Intervention de Françoise Laborde

Réunion du 15 février 2018 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Françoise LabordeFrançoise Laborde :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les mutations de la société doivent être prises en considération par les décideurs politiques pour permettre l’accès de tous nos concitoyens aux connaissances et aux savoirs.

Des transformations structurelles liées à l’automatisation des tâches et au développement de l’intelligence artificielle affectent parallèlement le marché du travail et l’emploi, en profondeur. S’engager dans la voie du changement pour construire une société où les jeunes s’épanouissent et disposent des outils nécessaires pour s’adapter à ces bouleversements est un long travail qui reste à accomplir. L’université a un rôle central à jouer en la matière.

Pourtant, comme le faisait justement observer Jacques Chaban-Delmas en 1969 devant l’Assemblée nationale, « nous ne parvenons pas à accomplir des réformes autrement qu’en faisant semblant de faire des révolutions »…

Si le groupe du RDSE s’est prononcé contre l’instauration d’une sélection aveugle à l’entrée de l’université, c’est parce qu’il a jugé qu’elle serait socialement discriminatoire et aggraverait les inégalités scolaires, déjà très prononcées dans notre pays. Notre groupe a donc tenté, par ses amendements, d’en atténuer les effets lors de l’examen du présent projet de loi.

À l’issue de la commission mixte paritaire, quelques avancées peuvent être saluées.

La grande majorité des éléments qui présentaient l’enseignement supérieur dans une logique essentiellement économique a été extirpée du texte. Cela est positif, car le parcours d’orientation doit être adaptable à tout moment en fonction des aspirations de l’étudiant, des capacités qu’il peut développer, parfois tardivement, ou de sa motivation.

Pour ces raisons, nous estimons que l’orientation ne doit pas être élaborée exclusivement à l’aune des attentes présupposées des entreprises.

En première lecture, nous nous étions opposés en particulier à une détermination des capacités d’accueil directement corrélée aux taux de réussite et d’insertion professionnelle des formations. La rédaction retenue par la commission mixte paritaire est plus vague, avec une référence aux perspectives d’insertion professionnelle, aux projets de formation et de recherche de l’établissement et à l’évolution des projets de formation des candidats.

Ce dernier critère correspond davantage à ce que le groupe du RDSE a défendu, même si nous reconnaissons la faible portée législative de ces dispositions.

Je me réjouis principalement d’une mesure qui concerne les candidats sans affectation : dans le cadre de la dernière partie de la procédure de préinscription, ainsi que dans la procédure de réexamen pour circonstances exceptionnelles, la commission mixte paritaire a en effet tranché en faveur d’une décision prise par le recteur, respectant ainsi le principe de l’accès de tous les bacheliers au premier cycle de l’enseignement supérieur. Il s’agit d’un droit qui ne doit pas leur être retiré, le baccalauréat étant le premier grade de l’enseignement supérieur.

Je salue également le maintien dans le texte de notre proposition de prendre en compte le projet de formation du candidat sans affectation.

Enfin, préserver l’objectif de maîtrise de la langue française est bienvenu, même si nous aurions préféré que ces dispositions purement déclaratoires se concrétisent dans le projet de modules d’accompagnement proposés par les universités.

En revanche, je regrette la persistance de problèmes qui n’ont pas reçu de solutions acceptables, tels que le frein à la mobilité et l’accès aux universités parisiennes que constitue le pourcentage maximal de bacheliers « hors académie », en particulier pour les bacheliers de l’outre-mer.

Le sort des bacheliers professionnels et technologiques n’est pas non plus réglé. Pourtant, l’objet de ce texte porte également sur la réussite de tous les étudiants. Nous avions déposé un amendement qui tendait à établir un pourcentage plancher de ces bacheliers dans les filières STS et IUT : celui-ci a été rejeté par le Sénat, alors qu’il aurait permis d’apporter une première réponse.

Si l’on ne peut nier les améliorations apportées par le projet de loi par rapport à la situation actuelle, on se rend compte au fil des discussions que la très grande partie des candidats fera encore l’objet d’un traitement déshumanisé en raison de l’intervention d’algorithmes locaux. Seuls ceux qui n’auront pas été les mieux classés bénéficieront d’une intervention humaine. La prise en compte du parcours extrascolaire du bachelier instaure – j’insiste sur ce point – des critères socialement discriminants.

Surtout, dans un contexte de réforme du baccalauréat, on ne voit plus très bien où l’on va. Avec la disparition des filières et la mise en place d’un tronc commun et de spécialités, le Gouvernement s’engagera-t-il à revoir les critères de Parcoursup ?

Dans un passé très récent, les universités ont subi un sous-investissement chronique et divers prélèvements de l’État sur leurs fonds de roulement. Dans ce contexte, leur manque de moyens accroît non seulement le caractère sélectif de l’entrée dans les formations en tension, mais a également un impact sur les conditions de travail de l’ensemble des étudiants.

Lors de l’examen de la loi portant adaptation du deuxième cycle de l’enseignement supérieur français au système licence-master-doctorat, notre rapporteur avait souligné qu’il existait « un risque d’instituer une université à deux vitesses, entre des masters de premier choix, qui sont sélectifs, et des masters poubelles qui accueilleront les étudiants recalés. » C’est exactement ce que nous craignons dès l’entrée en première année entre les filières en tension et les autres.

Avec ce texte, la rentrée devrait pourtant se passer dans de meilleures conditions que l’année dernière. Nous le savons, il s’agit de régler en urgence la question de l’affectation des bacheliers dès la rentrée prochaine. La grande majorité des membres du groupe du RDSE soutiendra donc le présent projet de loi, qui aura au moins le mérite de parvenir à cette fin !

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