Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’aurai – vous l’imaginez –, au nom du groupe centriste, un discours quelque peu différent de celui que l’on vient d’entendre, simplement parce que je crois que, aujourd’hui, ni la France ni l’Europe ne peuvent être fermées sur elles-mêmes.
Nous ne sommes pas forcément d’accord sur un libre-échange intégral et total, mais il existe des intérêts communs à signer des accords avec un certain nombre de pays à travers le monde, surtout à un moment où les États-Unis se ferment sur eux-mêmes et veulent être les capitalistes, et non plus les économistes, du monde.
L’intérêt de la France est clair : nous devons entretenir des échanges avec les pays de l’océan Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie est physiquement proche.
Ces échanges ne sont d’ailleurs pas tout à fait nouveaux : il y a bien longtemps que le mouton et la laine de Nouvelle-Zélande sont vendus sur le marché européen, même s’il faut bien reconnaître que cela a fragilisé notre agriculture et notre économie. C’est un choc de civilisations entre l’agriculture du Nouveau Monde et celle des vieux pays du continent européen.
Toutefois, notre pays, comme l’Europe tout entière, peut défendre ses intérêts économiques et signer des accords de libre-échange, en étant ferme dans les négociations.
Le risque aujourd’hui vient de la crise que traverse l’agriculture française – cela n’a échappé à personne. Je le rappelle souvent, un tiers des agriculteurs gagnent moins de la moitié du SMIC. Aujourd’hui, ils sont inquiets pour leur travail. L’Europe doit non seulement les rassurer, mais elle doit aussi les protéger.
Nos fonctionnaires et parlementaires européens ont encore une vision un peu trop angélique de la politique libérale et libre-échangiste, me semble-t-il. J’étais, il y a quelques jours, au Canada, avec lequel nous venons de signer un accord de libre-échange : les producteurs laitiers de ce pays voient leur lait payé un tiers plus cher qu’en Europe. Tout en ayant un accord de libre-échange avec l’Europe, le Canada sait protéger son élevage laitier local !
L’Europe doit comprendre qu’elle peut être libérale et avoir des partenaires économiques dans le monde sans être pour autant une passoire. Elle a établi un certain nombre de normes de production destinées à protéger les consommateurs européens, en mettant en avant la santé publique et l’environnement et en démontrant aux agriculteurs que leur avenir passait par des efforts importants sur la qualité, en diminuant les pesticides, en supprimant les OGM, en développant une production animale sans hormones et antibiotiques.
Il n’est pas possible d’expliquer aux agriculteurs français et européens que des accords de libre-échange ne doivent pas s’appuyer sur des contraintes concernant les produits importés.
Les produits qui arrivent en Europe doivent respecter les mêmes règles de production. Comment imaginer que les œufs de poules élevées sur un parcours enherbé en France ou en Europe peuvent être produits au même prix que des œufs produits par des poules pondeuses en cages dans des usines en Australie ou en Nouvelle-Zélande ?
Il existe des règles et des normes de sagesse. L’Europe attend des produits de qualité : nous ne pouvons pas laisser entrer n’importe quoi sur le marché. Même si l’Australie n’a pas pris le parti de produire des céréales avec OGM, l’agriculture de ces pays, notamment l’élevage, utilise très largement ces produits qui ne sont pas autorisés en Europe.
Il s’agit d’un véritable débat de compétitivité. Notre agriculture peut être compétitive si on lui fixe des règles de concurrence loyale. Cela a été dit précédemment, l’Europe doit prendre sa place dans le monde, y compris par des accords commerciaux, mais elle doit, en même temps, être un exemple en matière environnementale, au travers de règles de production.
Prenons l’exemple des règles sanitaires applicables à l’agriculture française ou européenne et à l’élevage, et les conditions dans lesquelles celui-ci est pratiqué. Dans les pays du Nouveau Monde, je puis vous dire que les normes environnementales et les normes pour le cheptel – allez voir leurs bovins d’engraissement ! – n’ont rien à voir avec celles qui sont applicables chez nous.
Quand on choisit le libre-échange, il faut avoir des agricultures compétitives, il faut être capable de supporter la concurrence, ou alors imposer aux autres les règles que l’Europe a su exiger de ses agriculteurs et qui protègent les consommateurs.
Est-ce que l’Europe, en négociant des traités de libre-échange, est capable d’avoir en même temps de l’ambition pour son agriculture et pour son économie tout entière ? Aujourd’hui, c’est le véritable défi. L’Europe ne doit pas avoir une guerre de retard, elle doit s’ouvrir sur le monde et comprendre qu’une économie, cela se protège !
Je suis surpris de voir que l’on envoie beaucoup trop facilement des commissaires ou de hauts fonctionnaires européens pour négocier. Je prends l’exemple du Canada : l’ambassadrice du Canada en France est une chef d’entreprise qui s’est mise en disponibilité pendant cinq ans pour ce poste. Elle est chargée de faire comprendre qu’un traité de libre-échange avec son pays peut être négocié avec la France et l’Europe.
Demain, il faudra faire preuve dans les négociations de davantage de tempérament anglo-saxon, alors que nous en perdons un peu avec le départ des Anglais… Nous pensons trop que le libre-échange, c’est ouvrir les portes et ne rien négocier.
Je ne suis pas favorable à des quotas qui protégeraient, mais qui n’apporteraient forcément pas grand-chose. En revanche, les règles imposées par l’Europe à ses producteurs doivent être appliquées de la même manière aux produits qui seront importés en France et en Europe.