Or, le 7 février dernier, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, le Gouvernement a fait adopter un amendement de dernière minute, déposé en séance publique sans que la commission de la culture ait pu en faire un examen approfondi, qui exonère ces algorithmes de classement des obligations de transparence prévues par le code des relations entre le public et l’administration. Le rapporteur de la commission de la culture, Jacques Grosperrin, avait, au contraire, déposé un amendement imposant dans tous les cas la publication des règles de l’algorithme et des principales caractéristiques de sa mise en œuvre.
La commission des lois a choisi de revenir sur cette première entorse aux règles de transparence définies par la loi pour une République numérique.
Écartons d’emblée l’un des griefs avancés par le Gouvernement : la suppression du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation ne prive nullement de base légale les délibérations des équipes pédagogiques.
Nous voulons bien faire crédit au Gouvernement qu’aucun dossier ne sera accepté ou rejeté sans examen, sur le simple fondement du résultat produit par l’algorithme de classement.
Cependant, la loi n’empêche pas une telle dérive : le critère de la cohérence entre le profil du candidat et les attendus de la formation demandée est tout de même extrêmement large, pour ne pas dire vague.
Si tous les dossiers doivent être réexaminés par les équipes pédagogiques, pourquoi les préordonnancer au moyen d’algorithmes de classement ? Il y a tout lieu de craindre que l’examen humain ne soit, au mieux, que superficiel, et a minima pour certains dossiers très bien ou très mal classés. Dès lors, il nous paraît légitime que les bacheliers puissent savoir quels critères de classement leur ont été appliqués par voie d’algorithme, conformément au droit commun.
Toutefois, je peux entendre la crainte que les établissements d’enseignement supérieur soient déstabilisés au cours de la première année d’application de Parcoursup, alors qu’ils l’ont déjà été avec le système APB il y a très peu de temps.
L’application des règles de transparence de droit commun a attiré l’attention sur l’usage fait par les établissements d’algorithmes de classement, sur les différences entre les résultats produits par un algorithme et le classement issu des délibérations des équipes pédagogiques. Cela pourrait évidemment encourager les recours.
Dans ces conditions, les enseignants-chercheurs pourraient être encore plus réticents qu’ils ne le sont déjà à l’égard de la nouvelle procédure.
Mes chers collègues, je crois nécessaire que le Sénat réaffirme une position de principe à ce sujet. Il n’y a aucune raison que les garanties de transparence offertes à l’ensemble des administrés ne s’appliquent pas à l’accès à l’université, d’autant qu’il y a aussi une vertu pédagogique à cela : un étudiant qui aura échoué à entrer dans un établissement d’enseignement supérieur aura besoin de connaître les critères appliqués, ne serait-ce que pour mieux se préparer en vue de l’année suivante.
Cela étant, par souci de pragmatisme, je prends l’engagement, au nom de la commission des lois, de rechercher un terrain de compromis, en commission mixte paritaire, en vue de reporter au 1er janvier 2019 l’entrée en vigueur du III de l’article 14. Cela obligera le Gouvernement à revenir sur le sujet dans la perspective de la rentrée 2019, mais laissera tout de même une année d’apaisement aux établissements d’enseignement supérieur.
Par ailleurs, il nous paraît important de faire apparaître clairement dans le code de l’éducation que les décisions d’inscription ou de refus d’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur ne peuvent être prises sur le fondement exclusif d’un algorithme.
En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.