Intervention de Philippe Bas

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe BasPhilippe Bas :

Il importe, ensuite, d’être réaliste. L’âge de la maturité sexuelle n’est pas le même pour tous ni sous tous les cieux, si bien que le critère d’âge n’est pertinent qu’en moyenne. Or on ne peut condamner un agresseur en fonction de comportements moyens, on doit le condamner en fonction de comportements réels.

Il y a une troisième exigence à concilier avec les deux premières : c’est tout simplement le respect des droits de la défense. Une infraction pénale exige, pour être constituée, la preuve d’éléments matériels, d’une part, et la preuve d’une intention criminelle caractérisée, d’autre part. D’où l’impossibilité, chacun le sait depuis toujours, de prévoir qu’il suffise que la victime ait moins qu’un certain âge pour caractériser non pas une simple infraction, mais un viol, en faisant de l’âge de la victime un élément constitutif de ce viol. Cela reviendrait à créer une présomption irréfragable de culpabilité, c’est-à-dire une présomption qui ne permet pas à l’accusé de démontrer son innocence. Nous vivons dans un État de droit, cela n’est pas acceptable. C’est même inconstitutionnel. Cette inconstitutionnalité est tellement manifeste que nous ne saurions envisager une telle solution, même si le Gouvernement, dans une certaine précipitation, madame la secrétaire d’État, l’avait mise sous la table voilà quelques mois. Mais il s’est heureusement rallié à l’avis, tout à fait prévisible, du Conseil d’État sur ce point, et a adopté, la semaine dernière, des dispositions évidemment beaucoup plus modérées, à vrai dire tellement modérées qu’elles n’ajoutent rien à la loi actuelle, sinon, entre deux virgules, une interprétation de ladite loi pénale, qui entendrait faciliter les condamnations.

Nous, nous ne voulons pas d’une disposition qui serait seulement de portée cosmétique. Nous voulons une disposition réellement protectrice. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu d’inverser la charge de la preuve, de telle manière que, dans deux hypothèses – si l’enfant n’a pas de discernement, quel que soit son âge, même s’il a plus de quinze ans ; ou si l’écart d’âge entre la victime et l’auteur de l’acte est important, par exemple, un mineur de onze ans agressé par un majeur de vingt-huit ans –, il y aurait alors une présomption de contrainte qui caractériserait le viol.

À ce moment-là, le débat judiciaire portera non pas sur le consentement de la victime, ce qui la placerait dans l’obligation de se justifier au cours du procès, mais sur l’attitude de l’agresseur et sur l’exercice de la contrainte, et la défense de l’agresseur aurait à prouver que celui-ci n’a pas exercé de contrainte, car la contrainte serait présumée.

Je voudrais vous dire, mes chers collègues, au moment d’achever mon propos, que cette présomption de contrainte, qui repose sur le comportement de l’auteur de l’acte, est un moyen de rendre plus efficace la répression.

J’attends maintenant du Gouvernement qu’il entende le Sénat et qu’il se donne les moyens de ses propres ambitions, pour améliorer la prévention des agressions sexuelles et l’accompagnement des victimes. Force est de constater que le budget du programme 137 dédié à l’égalité entre les hommes et les femmes n’est pas, et de nombreuses associations d’aide aux victimes le disent, à la hauteur des ambitions que le Gouvernement proclame.

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