Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 22 février 2018 à 14h30
Exécution des peines des auteurs de violences conjugales — Discussion et retrait d'une proposition de loi

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans notre pays, en 2016, 157 personnes ont trouvé la mort, victimes de la violence de leurs partenaires ou ex-partenaires. Parmi ces victimes, 78 % étaient des femmes.

La même année, près de 87 % des victimes ayant déposé plainte pour coups et blessures volontaires de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint étaient également des femmes.

Il est important de préciser que nous sommes probablement très en deçà de la réalité, car les enquêtes dites de « victimation » ont montré que 14 % seulement des victimes de violences conjugales déposent plainte.

Force est de constater, chaque année, la prévalence du nombre de femmes touchées et l’augmentation du nombre de victimes de violences conjugales. Autre constat : les violences conjugales sont plus nombreuses outre-mer qu’en métropole, selon ce qu’indique le CESE dans un rapport remis au Gouvernement le 20 décembre dernier et que mon excellent collègue Guillaume Arnell vient de citer. Outre-mer, on dénombre jusqu’à huit fois plus d’agressions physiques contre les femmes qu’en métropole et également huit fois plus d’agressions sexuelles contre les femmes commises par le conjoint.

Au-delà de l’éloquence de ces chiffres, ce sont des drames, souvent familiaux, qui se jouent, comme l’actualité récente nous l’a tristement rappelé.

Il s’agit d’un sujet éminemment sensible et la lutte contre les violences conjugales est un combat largement partagé.

Cependant, mon groupe ne peut souscrire à la présente proposition de loi, dont les auteurs ont le mérite d’avoir porté ce sujet très sensible au débat, et ce pour des raisons qui ont été rappelées précédemment et que j’évoquerai rapidement.

Tout d’abord, je suis hostile aux lois d’exception, qui ne prennent en compte ni le principe de proportionnalité ni celui d’individualisation des peines.

Ensuite, je considère, comme Mme la garde des sceaux et Mme la rapporteur, que les dispositions contenues dans ce texte seront contre-productives pour prévenir la récidive. Par ailleurs, celles-ci pourraient avoir pour conséquence d’inciter les juges à prononcer des peines plus faibles pour prévoir des aménagements ab initio, ce qui, vous en conviendrez, madame Laborde, aurait l’effet inverse de celui que vous recherchez.

En outre, j’attire l’attention sur le fort risque d’inconstitutionnalité qui pèse sur de telles dispositions.

Enfin, j’observe que la dénonciation des violences conjugales reste encore, en maints endroits et en diverses circonstances, un sujet tabou.

Je crains que la solution pour lutter contre ce type de violences ne relève moins du durcissement du régime des peines que de l’amélioration de l’application du droit existant et de la prévention.

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