Tout ça pour ça ! Je veux relever un point, après beaucoup d’autres ici. Sur la base du constat, dressé notamment par le Conseil d’État et par la CNIL, de l’impossibilité de maintenir le précédent système d’affectation, l’idée s’est imposée qu’il fallait une nouvelle plateforme pour préparer la rentrée.
Or on pouvait très bien, par décret, car ceci ne relève pas de la loi, décider d’une période transitoire de réflexion du Parlement et de la société sur notre système universitaire, aboutissant à une vraie loi de réforme, répondant au problème que vous affirmez vouloir traiter, madame la ministre, qui est celui de l’échec et de la sélection par l’échec, autrement dit de la sélection sauvage.
Vous y répondez non pas par décret, mais en quelque sorte en prenant en otage tout le monde : vous dites que si l’on ne vote pas ce projet de loi, on laisse 800 000 jeunes sans rien ; or, ajoutez-vous, l’avenir de nos jeunes est plus important que tout. Certes ! Sauf que l’on pouvait, par un système d’affectation, répondre au problème et corriger les fautes commises, en particulier la faute du tirage au sort, que je reconnais volontiers.
Vous avez choisi de faire autrement, madame la ministre. Si vous avez décidé de passer par la loi, c’est que vous donnez à votre texte l’ambition de régler le problème de l’orientation et de la sélection par l’échec.
Or vous institutionnalisez une forme de sélection, et ce n’est pas mieux ! Vous verrez – nous ferons le bilan, ici, au Parlement, et nous discuterons –, le nombre de jeunes restant sur le carreau ne va pas tellement diminuer. Et les origines sociales de ceux qui réussiront ne vont pas tellement évoluer.
Pourquoi ? Si nous avions pris le temps de discuter, madame la ministre, nous aurions pu traiter le problème plus globalement et adosser ce traitement à une loi de programmation, c’est-à-dire à une discussion financière. En effet, nous souhaitons tous personnaliser davantage l’orientation et le suivi et mettre en œuvre les accompagnements afférents. Mais bien entendu, une telle ambition nécessite bien plus de moyens et implique de construire un premier cycle où l’on n’est pas entassé dans les amphithéâtres d’universités que l’on laisse dépérir ! Si nous sommes d’accord sur l’ambition, il faut beaucoup plus de moyens.
Mais il y a pire ! Non contente de n’avoir pas traité ce problème, vous avez décidé de vous mettre d’accord avec la droite ; et cette loi, qui était la loi Duval, est devenue la loi Duval-Grosperrin ! C’est ce que vous appelez le « compromis », madame la ministre.
Quoi qu’il en soit, nous pensons que tout reste à faire. Cette loi va institutionnaliser une forme de sélection, et ce n’est pas le chemin que doit prendre notre université.