Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet de l’évasion fiscale et de la fiscalité internationale est d’une importance cruciale. C’est pourquoi je remercie les auteurs de cette proposition de résolution, et je salue le travail de notre collègue Éric Bocquet.
L’économie mondialisée au sein de laquelle la France s’insère est atteinte d’un mal terrible, résultant de la compétition que se livrent les juridictions fiscales à l’échelle mondiale. Cette compétition généralisée est désastreuse, parce qu’elle tarit les ressources financières des États et qu’elle freine la coopération entre les pays. Ce sont autant de ressources qui devraient être mobilisées dans l’objectif d’une redistribution plus juste des richesses.
La fraude fiscale et l’optimisation fiscale utilisent les mêmes stratégies. Ces phénomènes sont qualitativement différents, l’optimisation étant légale. Mais cette dernière n’en reste pas moins immorale. Dans les deux cas, il s’agit, pour certains, de tout mettre en œuvre pour éviter de payer la part, légitime, qui leur incombe dans le cadre de la contribution aux dépenses publiques collectives.
Ces détournements de richesses sont possibles grâce à la mondialisation des flux de capitaux et aux progrès technologiques, qui permettent, en quelques clics, de créer des sociétés écrans ou d’orienter les flux de bénéfices des entreprises multinationales vers des territoires fiscalement avantageux.
Ces phénomènes, qu’il est bien difficile de maîtriser dans le système bancaire conventionnel, sont totalement hors de contrôle dans la zone d’ombre du shadow banking. Ils permettent souvent à la corruption et à l’argent sale de prospérer.
Quelles sont les conséquences de ce système – car il s’agit bien d’un système généralisé s’appuyant sur une industrie de l’ingénierie fiscale –, qui est malheureusement toléré par les États ?
Pour les pays en voie de développement, cela représenterait dix fois le montant de l’aide au développement : largement de quoi lutter contre la pauvreté, voire l’éradiquer. En France, les montants estimés de cette fraude représenteraient de 60 milliards à 80 milliards d’euros par an : cela ferait une vraie différence dans nos débats budgétaires si nous disposions d’une telle somme. Je rejoins Mme Goulet lorsqu’elle relie ce débat avec celui que nous avons eu précédemment sur les retraites agricoles, que nous verrions en effet d’un tout autre œil : la vraie question, c’est non pas l’addiction aux dépenses publiques, mais plutôt la rupture avec l’addiction à la fraude fiscale.