Intervention de Philippe Bas

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous nous réunissons cet après-midi dans l’hémicycle du Sénat pour traiter d’une question extrêmement grave. Heureusement, dans notre société, une prise de conscience aiguë semble se manifester depuis quelques mois. Le Sénat a voulu prendre le temps de la réflexion et ne pas faire d’annonces précipitées ou improvisées ; ce n’est pas dans sa nature, nous sommes une chambre de réflexion. Nous avons souhaité dresser un diagnostic et évaluer la faisabilité juridique des propositions que nous faisons avant de les présenter.

C’est un groupe de travail pluraliste, animé par Marie Mercier, qui s’est mis en place en octobre dernier. Après quatre mois d’auditions, après avoir entendu plus de cent dix personnalités, il nous a fait un certain nombre de propositions, que j’ai voulu traduire avec Marie Mercier et les membres de ce groupe de travail dans une proposition de loi, un peu plus de dix ans après la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, que j’avais eu l’honneur de présenter au Parlement.

Ce texte comporte de nombreuses propositions. Il part d’un constat, hélas ! sans appel. La moitié des victimes des agressions sexuelles dans notre pays sont des mineurs. D’ailleurs, la moitié des agressions sexuelles commises sur des mineurs sont le fait d’autres mineurs. Un grand nombre d’agressions ont lieu dans le cadre familial, alors que la famille est le milieu naturel de la protection des enfants, et seul un petit nombre de faits donnent lieu à des poursuites.

Cette situation n’est pas digne de la France. Nous devons absolument réagir avec force, en traitant la question sous l’angle non seulement de la répression pénale – nos lois pénales n’étant pas si mal faites, elles ne méritent que d’être ajustées à la marge –, mais aussi du développement des actions de protection des mineurs contre les infractions sexuelles, en donnant la priorité à la prévention et à l’accompagnement des victimes. Ce sont des points essentiels, sur lesquels notre rapporteur, qui les a explorés de manière très approfondie, aura l’occasion de revenir.

Je voudrais pour ma part, même si j’ai pris soin de dire que ce n’était sans doute pas le plus important, revenir sur la loi pénale.

La proposition de loi comporte plusieurs dispositions. La première concerne la prescription : il s’agit de porter de vingt à trente ans après le dix-huitième anniversaire la durée pendant laquelle une plainte pourra être déposée.

Je ne vous cache pas que j’ai eu quelques hésitations avant d’accepter l’allongement du délai de prescription. En effet, le but que nous devons rechercher, c’est que la plainte soit déposée le jour même, le lendemain, la semaine suivante, au plus tard, et non pas trente ans après. §Car la véritable protection vient de la capacité de la victime et de son entourage à assumer la gravité de l’événement au moment où il s’est produit. Ce n’est pas après avoir souffert en secret et en silence pendant trente années que le moment sera venu de porter plainte, alors que l’auteur de l’acte ne sera peut-être plus en vie ou, en tout cas, s’il l’est encore, que la capacité d’administrer la preuve de l’agression deviendra beaucoup plus aléatoire.

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