Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 20 mars 2018 à 15h00
Protection des données personnelles — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Nicole Belloubet :

Vous le savez, tel n’est pas du tout l’état d’esprit dans lequel nous sommes. Au contraire, le souci avec lequel ce texte a été préparé – j’y reviendrai – témoigne du profond respect que nous avons pour le Parlement – je tiens ici à le redire.

Monsieur le sénateur Sutour, j’ai apprécié votre connaissance très fine de l’adaptation des textes européens en droit interne, et l’ensemble de vos propos me semblent tout à fait pertinents. Vous mesurez les singularités et les difficultés qui s’attachent aux transpositions de la directive et à l’application du règlement dans un même texte. Évidemment, tout ceci donne des choses assez complexes, et vous soulignez l’intérêt d’utiliser les marges de manœuvre, pour traiter notamment la question de l’âge du consentement – là encore, j’avais, me semble-t-il, répondu par anticipation, et nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir.

Vous faites également mention de la charge nouvelle qui pèse sur les collectivités territoriales ; vous souhaitez – je vous cite – un « accompagnement adapté » et préconisez que la CNIL y soit associée. Je rappelle, en la matière, tous les éléments dont j’ai eu l’occasion de vous faire part tout à l’heure, qu’il s’agisse du guide de la CNIL ou du lien nécessaire avec les associations d’élus, l’ADF, l’Assemblée des départements de France, mais aussi l’AMF, l’Association des maires de France. Je souligne en outre que nous partageons évidemment la volonté, exprimée par le Sénat, qu’aucune sanction ne soit prononcée et qu’un certain nombre de dispositions voient leur entrée en vigueur reportée à 2020.

Monsieur le sénateur Ravier, je ne partage pas tout à fait les propos que vous avez prononcés. Vous avez bien entendu fait allusion à Big Brother, aux GAFA, tous termes destinés à susciter l’effroi. Vous avez, par leur entremise, souligné l’atteinte à notre souveraineté numérique.

Au contraire, en ce domaine complètement immatériel, face aux atteintes potentielles à nos libertés et à nos intérêts, je pense que l’Europe est la seule vraie réponse que nous pouvons apporter.

Au-delà de cette nécessaire prise en compte du problème au niveau européen, notre ambition, dans le cadre de ce texte, est bien de faire respecter nos valeurs telles qu’elles transparaissent dans la loi de 1978. Le rôle que la France a mené dans les négociations européennes a bel et bien consisté à faire partager ces valeurs et cette ambition. Nos préoccupations expriment bien le refus du repli national et du fantasme de l’isolationnisme numérique.

Madame la sénatrice Carrère, vous avez souligné, autour des notions de défi et de changement de paradigme, l’importance d’un meilleur accompagnement par l’État des collectivités territoriales et – je ne me souviens plus si vous les avez mentionnées – des entreprises.

En tout cas, vous avez souligné les coûts de mise en conformité pour les collectivités territoriales. Nous avons déjà répondu, me semble-t-il, par l’exonération des sanctions financières et la mobilisation des préfets, à laquelle j’ai fait allusion. Certes, M. Hervé a souligné qu’il était sans doute insuffisant d’en rester à un tel stade de généralité. Mais je crois que ces mesures sont tout de même importantes.

Nous partageons vos préoccupations sur l’action de groupe. Il s’agit d’une avancée importante. C’est pourquoi nous ne sommes pas revenus sur l’extension faite par l’Assemblée nationale aux actions en réparation, et nous ne souhaitons pas soumettre l’action des associations à un agrément préalable.

Nous avons déjà introduit une garantie en matière d’encadrement du recours aux algorithmes : la maîtrise par le responsable du traitement de l’algorithme et de ses évolutions. Nous reviendrons plus en détail sur le dispositif, par exemple à propos de Parcoursup, lors de l’examen de l’article 14.

Nous ne sommes pas favorables à la création de droits de propriété de l’individu sur ses données ; nous ne voulons pas d’une patrimonialisation de celles-ci. Mais le RGPD renforce évidemment les droits des individus sur leurs données.

Monsieur le sénateur Darnaud, je partage totalement votre point de vue lorsque vous indiquez que l’Union européenne est une chance pour la France, à la fois par l’harmonisation que proposent les textes européens, mais également par les marges de manœuvre ! Ces éléments se rejoignent. Vous avez même souligné que cela répondait à une conception de la démocratie très propre à l’Europe ; je suis en plein accord avec vous sur ce point.

Vous avez insisté sur l’attention que nous devons porter aux collectivités territoriales – je n’en dis pas plus, car nous aurons l’occasion d’en reparler –, en mentionnant les cadastres et les fichiers d’état civil.

En revanche, je suis en désaccord avec vous lorsque vous évoquez la « mise à distance » d’un Parlement qui serait « amputé » de ses prérogatives. Vous évoquiez les ordonnances, mais vous avez lié cette mise à distance au fait que nous n’aurions pas suffisamment répondu aux TPE et aux collectivités territoriales. L’ordonnance que nous proposons n’a rien à voir avec la non-réponse que vous pensez pouvoir relever. Encore une fois, l’ordonnance pour laquelle nous sollicitons l’habilitation du Parlement est exclusivement liée à un problème légistique de réécriture de la loi de 1978, sur la base exclusive du texte que le Parlement votera à l’issue de nos débats.

Monsieur le sénateur de Belenet, vous avez raison de souligner le travail qu’ont accompli les services de la Chancellerie dès le mois d’août. Nous ne sommes pas dans l’impréparation que d’aucuns ont bien voulu relever. Dès l’adoption de la loi sur le rétablissement de la confiance, que j’avais eu l’honneur de vous présenter, nous nous sommes immédiatement mis, avec l’ensemble des services de la Chancellerie, à la transposition du texte dont nous débattons.

Je dois vous remercier de votre soutien. Comme d’autres, vous avez évoqué l’affaire Cambridge Analytica. J’y vois précisément l’illustration de l’intérêt d’un cadre européen. Le projet de loi de transposition prévoit justement des mécanismes permettant à la CNIL de prêter son concours aux autres autorités de protection de données qui vont enquêter sur les violations des règles de protection des données ; ce concours entre autorités de protection me paraît très important.

Je suis en accord avec l’ensemble de vos propos, notamment lorsque vous soulignez la nécessité de maintenir le cadre de la loi de 1978. C’est le choix que nous avons expressément fait. Nous considérons la loi de 1978 à la fois comme un symbole de la représentation des valeurs portées par la France, mais aussi comme un cadre lisible qui nous semble essentiel.

Madame la sénatrice Benbassa, vous avez exprimé vos préoccupations sur la procédure accélérée et sur l’habilitation à légiférer par ordonnance. Je ne reprends pas ce que j’ai déjà répondu à vos collègues.

J’aimerais évoquer brièvement les moyens de la CNIL, au risque de fâcher Mme Robert et M. Hervé…

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