Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 21 février 2018 à 14h30
Régime d'ouverture des établissements privés hors contrat — Adoption d'une proposition de loi modifiée

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller :

Monsieur le ministre, madame la rapporteur, madame la présidente de la commission, chers collègues, nous sommes rassemblés pour examiner la proposition de loi déposée par Françoise Gatel, dont notre collègue Annick Billon est rapporteur. Je salue leur engagement et leur travail, ainsi que les valeurs républicaines qui les ont guidées dans leurs démarches.

Quels sont les constats en ce qui concerne l’enseignement privé hors contrat ?

Premier constat : le nombre d’établissements privés a fortement augmenté, comme Annick Billon et Sonia de la Provôté l’ont rappelé, passant de 803 en 2010 à 1 300 en 2017, soit une augmentation de près de 500. Le nombre d’élèves a augmenté dans les mêmes proportions – ils étaient 58 000 en 2012, contre 72 000 en 2017 –, en particulier dans l’enseignement primaire. Cela signifie que les effectifs vont mécaniquement augmenter dans les prochaines années.

Deuxième constat : les exigences sont faibles s’agissant de la formation des enseignants et des directeurs, sauf pour l’enseignement professionnel – d’autres orateurs l’ont dit avant moi.

Troisième constat : un quart des contrôles effectués durant l’année scolaire 2016-2017 ont révélé des manquements. Ceux-ci sont de différents types : quelques cas, rares, mais présents, d’opposition aux valeurs de la République, l’occultation de certains pans du savoir, soit un enseignement partial, ou bien une absence totale de preuves d’enseignement scolaire.

Ces constats sont très largement partagés.

Qu’en est-il en matière de régime d’ouverture et de contrôle ?

Premièrement, les procédures d’agrément diffèrent selon la nature des établissements, comme cela a été rappelé. Il faut dire que les régimes d’agrément constituent un morceau d’histoire du droit : celui qui concerne le premier degré date de la loi Goblet, en 1886, celui qui régit le second degré de la loi Falloux, en 1850, et celui qui s’attache à l’enseignement technique de la loi Astier de 1919. Ils sont tous différents, sans que cela se justifie autrement que par l’histoire.

Deuxièmement, les délais d’opposition qui font suite à la déclaration d’ouverture sont trop courts pour être efficaces : huit jours pour une mairie, quelle que soit sa taille, c’est évidemment bien trop peu pour examiner un dossier.

Troisièmement, les motifs d’opposition sont insuffisants : le maire et les administrations ne peuvent se fonder que sur l’hygiène et les bonnes mœurs. Cela signifie que les quatre autorités compétentes ne disposent pas de moyens d’opposition relevant d’un autre manquement.

Enfin, quatrièmement, les contrôles sont insuffisants et peu de règles régissent leur fréquence. Avant 2015, ils ne constituaient clairement pas une priorité.

Face à ces insuffisances, la proposition de loi de notre collègue compte trois grands axes.

Le premier vise à simplifier et à renforcer la procédure d’ouverture des établissements hors contrat, pour donner aux quatre autorités – le maire, l’autorité académique, le préfet, le procureur – la possibilité d’exercer un contrôle a priori efficace.

Le deuxième axe s’attache à renforcer le contrôle des établissements après leur ouverture.

Monsieur le ministre, j’avais prévu de vous interroger à ce sujet, mais vous nous avez d’ores et déjà donné quelques assurances dans votre discours liminaire. Vous avez affirmé que vous alliez vous donner les moyens de contrôler la première année de fonctionnement, répondant ainsi à l’exigence contenue dans cette proposition de loi. Je souhaite donc vous interroger plus globalement sur les moyens humains mis en œuvre pour le contrôle de ces établissements, mais aussi sur les connaissances et les informations quant au cadre juridique dont doivent disposer les inspecteurs.

Le troisième axe fort de cette proposition de loi, après la simplification et le renforcement des contrôles, est le renforcement des exigences de diplôme pour les directeurs et enseignants, ainsi que la mise en place de conditions d’âge, de nationalité et de capacité qui n’existaient jusqu’alors que pour l’enseignement du second degré technique. De plus – cela semble tellement naturel –, une expérience suffisante dans un établissement scolaire est requise pour les directeurs d’établissement.

Mes chers collègues, l’objectif est ici de moderniser la procédure d’ouverture et de l’adapter au contexte actuel, pour assurer le respect de principes clairs, protecteurs des enfants comme des valeurs républicaines.

Il faut évidemment renforcer le suivi et les contrôles, qui sont notoirement défaillants aujourd’hui. Les établissements respectueux des valeurs républicaines n’ont aucune inquiétude à avoir.

L’objectif n’est pas de porter atteinte à la liberté d’enseignement, qui est un principe à valeur constitutionnelle. Il est important que des établissements puissent apporter une éducation alternative, recherchée par certains parents, pour les enfants dits « porteurs de handicaps », par ceux qui souhaitent un rythme plus adapté. Cependant, l’État ne doit en aucun cas se trouver devant le fait accompli.

Monsieur le ministre, vous l’avez rappelé en conclusion : il s’agit de définir ensemble un cadre clair, partagé et respecté par tous. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ce texte.

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