Intervention de Jean-Marc Gabouty

Réunion du 7 mars 2018 à 21h30
Finance mondiale harmonisation et justice fiscales — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le fonctionnement de l’économie mondiale et son évolution depuis la crise financière de 2008 et la crise des dettes publiques suscitent de nombreux débats.

L’opacité du fonctionnement de la sphère financière, renforcée par une mathématisation extrême, éveille de plus en plus d’inquiétudes sur la stabilité des marchés, comme l’a montré le mini-krach de février dernier, passé quasiment inaperçu. Ainsi, le mathématicien Nicolas Bouleau, dans une chronique parue le week-end dernier dans le quotidien Le Monde, évoque des marchés « fumigènes », qui tendent aujourd’hui à brouiller l’information sur l’état réel de l’économie.

Un débat sur l’évasion et la fraude fiscales a eu lieu au Sénat en octobre 2016, sur l’initiative de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen, et une proposition de résolution européenne a été adoptée, au début de 2017, par l’Assemblée nationale sur le même sujet.

Le bien-fondé du sujet ne fait pas de doute. Aujourd’hui, l’évasion et la fraude fiscales représentent des pertes colossales pour les États, aggravant les déficits et pénalisant le financement des services publics : 1 000 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne, 60 milliards à 80 milliards d’euros par an en France, soit un montant équivalant au déficit public.

Dans ce contexte, la liste des paradis fiscaux, adoptée par les ministres des finances de l’Union européenne le 5 décembre dernier, se veut une réponse politique globale. Toutefois, les noms qui y figurent – Corée du Sud, Mongolie, Namibie, Tunisie, … – et, surtout, les absents trahissent de graves insuffisances.

Trois critères ont été retenus par Bruxelles dans la lutte contre les paradis fiscaux : la conformité aux standards d’échange automatique de l’OCDE, la limitation de l’implantation de sociétés offshore et l’adoption des lignes directrices de l’OCDE de lutte contre l’évasion fiscale des multinationales.

Mais il y a plusieurs bémols importants : cette liste, comme certains de mes collègues l’ont dit, exclut de facto les pays européens, qui sont réputés se conformer a priori au droit de l’Union européenne en matière de lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, malgré les interrogations qui existent depuis longtemps sur des États comme l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Chypre, ou encore les micro-États entretenant des relations particulières avec l’Union, comme Monaco, Andorre ou le Liechtenstein. Par ailleurs, de grands pays extra-européens qui ne remplissent pas ces critères, comme les États-Unis ou la Russie, n’y figurent pas non plus. On peut donc considérer qu’une telle liste est plus théorique qu’opérationnelle.

La France n’est malheureusement pas en reste, avec des conventions fiscales très avantageuses, signées notamment avec des États du Golfe, mais avec bien d’autres pays aussi, et qui assurent par exemple des exonérations sur les plus-values immobilières et l’impôt sur la fortune immobilière au bénéfice des non-résidents. Un ancien ministre, Jean-Louis Borloo, dans le cadre des consultations menées en 2012–2013 sur la remise à plat de la fiscalité, avait proposé de revenir sur ces régimes outrageusement avantageux, qui coûtent chaque année plusieurs centaines de millions, voire plusieurs milliards d’euros à l’État français.

Paradoxalement, pour investir en France, il vaut mieux être qatari ou koweïtien que japonais ou canadien.

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