Intervention de Christine Lavarde

Réunion du 7 mars 2018 à 21h30
Finance mondiale harmonisation et justice fiscales — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Christine LavardeChristine Lavarde :

Or une telle supposition ne résiste pas à l’examen des faits.

Ainsi, que ce soit au niveau du G20 ou de l’Union européenne, des initiatives fortes ont été entreprises dans le sens d’une plus grande transparence fiscale, afin, notamment, de permettre à la fois d’identifier les paradis fiscaux et de lutter contre eux.

Lors du G20 de Londres de 2009, les responsables politiques des principales puissances économiques mondiales avaient déjà qualifié la lutte contre l’évasion fiscale de « priorité absolue ». C’est sur cette base et dans le cadre d’une étroite collaboration avec l’OCDE que de nombreux progrès ont d’ores et déjà été accomplis.

L’accord multilatéral du 29 octobre 2014, qui permet au niveau mondial d’assurer l’échange automatique d’informations, constitue à ce titre une avancée historique. Cet échange se caractérise notamment par le partage de renseignements à la demande des administrations, lorsque celles-ci ont de bonnes raisons de penser qu’une information bancaire dans un autre pays leur est utile. Il favorise aussi l’échange automatique de renseignements, obligeant chaque pays à demander à l’ensemble de ses institutions financières de collecter chaque année l’information financière sur les comptes détenus via des trusts ou des sociétés par des non-résidents.

À la suite de cette avancée, l’OCDE a proposé un ensemble de recommandations sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, dit programme BEPS, dans le cadre du projet pour une approche internationale coordonnée de la lutte contre l’évasion fiscale des entreprises multinationales. En effet, les stratégies fiscales de certaines entreprises sont de nature à créer une disjonction importante entre le lieu de création de la plus-value et celui de son imposition.

Cependant, je ne partage pas l’avis exprimé par Éric Bocquet voilà quelques minutes sur cette initiative, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le projet BEPS facilite la coopération entre les pays, pour mettre fin à ce que les Anglo-Saxons appellent le treaty shopping, c’est-à-dire la pratique des investisseurs qui recherchent délibérément à bénéficier de la protection plus avantageuse d’un traité bilatéral d’investissement signé entre un État dont ils n’ont pas la nationalité et l’État hôte dans lequel ils ont investi. C’est ainsi que de nombreuses multinationales sont logées artificiellement à Maurice pour bénéficier des accords de ce pays avec l’Inde.

Ensuite, le BEPS favorise un reporting par pays, obligeant les entreprises concernées à fournir aux administrations fiscales un certain nombre d’informations financières, comme la localisation de leur chiffre d’affaires ou de leurs actifs. En France, c’est l’article 21 de la loi de finances pour 2016 qui a instauré cette obligation pour les groupes réalisant un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 750 millions d’euros.

Sur cette question du reporting, une divergence de fond nous oppose au groupe CRCE : c’est une des raisons qui nous empêchera de voter cette proposition de résolution. Nos collègues, en son alinéa 39, insistent sur la nécessité de rendre public le reporting par pays. Nous estimons, au contraire, que cette publication serait contre-productive, car elle pourrait fragiliser nos champions nationaux. Si l’administration fiscale doit pouvoir détenir ces informations, pour autant elles n’ont pas à être accessibles aux concurrents américains ou asiatiques de nos entreprises.

Nous sommes attachés à la protection du patrimoine informationnel de nos entreprises, car il est un élément essentiel de leur compétitivité sur les marchés mondiaux. C’est la raison pour laquelle notre groupe s’était opposé aux amendements, introduits au cours de la discussion de la loi Sapin II de décembre 2016, prônant la publication de ces informations extrêmement sensibles.

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