Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’aura échappé à personne – à part peut-être au Gouvernement ! – que c’est dans cet hémicycle que se fait la loi. Cela requiert, de notre part, un niveau d’exigence élevé et une responsabilité permanente. Cela requiert également une objectivation de nos décisions, sans pour autant que nous abdiquions nos convictions de gauche, de droite ou d’ailleurs…
En tant que parlementaires, l’objectivation de nos décisions passe par le recours à un certain nombre d’outils en vue de confronter des points de vue divergents, pluralistes : auditions, tables rondes, conférences, rapports…
En effet, la décision publique, le choix politique ne devraient jamais céder avec trop de facilité démagogique à la tentation de l’émotion et de l’air du temps, mais plutôt se fonder, en responsabilité, sur la raison, pour que la loi soit de qualité.
Aux fins d’amélioration de la qualité de la loi et de limitation de l’inflation législative, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 15 avril 2009 ont instauré l’obligation de joindre aux projets de loi une étude d’impact comportant une série d’informations et d’évaluations.
L’étude d’impact a un rôle : éclairer le Parlement. Toutefois, comme l’a souligné notre rapporteur, qu’il faut remercier de son travail, les études d’impact ont fait l’objet de critiques régulières et parfois sévères quant à leur utilité, à leur contenu et à leurs modalités d’élaboration. Tantôt pures formalités, tantôt justifications a posteriori d’un projet de loi, elles ne donnent pas satisfaction et ne permettent pas de fournir une information de qualité au Parlement.
Ainsi – c’est mon premier point –, la proposition de loi organique de notre collègue Franck Montaugé vise justement à améliorer la qualité de ces études et à garantir leur indépendance. Elle tend à instaurer des études d’impact répondant réellement à leur objectif. Je tiens à saluer ici l’important travail fourni, dans la durée et en intensité, par notre collègue, et à remercier celui-ci d’attirer notre attention sur une problématique qui touche à un aspect essentiel de la décision publique.
La proposition de loi organique porte, d’une part, sur le contenu des études d’impact, et, d’autre part, sur la nature des organismes qui peuvent les réaliser.
En ce qui concerne l’amélioration de la qualité des études d’impact, il n’est plus possible, c’est vrai – je rejoins en cela les conclusions de Franck Montaugé –, de se fonder uniquement sur le PIB, parce que cette grille d’interprétation conditionne notre façon d’appréhender le monde, et donc la manière dont sont conduites les politiques publiques. Si le PIB est un indicateur indispensable pour mesurer la croissance, voire pour juger de l’efficacité des politiques publiques, il n’est pas, il ne peut plus être le seul instrument de mesure.
Ce constat est étayé par une littérature importante, qu’elle provienne des Nations unies, avec l’IDH, l’indicateur de développement humain, ou de l’OCDE, de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi ou encore de France Stratégie. Tous ces organismes s’accordent pour affirmer, à l’instar de l’OCDE en 2007, que le PIB n’est plus suffisant et qu’il est nécessaire « de procéder à une mesure du progrès social dans chaque pays [qui aille bien] au-delà [de ces] mesures […] conventionnelles ».
Ce qui est ici en jeu, c’est une approche pluraliste, avec des critères multiples, permettant de sortir de la suprématie d’une mesure uniquement économique, alors que l’économie ne constitue qu’une dimension parmi d’autres de la réalité sociale, omettant la question environnementale et celle des inégalités sociales, de plus en plus prégnante dans l’ensemble des pays occidentaux.
Il est donc nécessaire pour nous d’embrasser l’ensemble des disciplines, de développer des indicateurs alternatifs, afin de mesurer vraiment la qualité de la décision publique. En conséquence, notre collègue propose de prendre en compte dans les études d’impact les nouveaux indicateurs de richesse issus de la loi Sas du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, afin que l’analyse ne se limite pas à des critères uniquement économiques et quantitatifs, mais englobe la mesure du bien-être ou celle des inégalités, dans un contexte de soutenabilité environnementale.
Édouard Philippe précise, dans son éditorial du rapport de 2017 sur les nouveaux indicateurs de richesse, que les dix indicateurs dont nous disposons sont « un outil unique. C’est un constat sans appel de l’évolution de notre société, c’est un rappel puissant au Parlement et au Gouvernement de leurs responsabilités. »
Nous regrettons que l’article 1er de cette proposition de loi organique n’ait pas été retenu par la commission, et nous soutiendrons son rétablissement, en profitant de la possibilité qui nous est encore offerte d’amender librement les textes…