Intervention de Jean-Claude Luche

Commission spéciale Etat pour une société de confiance — Réunion du 21 février 2018 à 14h30
Projet de loi pour un état au service d'une société de confiance — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Claude LucheJean-Claude Luche, rapporteur :

Dans le cadre de la mise en place d'une autorisation environnementale unique, l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 a prévu la possibilité pour le juge administratif, saisi d'un recours contre une autorisation, de n'annuler qu'une partie de cette autorisation - par exemple le volet de l'autorisation relatif au défrichement ou aux espèces protégées - tout en laissant subsister les autres parties de cette autorisation, afin que l'autorité administrative compétente n'ait pas à reprendre son instruction sur l'ensemble de la demande et qu'elle puisse régulariser sa décision par une décision modificative. De même, le juge administratif peut n'annuler qu'une phase de l'autorisation, comme par exemple la phase relative à l'enquête publique ou à l'étude d'impact, tout en laissant d'autres phases non entachées d'illégalité subsister.

L'amendement COM-57 prévoit d'appliquer une telle procédure aux demandes d'enregistrement ou aux déclarations d'installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Or, contrairement au régime d'autorisation, les régimes de déclaration et d'enregistrement ne répondent pas à cette organisation en phases et en parties. S'agissant de la déclaration, il s'agit d'une simple transmission du dossier au service instructeur compétent. Quant à l'enregistrement, les autorisations que contient le dossier sont des décisions administratives distinctes de la demande d'enregistrement. Tel que rédigé, le présent amendement n'est donc pas opérant. Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-57 n'est pas adopté.

Les amendements identiques COM-141 et COM-151 prévoient que, lorsque les projets d'ICPE font l'objet d'une évaluation environnementale au cas par cas, la décision de réaliser ou non une telle évaluation est prise par l'autorité administrative compétente pour autoriser le projet, par exemple le préfet et non plus par l'autorité environnementale, par exemple le Conseil général de l'environnement et du développement durable.

Ces amendements prévoient, par ailleurs, que la demande d'autorisation et l'étude d'impact environnementale fassent l'objet d'un avis rendu par le préfet et non plus par l'autorité environnementale.

Ce faisant, ces amendements sont contraires avec la directive 2011/92 du 11 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. Cette directive prévoit, en effet, que les autorités en charge de l'évaluation environnementale soient distinctes des autorités en charge de la décision. Cela a d'ailleurs été récemment rappelé par le Conseil d'État dans une décision du 6 décembre 2017, par laquelle il a annulé la compétence du préfet de région en tant qu'autorité environnementale. Par conséquent, j'émets un avis défavorable.

Les amendements COM-141 et COM-151 ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques suivants COM-142, COM-152 et COM-170 prévoient que les associations de protection de l'environnement qui contestent devant le juge administratif des décisions relatives aux ICPE puissent être obligées à verser une consignation en vue de payer les amendes pouvant leur être infligées pour recours abusif.

L'article R. 741-12 du code de justice administrative prévoit que le juge administratif peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende d'un montant maximum de 10 000 euros. Obliger les associations environnementales et elles seules à consigner cette somme lorsqu'elles déposent un recours contre une décision administrative ne me paraît pas justifié et pourrait être considéré comme une atteinte au principe général du droit au recours, qui a valeur constitutionnelle. Je rappelle, par ailleurs, qu'en matière d'urbanisme, les associations environnementales agréées sont présumées agir dans la limite de la défense de leurs intérêts légitimes et ne sont donc pas concernées par les procédures de recours abusifs.

Je comprends l'esprit de ces amendements, partage les préoccupations de leurs auteurs voulant lutter contre les recours abusifs, mais ne peux néanmoins donner qu'un avis défavorable. Il conviendra de trouver des solutions ensemble.

Les amendements COM-142, COM-152 et COM-170 ne sont pas adoptés.

Les amendements identiques COM-143 et COM-154 visent à réduire à deux mois les délais de recours contentieux qui peuvent être adressés au juge administratif pour contester les décisions prises par les autorités administratives compétentes relatives aux ICPE, telles que les décisions d'autorisation ou d'enregistrement de ces installations.

La réforme des procédures d'autorisation environnementale mise en oeuvre par une ordonnance et un décret parus le 26 janvier 2017 a conduit à réduire le délai de recours ouvert aux tiers souhaitant contester une autorisation d'exploiter une telle installation. Ce délai était auparavant d'un an à compter de la publicité de l'autorisation d'exploiter, et de six mois à compter la mise en service de l'installation si celle-ci n'était pas intervenue dans la première année de l'autorisation. Il est désormais de quatre mois à compter de la publicité de la décision, et peut être prolongé de deux mois en cas de recours administratif.

Ces nouveaux délais, plus favorables aux exploitants, permettent de sécuriser les projets tout en préservant le droit au recours des tiers. Réduire à nouveau ce délai pour le porter à deux mois paraît prématuré, et risquerait de remettre en cause l'équilibre trouvé en 2017.

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