Intervention de Marie Mercier

Réunion du 27 mars 2018 à 14h30
Protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles — Article 2

Photo de Marie MercierMarie Mercier :

Lors de nos travaux, qui ont duré longtemps, qui nous ont pris du temps et du cœur, nous avons été saisis d’émotion en prenant conscience de ce qu’était un crime sexuel sur mineurs de moins de quinze ans, et ce à juste titre, car ces crimes sont les plus odieux.

Pour autant, l’imprescriptibilité n’est pas, il faut en être bien conscient, une réponse efficace aux crimes sexuels commis contre les mineurs.

En effet, quelles preuves imagine-t-on pouvoir recueillir cinquante ans après les faits ? On mettrait en difficulté les victimes.

Les amendements visant l’imprescriptibilité, s’ils étaient adoptés, créeraient un précédent, car l’imprescriptibilité n’existe actuellement dans le droit français que pour un seul type de crime, le crime contre l’humanité, parce qu’on peut recueillir des preuves et qu’on ne risque pas de commettre de dramatiques erreurs judiciaires. Or même dix ans seulement après les faits, un crime sexuel reste très difficile à prouver.

Malgré toute l’horreur que ces crimes peuvent constituer, on ne peut pas les traiter de la même façon que la Shoah. Cela ne nous semble pas possible. Sinon, quelle hiérarchie allons-nous établir ? Pourquoi ne pas également rendre imprescriptibles les crimes terroristes, comme celui qui s’est malheureusement déroulé ce week-end ? Les terroristes aussi tuent des enfants. Pourquoi l’imprescriptibilité ne s’appliquerait-elle pas aux crimes de guerre ? Aux homicides ? Aux actes de barbarie ? Au trafic de drogue ? Aux trafics et aux crimes financiers ?

En fait, nous sommes face à un problème de cohérence dans l’échelle des peines. Le trafic de stupéfiants, c’est perpétuité ; un crime sexuel, c’est vingt ans. Lorsque l’on entend cela, on mesure la difficulté. Les crimes sexuels sont plus odieux que les crimes de droit commun, c’est sûr.

Il convient donc de modifier les peines encourues et non de changer le régime de prescription, car ce n’est pas la bonne réponse.

Le Conseil d’État, qui a été saisi à juste titre, a émis les réserves nécessaires, concernant en particulier les crimes de guerre.

Pour simplifier, la prescription ne protège pas les criminels ; elle garantit le droit à un procès équitable et respecte aussi, et encore, la victime.

Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.

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