Comme vous l'a dit Jean-Claude, j'ai donc eu principalement en charge les mesures sur le droit à l'erreur et le droit au contrôle, ainsi que les dispositions en matière fiscale et sociale.
L'article 2 crée deux dispositifs. En premier lieu, il instaure un droit à régularisation de l'erreur au bénéfice de tout usager de l'administration qui méconnaîtrait involontairement, et pour la première fois, 'une règle applicable à sa situation. Celui-ci peut régulariser sa situation sans faire l'objet d'une sanction pécuniaire ou être privé d'une prestation due. Un double tempérament est prévu à ce principe : outre que le droit à l'erreur ne s'appliquerait pas en cas de mauvaise foi ou de fraude de l'administré, il est également formellement exclu dans le cas de certaines sanctions administratives, notamment en matière de régulation, de mise en oeuvre du droit de l'Union européenne, de respect d'obligations de sécurité ou encore d'engagements contractuels.
En second lieu, cet article reconnaît à toute personne le droit de demander à faire l'objet d'un contrôle applicable à sa situation, ce à quoi l'administration est tenue de répondre dans un délai raisonnable, sauf en cas de mauvaise foi, de demande abusive, ou d'impossibilité matérielle pour 'elle de mener à bien ce contrôle. Les conclusions du contrôle sont ensuite opposables par la personne contrôlée à l'administration dont elles émanent.
Ces deux nouveaux dispositifs sont supplétifs au regard des « droits à l'erreur » spécifiques à certaines matières, conformément au principe de droit commun du code des relations entre le public et l'administration.
En dépit du manque de précision des dispositions proposées et de l'absence de véritable étude de leur impact, je ne vous proposerai pas de bouleverser le dispositif qui nous est soumis. Il entend répondre à l'objectif de simplifier les démarches des usagers avec l'administration, dans le respect du droit, souci que je partage.
Je vous proposerai, en revanche, des ajustements destinés à préciser le dispositif et à le rendre plus incitatif, tout en renforçant l'accès à ce nouveau droit pour tous les usagers. J'y reviendrai lors de l'examen des amendements, non sans dire un mot, dès à présent, de la proposition de Mme Vermeillet, qui vise à étendre le bénéfice du droit à l'erreur aux collectivités locales dans leurs rapports avec les services de 'l'État. Cette proposition me paraît légitime, mais je vous inviterai, par sous-amendement, à en préciser l'extension.
D'autres dispositions visent à rétablir un lien de confiance entre 'l'État et la société.
C'est le cas, par exemple, de l'article 15 A, qui interdit aux administrations de 'l'État de recourir à un numéro surtaxé dans leurs relations avec le public. Cela évitera le sentiment d'amertume que peuvent ressentir certains de nos concitoyens lorsqu'ils attendent d'être mis en relation avec un interlocuteur alors que chaque minute est facturée, quand bien même cette facturation serait minime.
J'en viens maintenant à la partie fiscale et douanière du projet de loi, qui constitue un ensemble à part.
Dans ces domaines, et au risque de tempérer quelque peu l'enthousiasme affiché par le Gouvernement, je dois vous rappeler que le droit à l'erreur existe déjà depuis longtemps : en matière fiscale, le contribuable est toujours présumé de bonne foi, et les majorations, de 40 % ou 80 %, ne peuvent être appliquées que si l'administration apporte la preuve d'une intention de frauder. En matière douanière, les infractions font l'objet d'une transaction dans 99 % des cas, lesquelles aboutissent dans 20 % des cas à la suppression totale des pénalités.
Les articles qui prévoient la diminution de l'intérêt de retard en cas de régularisation par le contribuable - de 50 % si elle est spontanée et de 30 % à l'occasion d'un contrôle - n'ont donc rien à voir avec un droit à l'erreur : ce sont des mesures incitatives au civisme fiscal. J'insiste sur ce point : l'intérêt de retard n'est pas une sanction, c'est le « prix du temps ». C'est d'ailleurs pour cela qu'il doit être maintenu, au moins partiellement.
Je vous proposerai quelques amendements visant à améliorer le dispositif, sans pour autant revenir sur l'équilibre trouvé à l'Assemblée nationale.
En matière douanière, le dispositif appelé « droit à l'erreur » va un peu plus loin : il s'agit de supprimer l'intégralité des pénalités dès lors que le contribuable est de bonne foi, alors que la transaction permet une modulation en fonction des circonstances. Le système sera donc plus « binaire » qu'aujourd'hui : soit on est de bonne foi, soit on ne l'est pas. En pratique, toutefois, l'effet devrait être limité pour les entreprises, et entraînera surtout une simplification des procédures internes.
Quelques autres articles prévoient une meilleure prise en compte du droit à l'erreur dans telle ou telle procédure, mais ils ne font bien souvent que consacrer une tolérance admise par la doctrine. De même, on compte plusieurs dispositions visant à renforcer la procédure du rescrit, mais qui ne changent pas grand-chose sur le plan juridique. Il n'y pas lieu de s'y opposer, mais il n'y a pas de quoi s'enthousiasmer non plus.
Cela dit, le texte que nous examinons contient tout de même deux dispositions substantielles en matière fiscale.
La première, que l'on appellera « garantie fiscale », ne provient pas du Gouvernement mais des députés'. Elle vise à inscrire dans la loi que tout point examiné lors d'un contrôle fiscal et n'ayant pas fait l'objet d'un redressement serait considéré comme tacitement validé par l'administration.
C'est un changement complet de paradigme : en effet, aujourd'hui, le fait qu'un point n'ait pas été remis en cause par un vérificateur ne garantit en rien qu'il sera préservé si un autre contrôle devait être engagé sur les mêmes exercices. Avec la « garantie fiscale », les entreprises bénéficieront d'une sécurité juridique inédite : je vous encourage donc à adopter cet article sans modification.
Je vous proposerai d'ailleurs de le compléter par un article additionnel prévoyant qu'à l'issue d'un contrôle, le courrier adressé au contribuable mentionne non seulement les points faisant l'objet de rectifications, mais aussi les points que l'administration a expressément validés. En effet, pourquoi l'appréciation portée par l'administration sur un contribuable devrait-elle se limiter aux montants redressés et aux pénalités infligées ?
Ceci nous amène à l'autre disposition substantielle du texte : la généralisation de la « relation de confiance », soit l'expérimentation, lancée en 2013, consistant à valider en amont les options fiscales d'une entreprise, dans le cadre d'un dialogue et sur une base contractuelle.
Malheureusement, l'habilitation à légiférer pour généraliser la relation de confiance, prévue à l'article 7, est très vague. Je vous proposerai plusieurs amendements visant à la préciser, afin que l'esprit de la relation de confiance ne soit pas détourné au profit de quelque nouvelle procédure de rescrit ou d'un contrôle sur place. Pour cela, il importe notamment que les équipes chargées de la relation de confiance ne soient pas seulement issues des services du contrôle fiscal, mais aussi des services de la gestion des obligations déclaratives.
Cela dit, pour que le dispositif de la relation de confiance soit ambitieux, il faut aussi admettre qu'il ne pourra pas être ouvert à tout le monde. De fait, il correspond plus naturellement aux grandes entreprises, ou aux PME présentant des enjeux spécifiques, par exemple en matière d'innovation et de recherche et développement. Compte tenu des moyens humains limités de l'administration, des critères d'éligibilité objectifs devront être fixés pour garantir le principe d'égalité devant l'impôt.
Plus fondamentalement, l'amélioration des relations entre l'administration fiscale et les contribuables, le passage d'une logique de contrôle et de sanction à une logique d'accompagnement et de conseil, sont avant tout une question de changement culturel et d'organisation, bien plus que d'évolution législative. La loi permet déjà beaucoup de choses en matière fiscale : ce qu'apporte ce texte, au-delà de ses dispositions souvent modestes, c'est peut-être un nouvel état d'esprit. Il faut maintenant s'en saisir.
J'en viens à présent au volet social de ce projet de loi.
Plusieurs articles, que nous examinerons demain, visent à développer la médiation au sein des organismes de sécurité sociale. L'article 17, qui concerne les Urssaf, figurait dans le texte initial. Il vise à généraliser une expérimentation menée depuis quelques années par l'Urssaf d'Ile-de-France et dont les résultats sont globalement satisfaisants. Je vous proposerai des amendements visant à préciser le dispositif.
Les articles 17 bis A et 17 bis B résultent de la volonté de l'Assemblée nationale de renforcer la place de la médiation dans le régime agricole, d'une part, et dans les branches vieillesse et famille du régime général, d'autre part. Ce régime et ces branches ont déjà mis en place des dispositifs de médiation en dehors de toute obligation légale. Il convient donc que l'intervention du législateur, si tant est qu'elle soit nécessaire, n'entrave pas le bon fonctionnement des dispositifs existants en imposant de nouvelles règles. Je vous proposerai des amendements en ce sens.
Pour être totalement exhaustive sur les dispositifs de médiation, j'ajoute, même si cela ne relève pas du volet social au sens strict, que l'Assemblée nationale a introduit un article 17 bis créant une sorte de « super médiateur », habilité à résoudre les différends entre entreprises et administrations. Je suis très sceptique sur cette disposition, que je vous proposerai de supprimer à titre conservatoire, dans la mesure où elle me semble inaboutie, voire source de confusion au regard des dispositifs existants.
Quant à l'article 29, il prévoit, à titre expérimental, un cadre dérogatoire au droit du travail pour permettre la mise en place de prestations de relayage des proches aidants. Le Sénat avait supprimé ce dispositif en 2015 dans le cadre de l'examen du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement, considérant que les conditions de succès de l'expérimentation n'étaient pas réunies. On peut donc s'étonner de retrouver cet article dans un texte dont l'objet est tout autre. Toutefois, je vous proposerai de laisser sa chance à cette expérimentation, en proposant des modifications qui me paraissent de nature à la rendre plus réaliste.
Le volet social du projet de loi contient deux demandes d'habilitation. Je vous proposerai d'adopter l'article 18 relatif aux modalités de recouvrement des indus de prestations sociales et de supprimer l'article 26 bis, introduit à l'Assemblée nationale, qui donne carte blanche au Gouvernement pendant un an et demi pour modifier les règles encadrant la création et le mode d'accueil des jeunes enfants.
Enfin, je vous proposerai de compléter ce volet social en adoptant un article additionnel visant à moduler le montant de l'annulation des exonérations de cotisations sociales encourue par l'employeur lorsqu'il omet de déclarer certaines heures supplémentaires ou qu'une prestation de service est requalifiée en travail salarié.
Si je n'ai évoqué, dans ce propos liminaire, que les principales dispositions qui m'ont été confiées, nous aurons l'occasion de débattre plus en détail de l'ensemble des articles lors de l'examen des amendements.