Intervention de Mathieu Darnaud

Réunion du 20 mars 2018 à 15h00
Protection des données personnelles — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Mathieu DarnaudMathieu Darnaud :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, alors que le règlement européen relatif aux données personnelles doit entrer en vigueur à compter du 6 mai 2018, l’adoption du présent projet de loi revêt un caractère incontournable.

Toutefois, indépendamment de cette obligation liée à nos engagements européens, l’adaptation de notre législation au formidable défi soulevé par les questions liées aux big data n’en était pas moins urgente. En effet, pas plus que les géants de l’Internet, les pirates ou profiteurs de tout poil n’attendront pas l’adaptation de notre législation pour exploiter sans vergogne les données personnelles de nos concitoyens.

Pour organiser un dispositif de sécurité efficace, l’Union européenne est une chance pour la France, car elle constitue l’échelon le plus pertinent. Comme l’ont souligné Mme la rapporteur et M. Sutour, le RGPD permet aux États membres d’harmoniser leurs pratiques, en prenant exemple sur ce qui fonctionne chez leurs voisins, ce qui leur laisse une marge très appréciable pour mener leurs propres politiques d’adaptation.

Ils pourront d’ailleurs s’inspirer de la France, précurseur en matière de protection des données, puisque nous fêtons cette année les quarante années d’existence de la CNIL, d’ailleurs présidée en son temps par notre ancien collègue Alex Türk.

Les données personnelles touchent donc à la vie privée, à la santé, à nos comportements, par le biais de photos ou d’informations… bref, à l’intime. Il me semble que c’est déjà se faire une certaine idée de l’homme et de l’État de droit que de considérer que le citoyen ne peut être dépossédé de cette intimité. En affirmant son refus de laisser à des tiers une emprise sur nos existences, le Sénat remplit pleinement sa vocation de défenseur des libertés individuelles.

Au travers de ce projet de loi, c’est aussi l’occasion d’affirmer une certaine conception de la démocratie, d’autant que les révélations faites par deux journaux américains nous dessinent un horizon particulièrement sombre en la matière.

En effet, si elle était confirmée, la captation par l’entreprise Cambridge Analytica, pour des motifs prétendument académiques, de données recueillies sur Facebook émanant de 30 à 50 millions de comptes à des fins de profilage politique pour influencer le vote lors de la dernière élection présidentielle américaine montre l’acuité de la menace.

Il s’agit donc d’une question tout à fait cruciale pour la vie démocratique de nos sociétés. De la même manière, d’autres attaques impliquant des intérêts puissants, notamment d’États étrangers, soulèvent la question de la souveraineté nationale.

Mais l’existence de ces données personnelles peut aussi être, à condition de voir leur utilisation très solidement encadrée, une opportunité économique, et même une formidable chance pour la recherche médicale.

Sur le projet de loi tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, le travail effectué par nos rapporteurs a été remarquable. Je tiens notamment à saluer les nombreux apports que Sophie Joissains a fait intégrer dans le texte adopté par la commission des lois.

Je ne reviendrai pas sur les nombreuses dispositions que comporte le texte du Gouvernement et qui viennent d’être amplement détaillées, mais je souhaite m’arrêter sur un point sur lequel vous avez, madame la rapporteur, apporté une avancée décisive : il concerne les collectivités locales.

En effet, il s’agissait là du parent pauvre du texte : rien sur l’état civil, les cadastres, les fichiers des centres communaux d’action sociale ou les listes électorales.

Parce qu’elles sont au centre de la vie quotidienne de nos concitoyens, les collectivités sont les premières concernées par l’utilisation de leurs données personnelles. Mais en imposant à la CNIL d’adapter les normes à leurs besoins, vous avez rendu possible ce qui, avec les moyens matériels et humains actuels, ne l’aurait sans doute pas été.

Parmi les avancées déterminantes intégrées par la commission des lois, je veux citer aussi : la mutualisation des services supports offerts par les syndicats mixtes au bénéfice des communes et des intercommunalités ; la création des dotations communales et intercommunales pour la protection des données personnelles qui seront prélevées – point essentiel à l’heure de la baisse des dotations – sur les recettes de l’État ; l’exonération des collectivités des amendes et astreintes administratives en cas de sanction.

En comblant ces lacunes, vous avez rappelé, madame la rapporteur, que le Sénat est plus que jamais l’assemblée des collectivités territoriales et celle des solutions pratiques. Voilà qui devrait faire réfléchir avant d’affaiblir le bicamérisme, lequel fait la richesse de nos institutions.

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