conditions fixées par décret. En tenant compte de la situation particulière que l’intéressé fait valoir, des acquis de sa formation antérieure et de ses compétences ainsi que des caractéristiques des formations, l’autorité académique prononce, avec son accord, son inscription dans une formation du premier cycle.
« VII ter. – Au mois de décembre de chaque année, le ministre chargé de l’enseignement supérieur rend public un bilan détaillé par académie de la procédure nationale de préinscription dans le premier cycle de l’enseignement supérieur ainsi que les prévisions démographiques d’entrée dans le premier cycle universitaire pour la prochaine rentrée.
« VII quater A
« Les missions, la composition et les modalités de fonctionnement du comité sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’enseignement supérieur. Ses membres ne sont pas rémunérés.
« VII quater. – Un décret précise les modalités d’application des I à VII quater A du présent article. » ;
2° bis Au début du quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « VIII. – » ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
I bis A. – Le I bis de l’article L. 612-3 du code de l’éducation entre en vigueur au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi.
I bis. – Après l’article L. 612-3-1 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 612-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 612 -3 -2. – L’inscription dans une formation initiale du premier cycle de l’enseignement supérieur dispensée par un établissement privé sous contrat d’association ou par un établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général ou l’inscription dans toute formation initiale dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de l’enseignement supérieur conduisant à un diplôme national de l’enseignement supérieur ou un titre ou diplôme de l’enseignement supérieur délivré au nom de l’État dans les conditions prévues à l’article L. 335-6 est précédée de la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3. L’établissement définit, dans le respect du cadrage national arrêté par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, les caractéristiques de chaque formation, qui sont portées à la connaissance des candidats au cours de cette procédure.
« Lorsqu’un contrat conclu entre l’État et un établissement d’enseignement privé dispensant des formations initiales d’enseignement supérieur prévoit l’application, à ces formations, de certaines des dispositions du même article L. 612-3, le chef d’établissement est associé, le cas échéant, aux dispositifs de concertation que ces dispositions prévoient. »
I ter. – Les établissements mentionnés au I de l’article L. 612-3 et à l’article L. 612-3-2 du code de l’éducation dont les formations du premier cycle de l’enseignement supérieur ne sont pas répertoriées dans la procédure de préinscription en première année d’une formation postbaccalauréat à la date de promulgation de la présente loi inscrivent ces formations dans la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l’article L. 612-3 du même code au plus tard le 1er janvier 2019.
Par dérogation au premier alinéa du présent I ter, le ministre chargé de l’enseignement supérieur peut, par arrêté, à la demande d’un établissement dispensant une formation du premier cycle de l’enseignement supérieur et au regard des circonstances particulières que cet établissement invoque, autoriser le report jusqu’au 1er janvier 2020 de l’inscription de tout ou partie des formations dispensées par l’établissement dans la procédure nationale de préinscription prévue au deuxième alinéa du I de l’article L.612-3 du code de l’éducation.
II. – À la première phrase de l’article L. 621-3 et du premier alinéa de l’article L. 650-1 du code de l’éducation, la référence : « troisième alinéa » est remplacée par la référence : « V ».
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 octobre 2020, un rapport présentant le bilan de l’application du présent article.
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. David Assouline, pour explication de vote.
Tout ça pour ça ! Je veux relever un point, après beaucoup d’autres ici. Sur la base du constat, dressé notamment par le Conseil d’État et par la CNIL, de l’impossibilité de maintenir le précédent système d’affectation, l’idée s’est imposée qu’il fallait une nouvelle plateforme pour préparer la rentrée.
Or on pouvait très bien, par décret, car ceci ne relève pas de la loi, décider d’une période transitoire de réflexion du Parlement et de la société sur notre système universitaire, aboutissant à une vraie loi de réforme, répondant au problème que vous affirmez vouloir traiter, madame la ministre, qui est celui de l’échec et de la sélection par l’échec, autrement dit de la sélection sauvage.
Vous y répondez non pas par décret, mais en quelque sorte en prenant en otage tout le monde : vous dites que si l’on ne vote pas ce projet de loi, on laisse 800 000 jeunes sans rien ; or, ajoutez-vous, l’avenir de nos jeunes est plus important que tout. Certes ! Sauf que l’on pouvait, par un système d’affectation, répondre au problème et corriger les fautes commises, en particulier la faute du tirage au sort, que je reconnais volontiers.
Vous avez choisi de faire autrement, madame la ministre. Si vous avez décidé de passer par la loi, c’est que vous donnez à votre texte l’ambition de régler le problème de l’orientation et de la sélection par l’échec.
Or vous institutionnalisez une forme de sélection, et ce n’est pas mieux ! Vous verrez – nous ferons le bilan, ici, au Parlement, et nous discuterons –, le nombre de jeunes restant sur le carreau ne va pas tellement diminuer. Et les origines sociales de ceux qui réussiront ne vont pas tellement évoluer.
Pourquoi ? Si nous avions pris le temps de discuter, madame la ministre, nous aurions pu traiter le problème plus globalement et adosser ce traitement à une loi de programmation, c’est-à-dire à une discussion financière. En effet, nous souhaitons tous personnaliser davantage l’orientation et le suivi et mettre en œuvre les accompagnements afférents. Mais bien entendu, une telle ambition nécessite bien plus de moyens et implique de construire un premier cycle où l’on n’est pas entassé dans les amphithéâtres d’universités que l’on laisse dépérir ! Si nous sommes d’accord sur l’ambition, il faut beaucoup plus de moyens.
Mais il y a pire ! Non contente de n’avoir pas traité ce problème, vous avez décidé de vous mettre d’accord avec la droite ; et cette loi, qui était la loi Duval, est devenue la loi Duval-Grosperrin ! C’est ce que vous appelez le « compromis », madame la ministre.
Quoi qu’il en soit, nous pensons que tout reste à faire. Cette loi va institutionnaliser une forme de sélection, et ce n’est pas le chemin que doit prendre notre université.
Je dirai quelques mots à la suite de l’intervention de M. Assouline, pour lui rappeler, tout d’abord, que notre ministre s’appelle Mme Vidal, et non Mme Duval. Madame la ministre, je vous rends votre nom !
Je suis malgré tout obligée d’intervenir, monsieur Assouline, lorsque je vous entends de nouveau dénoncer tout le travail que nous venons de faire ces derniers jours, parler de « sélection sauvage », de « précipitation », dire qu’il n’y avait pas urgence, que l’on pouvait gérer les choses tranquillement via un décret, etc.
Je voudrais tout de même rappeler la réalité dans laquelle nous nous trouvons. Celle-ci est liée à la faillite du précédent gouvernement, qui n’a su gérer ni la situation d’échec massif en licence ni l’inadéquation d’un système de sélection qui s’est révélé, par la suite, illégal.
Il aurait fallu, à l’époque, savoir apporter des solutions, prévoir un plan d’action pour permettre à nos jeunes, toujours plus nombreux ces dernières années, de bien s’orienter et de construire leur parcours de réussite.
Oui, il y avait urgence ! On ne peut pas laisser sur le bord du chemin des jeunes qui sont en train de passer leur baccalauréat et qui, bien entendu, s’inscrivent dans des perspectives immédiates d’intégration dans l’enseignement supérieur.
Soyons tout de même positifs ! Il reste du travail à faire, c’est certain, nous l’avons tous dit, sur toutes les travées. Madame la ministre, vous avez pris l’engagement – j’espère que vous le reprenez aujourd’hui – de revenir devant nous, afin que nous puissions continuer à travailler, pour les approfondir, ces questions d’orientation, qui vont forcément revenir dans le débat public, à la faveur de l’examen du projet de loi sur l’apprentissage.
Pour le reste, je confesse une petite frustration : nous savons que la réforme « bac – 3/bac + 3 », la réflexion sur le lycée et l’évolution du baccalauréat seront d’ordre réglementaire, et que nous n’aurons pas l’occasion d’en débattre pleinement, comme nous le faisons pour ce projet de loi. Mais nous comptons sur vous, madame la ministre, pour être attentive aux travaux que nous continuerons à mener dans le sens de l’intérêt général et de l’approfondissement de ce sujet, qui, vous le savez, nous tient particulièrement à cœur – nous l’avons démontré au cours des années précédentes.
Cela dit, je voterai ce projet de loi. Le Sénat, me semble-t-il, a été respecté dans son appréciation du sujet et dans ses propositions. Nous sommes parvenus, à l’issue de la CMP, à un texte d’équilibre, qui doit donner à chacun la chance de trouver son parcours de réussite.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Nous avons certes dû, nombreux, renoncer à certains de nos amendements, donc à certains de nos souhaits.
Néanmoins, à la faveur des différents amendements adoptés et du partenariat fructueux entre les députés, les sénateurs et Mme la ministre – à cet égard, je tiens moi aussi à saluer le travail particulièrement conciliateur et fédérateur de Jacques Grosperrin –, la version finale du projet de loi constitue vraiment un premier pas indispensable vers une meilleure orientation, ou du moins une meilleure affectation, pour les futurs bacheliers ; un premier pas indispensable pour sortir de l’ornière du système APB.
Ce n’est que dans quelques mois, toutefois, que l’on pourra y voir plus clair sur les atouts, mais aussi sur les limites du dispositif. Comme l’a dit Mme Morin-Desailly, la réforme du baccalauréat et la réforme du lycée vont intervenir, et l’on y verra plus clair.
Mes chers collègues, je nous donne rendez-vous : je suis persuadé que, dans quelques années, nous devrons revenir ici pour écrire une vraie loi d’orientation et de réussite des étudiants. Sera-ce une loi « Vidal-Grosperrin » ? Je ne le sais pas, mais mon petit doigt me dit que l’on reviendra plus vite sur ce sujet que prévu !
Je me pose certaines questions. Ce texte a été provoqué par le taux d’échec en licence. Or, pour avoir effectué une pleine carrière de professeur, je considère ce taux d’échec comme un quasi-scandale. Il impose de ne pas imputer la faute aux seuls étudiants, mais de se poser la question de l’enseignement lui-même.
J’ai été professeur en collège et en lycée ; dès que nos résultats au brevet et au bac baissaient ne serait-ce que de 1 % par rapport aux moyennes obtenues l’année précédente, l’on nous remettait en cause et l’on nous demandait de nous pencher sur la façon dont nous avions enseigné.
Une telle démarche n’a même pas été envisagée pour l’enseignement en licence, ce qui me choque beaucoup ! Je trouve que l’on se trompe à classer les étudiants sans leur faire confiance. Il s’agit d’êtres en devenir. C’est faire peu de cas de ce qu’ils sont et de leurs capacités, qui sont en général très supérieures à ce qu’ils peuvent montrer !
Je me demande si l’on s’est posé les bonnes questions.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat illustre le fait que la procédure accélérée est extrêmement dommageable. Et sa généralisation, madame la ministre, pose un véritable problème. En effet, pour ce qui est du rôle du recteur, lorsqu’il s’agit de trouver, in fine, une solution pour les étudiants pour lesquelles il n’y a pas de solution, vous avez proposé, madame la ministre, un amendement dont la rédaction présentait un certain nombre de garanties.
Or, à l’issue de cette première discussion, nous sommes immédiatement arrivés en CMP. Et là, un compromis a été adopté, qui est fâcheux, madame la ministre, car il est en définitive en contradiction avec l’esprit de votre amendement.
En effet, que dit le texte de la commission mixte paritaire ? C’est ce qui explique que nous ne puissions, avec mes collègues – cela a été très bien expliqué par Sylvie Robert et par David Assouline –, voter ce texte. Il dit que le recteur doit trouver une solution dans la limite des capacités d’accueil, lesquelles ont été définies en amont ! Le recteur, plein de bonne volonté, peut bien vouloir proposer une place au jeune qui souhaite s’inscrire dans telle ou telle discipline. Mais que se passe-t-il si la capacité d’accueil est épuisée dans la discipline en question ?
Le texte tel qu’il est rédigé, madame la ministre, ne peut donc absolument pas garantir que tout jeune trouve une solution, contrairement à ce qui est affirmé dans l’exposé des motifs de votre projet de loi.
Mme Angèle Préville et M. David Assouline approuvent.
En tout cas, il y a là un problème, me semble-t-il. Nous allons nous retrouver confrontés à des cas où des recteurs feront des propositions qui ne pourront être honorées et où, par conséquent, des jeunes seront exclus. Or nous ne voulons pas que les jeunes soient exclus !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 63 :
Le Sénat a adopté définitivement.
La parole est à Mme la ministre.
Madame la présidente, je souhaite remercier très sincèrement la Haute Assemblée de l’adoption définitive de ce texte. C’est bien sûr un moment extrêmement émouvant pour moi, mais surtout extrêmement important pour les jeunes qui vont passer le bac cette année et pour ceux qui le passeront dans les années à venir.
Je remercie très vivement les sénatrices et les sénateurs de ne pas tous considérer que venir de familles modestes interdit la réussite et que l’intelligence s’évalue uniquement par le compte en banque. Il est très important que nous nous donnions les moyens d’aider l’ensemble des lycéens et des bacheliers à réussir dans l’enseignement supérieur, parce que tous y ont leur place, à condition d’y être accompagnés. Tel est l’objet de cette loi.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 20 février 2018 :
De quinze heures à seize heures : explications de vote des groupes sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle Calédonie (procédure accélérée).
De seize heures à seize heures trente : vote solennel par scrutin public sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle Calédonie (procédure accélérée). Ce scrutin sera organisé en salle des Conférences, avec la possibilité d’une seule délégation de vote par sénateur.
À seize heures trente : proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi organique relatif à l’organisation de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle Calédonie (procédure accélérée).
À seize heures quarante-cinq : questions d’actualité au Gouvernement.
À dix-sept heures quarante-cinq : débat sur les conclusions du rapport d’information Femmes et agriculture : pour l ’ égalité dans les territoires.
À vingt et une heures trente : débat sur l’avenir de l’audiovisuel public.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures quarante.