Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite associer à mon intervention mon collègue Marc Daunis, qui est retenu dans sa circonscription.
L’examen aujourd’hui de deux projets de mandat de nouvelles négociations commerciales entre l’Union européenne et respectivement l’Australie et la Nouvelle-Zélande est le fruit d’une victoire dont nous pouvons nous féliciter. Il faut, en effet, nous féliciter d’exercer un droit acquis de haute lutte.
Grâce au combat mené par la France dès l’adoption du mandat sur la négociation pour un partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les États-Unis, et poursuivi lors de la phase finale de l’accord CETA conclu avec le Canada, les parlementaires de tous les États membres peuvent désormais officiellement s’exprimer sur le projet de mandat de négociations commerciales que la Commission européenne propose d’engager au nom de l’Union européenne avec, d’une part, l’Australie et, d’autre part, la Nouvelle-Zélande.
Il y a un intérêt stratégique à développer ces partenariats : si l’Union européenne n’y va pas, c’est avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud que l’Australie et la Nouvelle-Zélande développeront leurs échanges, selon des règles et des normes que nous ne maîtriserons pas et qui pourraient, si l’on n’y prend garde, s’imposer à nous par la suite.
Les parlementaires ont également gagné, ces dernières années, un droit de suivi des négociations, grâce notamment à la mise en place d’un comité stratégique de suivi des négociations commerciales, qui fonctionne bien. En revanche, dans le même temps, ils ont perdu le droit de voter a posteriori ces accords, ce que nous pouvons effectivement regretter.
Cette implication progressive des parlementaires est essentielle, alors que la Cour de justice de l’Union européenne, dans son avis sur l’accord Union européenne-Singapour, a conforté la Commission européenne dans sa compétence exclusive en matière de négociations commerciales.
Je voudrais toutefois souligner ici que la question de la conclusion d’accords de libre-échange relevant de la compétence exclusive de la Commission européenne fait toujours débat et n’a toujours pas été tranchée. La Commission européenne s’est pour l’instant engagée à ce que cette compétence exclusive ne soit pas automatique.
Ces premières expériences de contrôle et de suivi nous permettent aujourd’hui de mieux anticiper pour défendre les intérêts européens et nationaux, d’être mieux armés sur la scène commerciale internationale, mais aussi d’entrer plus sereinement dans le débat démocratique. En même temps, nous devons absolument répondre aux inquiétudes de nos concitoyens, qui sont légitimes.
La première réponse repose sur une plus grande transparence et le renforcement du contrôle démocratique sur ces négociations commerciales, mais nous devons aller plus loin encore en assurant un véritable équilibre entre protection et ouverture. C’est ce pour quoi nous nous battons depuis des années, notamment au Sénat. L’expérience des dernières négociations commerciales vient conforter cette position, cette conviction qu’il faut continuer à se battre et à promouvoir notre modèle de développement.
En réalité, que devons-nous retirer de l’échec des négociations du TTIP ? À un moment donné, un État membre, comme la France, peut dire qu’il n’a pas obtenu assez d’avancées pour faire des concessions supplémentaires et que l’Union européenne ne peut pas aller plus loin.
Que dire de la réouverture in extremis de la négociation de l’accord CETA ? Lorsque l’on porte des propositions légitimes, on peut peser, et même réformer, faire évoluer les mentalités. Sans cette conviction, nous n’aurions pas de mécanisme d’arbitrage susceptible de préserver le droit, de réguler les États membres et de les protéger par des recours ; nous n’aurions pas les exigences que nous développons dans cette proposition de résolution européenne.
Aussi, ne nous replions pas ! L’Union européenne a les moyens et la responsabilité de peser sur les normes commerciales internationales. C’est d’ailleurs le bilan que nous pouvons faire des débats dans nos commissions respectives. Il faut aller plus loin dans nos exigences, pour que l’Union européenne puisse aborder les négociations commerciales en défendant au mieux les intérêts européens, c’est-à-dire ceux des citoyens, ceux des consommateurs, et, bien sûr, ceux des producteurs.
Ces accords de nouvelle génération ne sont plus seulement des accords commerciaux. Ils doivent nous permettre de défendre des valeurs, un modèle de régulation commerciale et de border des mandats de négociation.
Nous saluons cette proposition de résolution européenne, qui porte une exigence de transparence de l’ensemble du processus de négociation, et nous comptons bien que le Gouvernement nous rende régulièrement compte de son avancée, notamment sur le caractère contraignant et opposable des dispositions communes en matière de développement durable environnemental et social, qui, s’il était validé, constituerait une avancée majeure.
Nous voudrions ajouter que toutes ces demandes constituent pour nous une ligne rouge. À notre sens, il faudrait aller plus loin encore au niveau européen, et imposer un travail d’évaluation en amont des négociations, afin d’anticiper et de mieux prévenir les effets économiques et sociaux des accords commerciaux.
Notre principale préoccupation a été de travailler à l’anticipation et à la prévention des compétences négative de l’ouverture de nos marchés, plutôt que de seulement tenter de les réparer.
Je crois que la Commission européenne n’a pas assez œuvré dans ce sens. C’est un travail essentiel qu’elle doit mener et que les États membres doivent soutenir. Le Gouvernement doit faire des propositions en ce sens. Tel est l’objet des amendements que nous présenterons tout à l’heure et qui ont reçu un accueil favorable en commission des affaires économiques. Ils visent, notamment, à renforcer le poids et les exigences de cette proposition de résolution européenne.
Nous avons un modèle à porter dans ces négociations commerciales ; à nous de savoir le défendre et le promouvoir. Pour cela, un travail reste à engager au niveau européen, et nous comptons, nous, parlementaires, y être associés et en prendre toute notre part.