Intervention de Claude Raynal

Réunion du 22 mars 2018 à 10h30
Services de paiement dans le marché intérieur — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi dont nous avons à connaître aujourd’hui, qui ratifie l’ordonnance du 9 août 2017 portant transposition de la directive 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux services de paiement dans le marché intérieur, est une étape importante de la construction d’un marché intérieur plus efficace et plus en phase avec la réalité et les perspectives de ce secteur d’activité.

Car si le marché intérieur est une réalité depuis vingt-cinq ans, sans régulation des nouveaux acteurs et des nouvelles pratiques, son existence ne serait qu’illusoire. Cette directive, et a fortiori le projet de loi qui en assure la transposition, cherche à concilier deux impératifs : un niveau de sécurisation des données et des transactions conformes au plus haut standard, et l’ouverture de ce marché aux opérateurs de fintech et à des modes de paiement alternatif.

Applicable au 13 janvier 2018 pour une partie de ses dispositions et en août 2019 en ce qui concerne les dispositions techniques qui seront prises par décret, cette directive prévoit un certain nombre de modifications du droit qu’il est possible de synthétiser ainsi.

Tout d’abord, l’arrivée de nouveaux acteurs dans le secteur des paiements modifie la relation classique qu’entretenait la banque avec ses clients. Aujourd’hui, le développement des agrégateurs d’informations ou des initiateurs de paiement a conduit l’Europe à créer un encadrement distinct de celui qui est applicable aux banques. Ces initiateurs de paiement qui servent d’interface entre le client et l’entreprise en supprimant les moyens de paiement classiques que constituent la carte de paiement et le chéquier sont déjà très présents outre-Rhin.

Quant aux agrégateurs d’information, à l’heure du big data, ils synthétisent l’ensemble des informations bancaires sur une interface indépendante des interfaces proposées par les banques.

Le régime juridique de ces deux nouveaux types d’opérateurs se singularise par deux aspects : un régime d’enregistrement simplifié et une absence de contraintes en matière de capital minimal, cette dernière règle s’expliquant au regard de l’absence de détention de capitaux appartenant aux clients par ces organismes.

Par ailleurs, face aux flux transfrontaliers de données bancaires, il est apparu important de renforcer la sécurité des données des consommateurs. En effet, cette directive cherche à limiter les risques d’asymétrie réglementaire, en empêchant du dumping technologique qui favoriserait les entreprises domiciliées dans des États moins-disants en termes de sécurité. Ainsi, elle rend obligatoire l’authentification réputée forte, c’est-à-dire l’authentification à deux facteurs, ou avec un mot de passe à usage unique. De plus, elle permet le développement de la technologie dite « API », qui permettra de davantage sécuriser les échanges d’informations entre les clients des banques et les nouveaux acteurs.

De plus, cette directive prévoit le développement du cashback, comme cela a déjà été excellemment rappelé il y a quelques instants. Très prisée dans les pays anglo-saxons ainsi qu’en Allemagne, cette pratique consiste en la remise d’espèces dans le cadre d’une opération de paiement. Il s’agit alors de « rendre la monnaie » lors d’un paiement par carte bancaire, les chèques étant exclus de cette procédure. Si ce type de pratique peut sembler étrange en France, pays qui a inventé la carte bancaire, elle constitue un mode alternatif de récupération de monnaie pour le consommateur sans passer par un distributeur. Là encore, un décret précisera ce dispositif et fixera un montant minimal de paiement ainsi qu’un montant maximal d’espèces pouvant être récupérées. Ce montant maximal ne peut être, dans notre esprit, qu’extrêmement limité.

La transposition de l’ensemble de ces éléments est prévue par voie réglementaire et une double question reste ouverte en termes tant de rapidité d’accès que de responsabilité.

Concernant la rapidité d’accès, si les entreprises de la fintech souhaitent – on les comprend – la garantie d’un accès rapide aux données des clients, les banques, elles, dépositaires des fonds des clients, souhaitent d’abord renforcer la sécurité, peut-être parfois au détriment de la rapidité d’accès. La position des banques s’explique puisque, en dernière analyse, il leur appartiendra de rembourser leurs clients, à charge pour elles de se retourner ensuite vers l’opérateur fautif.

Enfin, la question du champ d’application de cette directive, aujourd’hui limitée aux comptes courants et dont la surtransposition pourrait amener à l’élargir aux comptes d’épargne et de crédit, est posée par les opérateurs de la fintech qui souhaitent cet élargissement, alors que les banques sont partisanes du statu quo. Ainsi, la transposition de la directive dont il est question aujourd’hui, si elle est nécessaire, ne sera en tout état de cause pas suffisante pour encadrer l’évolution vertigineuse des nouvelles technologies appliquées à la finance.

Pour autant, s’agissant de la transposition de la directive, le groupe socialiste approuve la démarche à la fois rapide et prudente, avec, à ce stade, la seule prise en compte des comptes courants. Avant d’aller plus loin, trouvons d’abord les bons outils, notamment en termes d’information des consommateurs, sur laquelle il me semble qu’il y a encore de nombreux problèmes. Chacun doit comprendre si la fintech à laquelle il s’adresse est agréée ou non, si elle suit les réglementations qui lui sont applicables… Sur ces points, il existera toujours des difficultés ; en tout cas, il va falloir travailler sur cette question de l’information des consommateurs, notamment pour qu’ils sachent quelles sont les fintech agréées par l’ACPR. C’est une bonne chose qu’un tel agrément existe, mais encore faut-il qu’il soit rendu clairement public et qu’il soit visible de tous.

Si nous sommes donc d’accord sur ce point, nous ne comprenons pas pour autant, nous non plus, que les agrégateurs de comptes, dont nombre d’entre eux proposent déjà aux consommateurs des offres de gestion de leur épargne ou de crédit, ne soient pas tenus de contracter une assurance de nature à rassurer le consommateur.

Dans ce domaine, s’en remettre à une future directive européenne nous paraît en tout état de cause – cela a été dit par notre rapporteur général – extrêmement risqué. Si le Gouvernement considère, et on peut parfaitement l’admettre, que l’amendement voté à l’unanimité par la commission doit juridiquement être réécrit ou retravaillé, alors, nous le lui disons tout simplement, qu’il le fasse ! Pour vous y encourager, madame la secrétaire d’État, notre groupe socialiste et républicain votera – nous le regrettons – contre votre amendement de suppression et approuvera le texte tel que modifié par notre commission.

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