Si vous me le permettez, monsieur le président, je prendrai un peu de temps pour présenter de manière précise et complète cet amendement, d’une particulière importance.
Il a pour objet de rétablir une disposition de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants qui a été supprimée par la commission des lois.
Avant toute chose, je rappelle que cette loi est entrée en vigueur il y a tout juste deux semaines, après avoir été adoptée par le Sénat en février dernier. Que l’on envisage de modifier le droit applicable à ce stade de la procédure Parcoursup suscite déjà une très vive inquiétude dans les établissements d’enseignement supérieur, lesquels devront entamer l’examen des vœux de plusieurs millions de lycéens dans une dizaine de jours.
À la lumière de l’article 14 du présent projet de loi, la commission des lois du Sénat considère que cette disposition qui protège le secret des délibérations des équipes pédagogiques chargées de l’examen des candidatures ouvrirait la voie à une généralisation du traitement algorithmique pour produire les décisions d’affectation sans aucune intervention humaine.
Dans un souci de clarté et de précision, je voudrais rappeler quelle vision et quelle philosophie ont guidé le Gouvernement tout au long de la refondation de l’accès au premier cycle universitaire.
Pour mettre un terme à l’opacité qui entourait le fonctionnement de la plateforme APB, opacité que nous avons nous-mêmes dénoncée dès notre arrivée au pouvoir, le Gouvernement a articulé la procédure d’inscription en licence autour de deux exigences fondamentales : remettre de l’humain dans la procédure d’affectation en écartant toute prise de décision sur le seul fondement d’un algorithme ; garantir la transparence de la procédure d’affectation, tant au niveau national qu’au niveau local. Tels sont les deux piliers de notre projet.
Les nouvelles dispositions de l’article L. 612-3 du code de l’éducation issues de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants garantissent la transparence, qu’il s’agisse du fonctionnement de la plateforme Parcoursup en général ou de la procédure de traitement des dossiers de candidature dans les établissements. Les critères d’examen des vœux sont publics. La loi instaure un critère général, celui de la cohérence entre le profil du candidat et les caractéristiques des formations demandées.
Conformément aux alinéas 2 et 3 du I de l’article du code de l’éducation précité, toutes les informations relatives aux éléments pris en compte pour l’examen des dossiers au titre des 13 000 formations inscrites dans Parcoursup sont mises à la disposition des lycéens sur la plateforme.
Les critères d’examen ne sont pas les seuls éléments rendus publics. Le II de l’article prévoit que la transparence s’applique également aux traitements automatisés, ainsi qu’au code source de l’outil d’aide à la décision proposé aux formations par le ministère pour les assister dans l’examen des vœux. En d’autres termes, il n’y a pas de « boîte noire » : le principe de transparence vaut pour les critères, les traitements, le code source de l’algorithme national et celui de l’outil d’aide aux établissements.
Ce n’est pas fini ! J’ai rappelé que l’obligation d’une intervention humaine constituait le premier pilier de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants. Dans les établissements, les équipes pédagogiques devront suivre une procédure d’examen des vœux qui exclut toute prise de décision automatisée. C’est pourquoi vous me permettrez, monsieur Ouzoulias, de nuancer la présentation que vous avez pu faire de la procédure telle qu’elle se déroule aujourd’hui dans les établissements.
Le décret d’application de la loi instaure, pour chaque formation, une commission d’examen des vœux, principalement composée d’enseignants chargés d’examiner et de classer les dossiers. Comme son nom l’indique, l’outil d’aide à la décision, dont le code source sera donc publié, n’est qu’un appui proposé à la commission d’examen. Celle-ci peut décider de ne pas l’utiliser du tout ; certaines de ces commissions ont d’ailleurs fait ce choix. Si la commission d’examen souhaite utiliser cet outil, elle doit le paramétrer en fonction des éléments d’appréciation pédagogique qu’elle seule peut déterminer, en superviser le fonctionnement et en valider le résultat. Il s’agit bien d’un outil à la main de la commission d’examen. Ce paramétrage consiste, pour l’essentiel, à préciser, à hiérarchiser et à pondérer les critères qui ont été portés à la connaissance des candidats sur la plateforme Parcoursup.
Seule la commission d’examen des vœux est compétente pour décider des réponses qui seront faites aux candidats. Ainsi, la manière dont l’outil d’aide à la décision est utilisé est indissociable de la délibération elle-même, mais ne s’y substitue pas. Le module en lui-même ne peut fonder la décision de l’établissement. Celle-ci ne peut découler que des délibérations de la commission, qui doit examiner chaque dossier individuel : c’est l’esprit même de tout le projet. C’est d’ailleurs pour garantir que les établissements pourront procéder à l’évaluation de chacun des dossiers que le Gouvernement a mobilisé, en leur faveur, une aide spéciale de près de 10 millions d’euros.