Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, le présent projet de loi, que le Gouvernement avait baptisé « pour un État au service d’une société de confiance », partait d’un bon sentiment, même si son intitulé était un peu pompeux. Je me félicite d’ailleurs que le Sénat donne à ce texte un nom plus conforme à la modestie qui est la sienne en l’intitulant projet de loi « renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ».
Ce projet de loi, le groupe socialiste et républicain l’a abordé avec enthousiasme. C’était pour nous l’occasion d’aller plus loin dans le travail de simplification législative et de modernisation de l’État amorcé par MM. Warsmann et Mandon, pour ne citer qu’eux. Mais c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses, comme vous le savez.
À l’heure du bilan, je constate que des mesures intéressantes nous sont effectivement soumises aujourd’hui. Je pense bien évidemment à l’article 2, qui instaure un droit à l’erreur qui devra permettre à nos concitoyens, sous réserve qu’ils soient de bonne foi, d’éviter des sanctions de l’administration au premier manquement. Nous nous félicitons que le travail sénatorial ait permis l’élargissement de ce droit aux collectivités locales.
Au travers de l’adoption d’amendements présentés par des sénateurs socialistes, nous avons également obtenu le report de la fin des déclarations d’impôt sur papier à 2025, afin que nos concitoyens éloignés du numérique ne soient pas pénalisés.
Le Sénat a apporté de nombreuses contributions à ce texte, ce qui constitue une belle illustration des vertus du bicamérisme.
Ma collègue Michelle Meunier et la rapporteur ont ainsi dénoncé l’habilitation à prendre par ordonnance toute mesure facilitant l’implantation, le développement et le maintien de modes d’accueil de la petite enfance. La vie quotidienne de près de 900 000 enfants accueillis, de leurs parents et des professionnels qui travaillent dans ces structures mérite mieux que le recours aux ordonnances, et la commission spéciale a eu raison de supprimer l’article 26 bis.
Mon groupe se félicite également du renforcement des modalités de consultation du public lors de la création d’installations classées pour la protection de l’environnement.
La navette parlementaire n’a cependant pas réussi à gommer certains aspects plus gênants de ce texte qui tiennent pour beaucoup à sa conception. Comme d’autres avant moi, je qualifierai ce projet de loi de fourre-tout. Ce texte comporte de trop nombreuses habilitations, procédure dont le Gouvernement abuse par un goût excessif pour le contournement du Parlement.
Concernant le numérique, l’article relatif à la dématérialisation permet aux administrés de faire des démarches depuis leur domicile, ce qui leur fera gagner beaucoup de temps. Cependant, en refusant notre amendement qui visait à un accompagnement numérique des personnes les plus vulnérables, vous niez, monsieur le secrétaire d’État, la fracture numérique qui peut exister. En ne reversant pas les économies réalisées par la dématérialisation au profit d’un accompagnement des plus vulnérables, vous passez à côté d’une amélioration qui aurait rassemblé largement.
Par ailleurs, comment passer sous silence l’incontournable question des moyens ? Ce texte, ce n’est pas le conseil à la place du contrôle, c’est le conseil et le contrôle. L’un ne remplace pas l’autre. C’est donc davantage de travail pour les services de l’État, dans un contexte de réduction drastique des effectifs de fonctionnaires.
Bien qu’il y soit peu fait mention des agents de l’État, ce projet de loi va profondément changer leurs conditions de travail. La numérisation du travail ne fera pas disparaître le travail par miracle, et vous allez par conséquent leur demander de faire toujours plus. Après le rétablissement du jour de carence, la hausse de la contribution sociale généralisée, la CSG, et le gel du point d’indice pour 2018, nos fonctionnaires témoigneront d’ailleurs de leur perte de confiance dans la rue dès jeudi, soutenus massivement par la gauche dans toutes ses composantes.
Enfin, le groupe socialiste et républicain signifie son opposition à l’exclusion des associations cultuelles des registres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique. Cette décision n’a aucun sens quand on se rappelle le poids des cultes lors du débat sur le mariage pour tous ou quand on observe la préparation des débats sur la bioéthique. Nous respectons les religions, mais nous attendons qu’elles participent au débat public dans la plus grande transparence.
Je tiens en dernier lieu à saluer l’excellent climat dans lequel se sont déroulés les travaux de notre commission spéciale. J’en remercie son président et ses rapporteurs.
Je veux aussi redire tout l’intérêt que nous avons trouvé à la procédure de législation en commission, sous réserve, et c’était le cas, d’un travail précis de définition de son périmètre. Cette PLEC démontre la capacité d’adaptation du Sénat, qui n’attend pas le Gouvernement pour réinventer le travail parlementaire.
Partis enthousiastes, mais rapidement devenus timorés, les sénateurs socialistes s’abstiendront donc lors du vote final sur ce projet de loi.