Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 15 février 2018 à 15h00
Orientation et réussite des étudiants — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons à la dernière étape de l’examen de ce projet de loi – mon intervention est même la dernière de la discussion générale –, et nous allons donc enfin donner un fondement légal à la procédure d’inscription des bacheliers dans un premier cycle d’études supérieures.

Comme je l’ai déjà souligné lors de la première lecture, le Gouvernement a fixé un calendrier extrêmement contestable qui a court-circuité l’action du Parlement, ce qui inquiète d’autant plus qu’il a volontiers eu recours au dispositif de la « procédure accélérée » ou aux ordonnances ces derniers mois. Si l’on ajoute à ce tableau le projet de réforme constitutionnelle, on peut s’interroger sur la place exacte que l’État souhaite accorder au Parlement.

Pour revenir au sujet du jour, il y a unanimité sur un point : le dispositif APB devait être remplacé, puisqu’il a mené à une situation de blocage dans les affectations, et même de crise, avec un recours illégal, l’an dernier, au tirage au sort.

Je suis néanmoins surpris par certains choix. Comment les établissements vont-ils pouvoir faire face à l’amoncellement des dossiers à examiner, sachant notamment que les dix vœux formulés par chaque candidat ne seront pas classés ?

Ne pas avoir à fixer de priorité dans les vœux permettra peut-être au bachelier de mûrir son choix quelques semaines supplémentaires, mais cette idée déconcerte par son évidente difficulté de mise en œuvre. On a parlé d’ « usine à gaz »… Effectivement, la tâche des chefs d’établissement sort considérablement alourdie de cette réforme.

Inévitablement, pour faire face au traitement des dossiers, des algorithmes locaux verront le jour, sans contrôle national, et je ne suis pas certain qu’une telle situation réponde entièrement aux recommandations de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le Gouvernement se rend compte que la seule façon de traiter le problème du manque de places dans certaines filières est bien d’introduire une forme de sélection. En refusant de le faire clairement, il multiplie les difficultés, obligeant les établissements à fixer des prérequis, des « attendus », imposant des remises à niveau par des « parcours personnalisés » dont on ne sait ni comment ils seront financés ni ce qu’ils apporteront vraiment.

Notre rapporteur a recueilli l’avis de plusieurs universités, qui estiment que les nouveautés de la rentrée seront « cosmétiques » et que, dans certains cas, faute de moyens, les modules créés le seront en détruisant des modules existants !

On peut également se demander à quelle date les établissements les moins demandés connaîtront leurs effectifs définitifs et comment la longueur de la procédure sera vécue par les jeunes concernés. Sans vouloir être d’un pessimisme primaire, il me semble que les conditions sont loin d’être assurées pour une rentrée universitaire 2018 sereine.

Le Sénat a cependant pu apporter plusieurs améliorations au texte initial. Parmi celles-ci, je souhaite souligner l’importance, à mon sens, de deux mesures.

Tout d’abord, concernant la proposition d’une formation au jeune n’ayant reçu que des réponses négatives, il était essentiel d’associer le directeur d’établissement à la décision du recteur.

Notre rapporteur, Jacques Grosperrin, que je félicite au passage de la qualité de son travail et de sa volonté de recherche du consensus, a relevé le risque d’atteinte à l’autonomie des établissements et introduit en commission une obligation d’accord de l’établissement.

La commission mixte paritaire est parvenue à une rédaction de compromis avec les députés : le recteur n’agira que dans la limite des capacités d’accueil de l’établissement, et le directeur pourra proposer au jeune une autre formation, ou un accompagnement préalable. Il était en effet essentiel que les établissements aient voix au chapitre.

Autre point majeur, qui a été évoqué à l’instant : la prise en compte des perspectives d’insertion professionnelle offertes par une formation dans la détermination par le recteur de ses capacités d’accueil.

Le projet de loi ne traite pas le problème essentiel de la carte des formations. Je pense d’ailleurs qu’il aurait fallu prendre du recul et adopter une démarche globale, c’est-à-dire agir en amont sur l’adéquation des offres de formation à la réalité du marché du travail.

L’accès à l’enseignement supérieur est, pour les jeunes – n’en doutons pas –, une étape importante de formation intellectuelle dans la construction de leur avenir personnel et professionnel. Leur employabilité et leur insertion professionnelle dans des métiers actuels ou d’avenir sont aussi des objectifs en soi.

La prise en compte de tels indicateurs dans la décision, par l’autorité académique, d’augmenter les capacités d’accueil, mais aussi, éventuellement, de les réduire, est une mesure courageuse. Je me réjouis donc de cet apport du Sénat, qui a fait l’objet de discussions parfois vives au sein de la commission mixte paritaire.

Madame la ministre, ce projet de loi doit être un point de départ. Sa vocation était de régler un problème ponctuel, celui de l’engorgement des filières, mais pour combattre l’échec en premier cycle universitaire, l’inégalité des chances et le chômage des jeunes, tout reste à faire. Notre groupe espère que le Gouvernement fera prochainement preuve d’ambition en la matière.

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