Le présent article est important, car il traite du délai de prescription. La durée de celui-ci doit-elle être de vingt ans comme aujourd’hui ? Doit-elle passer à trente ans, comme cela est proposé, voire à quarante ans, comme certains le souhaitent ? Faut-il prévoir l’imprescriptibilité ? Pour ma part, je plaide pour l’imprescriptibilité.
Ceux qui s’y opposent le font au nom d’un certain nombre de principes. Ils invoquent l’impossibilité de recueillir des preuves, compte tenu du temps écoulé. Certains plaident même pour le droit à l’oubli. Or la victime, elle, n’oublie pas. Pour les victimes d’un crime ayant touché leur intimité la plus profonde, comme l’a rappelé mon collègue Houpert, les choses sont beaucoup plus complexes et elles sont gravées longtemps.
Dans ces cas particuliers, la difficulté tient à la capacité de la victime à révéler publiquement son agression et donc à déclencher l’action publique permettant la poursuite de l’auteur du crime.
Les crimes sexuels sont très différents de n’importe quel crime de sang. Dans ce dernier cas, la victime est évidemment parfaitement connue puisqu’elle a été retrouvée. L’enquête judiciaire s’engage immédiatement. Il n’y a pas de problème de prescription a priori.
Le problème du crime sexuel tient au moment où il est révélé. À partir de ce moment-là, l’action sera-t-elle prescrite, possible ou pas, pour la victime ? En l’état actuel du droit, l’action est possible jusqu’à l’âge de trente-huit ans, mais plus au-delà.
Nous avons constaté lors des auditions auxquelles nous avons procédé, comme l’ont démontré d’importantes études scientifiques, qu’il faut du temps à la victime pour pouvoir révéler ce qu’elle a vécu. Il lui faut une certaine forme de stabilité dans sa vie sociale pour que puisse se révéler, à un moment et dans des conditions que l’on ne connaît pas, sa capacité à dire les choses.
L’imprescriptibilité permettrait aux victimes d’engager les poursuites nécessaires à compter de la révélation du crime.
Tel est l’objet de cet amendement.