Intervention de Chantal Jouanno

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 7 mars 2018 à 10h30
Article 13 de la constitution — Audition de Mme Chantal Jouanno candidate proposée aux fonctions de présidente de la commission nationale du débat public cndp

Photo de Chantal JouannoChantal Jouanno :

J'ai grand plaisir à vous retrouver. Je reviendrai tout à l'heure sur les raisons de la brièveté de mon passage vers le privé, mais veux vous dire d'emblée les raisons de mon intérêt pour la CNDP. Dès lors que l'on s'engage sur les questions environnementales, de développement durable et d'aménagement du territoire, on se trouve aussitôt confronté à la question du débat public : quelle est l'acceptabilité mais plus encore la faisabilité d'un projet, quel sera son impact sur les populations, pour qui sera-t-il soutenable et pour qui le sera-t-il moins ? Telles sont les questions qui se posent d'emblée sur des sujets qui touchent à notre modèle de société, nos modes de production, nos comportements, et qui exigent un débat très large. Autant dire que ces questions sont inhérentes à tout ce qui touche à l'aménagement du territoire et à l'environnement.

Dans mon parcours professionnel, j'ai eu l'occasion d'expérimenter différentes techniques de concertation, de participation ou de consultation du public pour élaborer des projets ou des politiques - non pas tant dans la préfectorale, où les décisions du préfet sont motivées par l'exigence, régalienne, de garantir la sécurité, que dans mes fonctions au sein de collectivités locales. Je pense, par exemple, à la consultation qui avait été menée par le Conseil général des Hauts-de-Seine pour inviter la population à hiérarchiser les priorités dans les politiques qu'il entendait mener. C'est ainsi qu'ont été organisés des consultations par internet, des débats avec les élus, des conférences de consensus avec des citoyens représentatifs. Toutes ces expériences ont été enrichissantes.

Lors du Grenelle de l'environnement, nous avons répondu au souhait exprimé, durant la campagne, par le futur Président de la République, de construire les politiques avec les associations environnementales. Il nous revenait de mettre en oeuvre cette volonté, et d'engager le débat avec l'ensemble des parties prenantes en veillant à ce qu'il soit le plus ouvert possible et ne sombre pas dans un affrontement manichéen. D'où l'initiative du « dialogue à cinq partenaires », une technique de construction des politiques réutilisée dans le cadre du plan de prévention des risques technologiques et dont le Conseil d'Etat, dans son rapport de 2011, a souligné tout l'intérêt.

Comme vice-présidente de région sur les projets d'aménagement, j'ai eu à mettre en place une politique de soutien aux quartiers innovants et écologiques, avec toutes les difficultés que cela emportait. Il s'agissait de rencontrer les porteurs de projet en associant la population très en amont, afin qu'elle en retire le maximum de bénéfice.

Si l'on veut aller plus loin sur l'aménagement du territoire, l'environnement, le développement durable, il faut rechercher les meilleurs moyens d'organiser le débat public, pour qu'il soit utile. Là est le sens de ma candidature : il s'agit pour moi d'être utile aux porteurs de projets, aux collectivités locales, aux citoyens.

Vous m'interrogez sur ma vision de la CNDP. Je n'ai pas la prétention de vous livrer, à ce stade, un plan stratégique, car il me faut d'abord en passer par la pratique, et mesurer les conséquences des dispositions de l'ordonnance d'août 2016 qui, avec l'élargissement des motifs de saisine obligatoire et du droit d'initiative, accroît considérablement la mission de la CNDP. La priorité, pour les années à venir, sera de mettre en oeuvre ces dispositions nouvelles, et de voir en quoi elles contribuent au débat public et à la mise en oeuvre de projets ou de politiques : en somme, de les évaluer. Il sera intéressant, de ce point de vue, de débattre avec les porteurs de projets, les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des parties prenantes des modalités de cette évaluation. Comment savoir si le débat public a été efficace ? On ne l'évalue pas au nombre de projets arrêtés mais bien plutôt à la mesure dans laquelle le débat a contribué à enrichir un projet ou un programme. Il s'agit, dans le débat public, de dresser une cartographie des données et des intérêts, pour que la décision soit prise à la lumière de cet éclairage.

On comprend, du même coup, combien impartialité et neutralité sont essentielles à la CNDP. Vous avez donc raison de me demander comment, eu égard à mon parcours politique, je saurai les garantir. Car de fait, la CNDP, garante de l'objectivité du débat public, doit permettre à toutes les opinions de s'exprimer et s'assurer qu'elles seront prises en compte jusqu'en aval, c'est-à-dire jusqu'à la phase de l'enquête publique.

L'impartialité de l'institution est garantie, tout d'abord, par son mode de fonctionnement. Ses 25 membres sont nommés par les institutions qu'ils représentent, et qui rassemblent l'ensemble des parties prenantes de la société - acteurs économiques, sociaux, associatifs, élus, membres du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation. Ce pluralisme est une première garantie. Ces membres s'engagent tous sur une charte de déontologie, qui garantit l'absence de conflit d'intérêt. Son président ne saurait présider de commission particulière : si ma candidature était retenue, je n'aurais donc pas à interférer dans des débats qui peuvent concerner des projets dont j'ai eu à connaître.

Si je suis candidate, enfin, c'est bien pour garantir la neutralité de l'institution. Il est hors de question que j'exprime une opinion politique sur un projet. Ce serait sortir du rôle du président, qui est de garantir que les conditions du débat public soient réunies. J'ai déclaré, naguère, que vous n'entendrez plus parler de moi, et je ne m'en dédis pas : je ne ferai aucune déclaration politique.

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