Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du 21 février 2018 à 14h30
Régime d'ouverture des établissements privés hors contrat — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Jean-Michel Blanquer :

Cette proposition de loi permet de simplifier et d’unifier le régime d’ouverture des établissements hors contrat. Avec les amendements déposés par Mme la sénatrice Françoise Gatel, elle répond à trois objectifs : premièrement, simplifier et unifier le régime d’ouverture de tous les établissements hors contrat ; deuxièmement, unifier les délais d’examen des dossiers ; troisièmement, moderniser les motifs d’opposition pour les rendre plus opérants. Je voudrais revenir sur chacun de ces trois éléments.

Tout d’abord, pour parvenir à un régime plus simple, les trois régimes actuels seraient remplacés par un régime unique de droit commun. Le cadre juridique actuel prévoit en effet une double saisine, celle du maire, puis celle des trois représentants de l’État. Cette double saisine est source d’insécurité juridique, tant pour les administrations chargées d’instruire les dossiers que pour les déclarants.

La proposition de loi maintient une quadruple compétence – le maire, l’autorité académique, le préfet et le procureur – pour opposer un refus au déclarant d’un établissement scolaire nouveau. Toutefois, nouveauté salutaire, elle prévoit l’instauration d’un guichet unique. Le déclarant saisirait une seule administration qui informerait ensuite les trois autres.

Le régime serait plus simple, mais aussi plus opérationnel, puisque les motifs d’opposition seraient unifiés et modernisés. La notion générale d’ordre public, déjà utilisée aujourd’hui pour le seul enseignement technique, serait généralisée à tous les degrés de l’enseignement, les notions plus anciennes étant actualisées par la référence à la protection de l’enfance et de la jeunesse.

Par ailleurs, les motifs permettant d’ores et déjà de demander la fermeture d’un établissement – absence de diplôme du directeur, condamnation pour crime ou délit contraire aux bonnes mœurs – pourraient désormais être opposés à l’ouverture des établissements.

La proposition de Mme la sénatrice Françoise Gatel de rendre obligatoire le contrôle des établissements privés hors contrat lors de la première année de leur fonctionnement me semble donc absolument justifiée.

Je m’y engage devant vous : le ministère de l’éducation nationale se donnera les moyens, notamment dans les académies où se concentrent les ouvertures de tels établissements, de rendre ce contrôle systématique dans la première année de fonctionnement d’un nouvel établissement. C’est pourquoi cette proposition de loi aura un impact potentiel sur l’organisation de l’éducation nationale, qui doit s’adapter à ces réalités nouvelles. Ces contrôles seront réalisés en étroite collaboration avec l’ensemble des services de l’État, au premier rang desquels le ministère de l’intérieur, lequel dispose d’informations parfois utiles pour prévenir des ouvertures qui ne seraient pas souhaitables.

Enfin, troisième et dernier point, qui est extrêmement important, cette proposition de loi permet de trouver un juste équilibre entre liberté d’enseignement et protection des enfants.

Je suis constitutionnaliste de formation. À ce titre, je veux réaffirmer mon attachement personnel à la défense des libertés constitutionnelles. Je vous fais une confidence personnelle : mon premier travail académique a porté sur la liberté de l’enseignement et sa protection constitutionnelle. Je suis donc extrêmement attentif à ce qu’il n’y soit pas porté atteinte. Je ne vous cache pas que les qualificatifs rappelés par Mme la sénatrice Françoise Gatel m’ont paru tout à fait désobligeants par rapport à l’objectif visé.

En réalité, il est question, au travers de cette proposition de loi, de conforter la liberté d’enseignement, en évitant, comme pour toute liberté, que l’abus de cette liberté ne vienne abîmer cette liberté. §Toute liberté, en effet, peut comporter des abus. C’est en étant soigneux vis-à-vis de ces abus que l’on est soigneux vis-à-vis de ces libertés.

Je peux vous témoigner de l’intérêt que je porte à toutes les pédagogies alternatives. À cet égard, je suis extrêmement attentif à ce que l’école publique soit elle-même porteuse de ces pédagogies alternatives. Je vois un dialogue constructif possible entre ce que les écoles privées ont réussi en la matière et ce que peut réussir, au moins autant, voire davantage, l’école publique au service de tous, notamment au service des plus défavorisés.

En tant que ministre de l’éducation nationale, je me dois de garantir la protection des enfants et le respect des valeurs de la République dans toutes les écoles en France. La liberté d’enseignement, comme toutes les libertés, pour demeurer, doit s’accompagner d’un cadre clair, partagé et respecté par tous les acteurs.

Les valeurs de la République sont le socle de notre action. Lorsque l’école ne porte pas ces valeurs, elle ne se porte plus, et c’est notre société qui en pâtit. Oui, c’est en menant un combat commun pour réaffirmer les valeurs républicaines que nous pourrons renforcer la liberté de l’enseignement. C’est un sujet qui doit unir l’ensemble de la représentation nationale : c’est en dénonçant ensemble ceux qui s’abritent derrière la liberté de l’enseignement pour bafouer les valeurs de la République que nous consoliderons cette dernière.

Cette proposition de loi permet de définir le cadre nécessaire et attendu au service de la liberté de l’enseignement et de la République.

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