Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons à débattre de la proposition de résolution européenne sur les directives de négociation en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et l’Australie, d’une part, et la Nouvelle-Zélande, d’autre part.
Ce texte a vocation à nourrir les négociations de deux accords disjoints, mais concomitants, qui vont s’ouvrir avec ces deux pays.
Sans exagérer outre mesure l’importance du moment, il convient de le relever : c’est la première fois que le Parlement est amené à évaluer un mandat de négociation avant que celle-ci ne soit engagée, du moins officiellement, si l’on excepte l’initiative prise pour le TTIP par notre regrettée collègue Nicole Bricq en 2013.
Cela renvoie tout d’abord à un contexte particulier qu’il faut souligner, car il explique le premier point majeur de cette proposition de résolution européenne : nous nous prononcerons ce soir non pas sur le contenu d’un futur accord de libre-échange, mais sur le mandat que nous entendons voir les États membres accorder à la Commission européenne.
En effet, depuis l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne du 16 mai 2017, la quasi-totalité d’un accord de libre-échange relève de la compétence exclusive de la Commission. Si cette situation peut très probablement interroger, pour des raisons d’ailleurs diverses, certains d’entre nous, telle est bel et bien la réalité à laquelle nous sommes confrontés. L’enjeu, éminemment politique, de nos débats est donc de déterminer dans quelle mesure nous arriverons, malgré ce cadre contraignant, à peser sur le contenu d’un éventuel futur accord de libre-échange.
Nous devons choisir entre deux positions : soit rejeter cette réalité et, par voie de conséquence, ce texte, ce qui nous empêcherait de transmettre à la Commission des directives de négociation ; soit décider de faire part de nos points de vue à la Commission européenne quant à l’ouverture de ces négociations, qui ne vont pas sans poser plusieurs questions.
C’est le moment crucial de nous exprimer : les accords commerciaux n’étant dorénavant plus obligatoirement soumis à ratification des parlements nationaux, il s’agit peut-être de la seule occasion que nous aurons de le faire.
Cette proposition de résolution européenne me semble équilibrée, dans la mesure où elle prend en considération différents aspects sensibles et différents points de vue en matière de commerce international et d’accords de libre-échange.
Elle reflète, à cet égard, la sagesse de cette assemblée. Comme d’autres l’ont fait avant moi, je veux saluer le travail remarquable de nos collègues rapporteurs Pascal Allizard et Didier Marie.
Je retiens tout d’abord de ce texte le choix d’une approche globale, et non plus uniquement centrée sur le commerce stricto sensu. Ainsi, la nécessité de l’intégration de dispositions contraignantes sur les volets environnementaux et sociaux, ainsi qu’en matière de développement durable me semble novatrice et fondamentale. Il s’agit d’une avancée.
Cette démarche est d’autant plus importante que, comme il est souligné dans l’exposé des motifs, ce ne sont pas les barrières douanières qui posent le plus de questions, mais bel et bien l’ensemble de facteurs non tarifaires existant encore à ce stade.
Par ailleurs, le texte accorde une place importante à la problématique des produits sensibles. En tant que rapporteur spécial du budget de l’agriculture pour la commission des finances, je suis convaincu de l’intérêt d’une telle prise en compte. Disons-le nettement : c’est absolument nécessaire.
La filière bovine et celle des sucres spéciaux dans nos outre-mer ne peuvent être balayées d’un revers de main. Je suis particulièrement satisfait de voir notre assemblée le rappeler explicitement à la Commission européenne à travers ce mandat de négociation.
Dans le même esprit, je suis également sensible à l’évocation du Fonds européen d’ajustement à la mondialisation, même s’il ne saurait constituer l’alpha et l’oméga des politiques publiques en la matière.
Avant de conclure, je voudrais souligner que la mise en place, dans un contexte d’essor sans précédent du poids des multinationales dans l’édiction mondiale des normes, d’un tribunal bilatéral chargé du règlement des différends entre États et acteurs privés, que cette proposition de résolution appelle de ses vœux, me semble de nature à garantir le droit des États à réguler. Une telle disposition permettrait de répondre aux inquiétudes légitimes qui ont pu se faire jour lors de l’examen du TTIP et du CETA.
Nous allons, je le crois, dans le bon sens. Comme vous le constatez, mes chers collègues, je suis favorable à cette proposition de résolution européenne, qui nous donne les moyens de peser dans les négociations qui vont s’ouvrir.
Pour autant, il ne s’agit pas d’empêcher le débat. Je sais que nous discuterons avec profit des différents amendements, particulièrement ceux qui visent à préciser le degré de contrainte que nous entendons fixer aux négociateurs.
Certains amendements ont d’ores et déjà été adoptés en commission. Je pense notamment à ceux qui tendent à permettre de réaliser une évaluation ex ante des effets économiques et sociaux des accords. Il s’agit d’une disposition tout à fait opportune.
Mes chers collègues, nous ne sommes pas à côté du monde. En ce sens, je ne puis que vous inviter à réserver une issue favorable à ce texte, qui nous permettra de peser sur la séquence de discussions qui va s’ouvrir.